Vive L'Enculé !

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Vive L'Enculé ! est une étude signée Patrick De Lacroix-Herpin, publiée le 21 novembre 2011 sur alainzannini.com (site des lecteurs de Marc-Édouard Nabe), et portant sur L’Enculé.

Déjà, la couleur du livre, noir, pas de fioritures « Marc-Edouard mes couilles », directement Nabe, paf dans la gueule, marque de fabrique garantie grandiose, sublime. L’Enculé. Pas de déception possible, Nabe a écrit ce que vous n’aviez pas pensé. Et puis le mot ultime roman, paf dans la gueule. Tout sera vrai, puisque inventé d’après les faits historiques avérés par la justice, parce que c’est un roman, alors c’est plausible. Lettrage blanc et même calibre pour les trois mots magiques Nabe L’Enculé roman : parfait. On peut s’attendre à une apocalypse de jouissance subversive et révolutionnaire, dans sa conception même. Nabe ne déçoit jamais, et avec L’Enculé, il bat tous les records d’originalité et d’inventivité réjouissante et symbolique. L’objet-marchandise livre étant lui-même superbe, la qualité du papier, feuilles nickel, peu de coquilles, solidité de l’ouvrage ; il ne s’abîme pas à l’usage et il est esthétique. Épuré, mais extrêmement percutant. Noir et blanc, déjà l’histoire même : le Blanc dans la Noire. Tout est déjà dit sur la couverture. Le fait que le noir domine la totalité du livre, d’où l’absence de titre sur la tranche du livre ; la quatrième de couverture est extraordinaire, le chiffre 29. Le 29ème exploit de Nabe dans l’industrie intellectuelle. Bravo. Tout un programme. Vive L’Enculé. Vous expliquer les conséquences de ce livre pourrait être trop long à développer ici, tout l’art de l’antiédition et dans ce livre : liberté totale et profit pour l’auteur, et pas pour ces maquereaux d’éditeurs de merde. Et qu’est-ce qu’on dit ? Merci l’antiédition !
Rentrons dans le roman, comme on rentre dans un vagin baveux. Le livre est magnifique. L’Enculé, quel titre magnifique. Encore, encore : « Vive L’Enculé ! » Une citation qui présente ce qui va suivre. Ce sera dégueulasse de toute façon donc, sous la plume de Nabe, ça veut dire qu’on va arriver à du grand spectacle. Il ne s’agit plus d’un livre au sens classique, mais d’une œuvre d’art qui est un tableau, un film, et aussi d’abord un livre merveilleux et impossible. Ça ne va pas être triste. Ça commence au chapitre 1 : la première phrase est définitive, et d’un point de vue littéraire exemplaire d’un style sacré et épuré de tout commentaire à la con, directe d’informations au lecteur : c’est un Enculé qui lui parle, donc tout lui est autorisé. Un Enculé, se permettant tout et son contraire. Un Enculé, et sans foi ni loi. Mais le héros du livre a foi en sa culpabilité, et se cache derrière les lois de la nature pour excuser son comportement impardonnable, car tellement humain. « Je suis un enculé ». Ça commence bien. On est dans le vif du sujet. Pas de temps mort. D’ailleurs, ce livre est un livre contre la mort et pour la vie, celle qui blesse et qui transfigure la réalité. Trois pages c’est tout. C’est déjà long, la densité des mots.... Pas de bla-bla. Des faits. De la réalité. Du grand et du lourd. Chapitre 2 : la scène de baise et de viol. Tout ce que pense le héros est beau et triste ; rien ne l’intéresse sauf baiser comme moi.
Pourquoi L’Enculé est ni antisémite, ni obscène ? L’Enculé est le livre que tout le monde attendait. On nous a bassiné avec DSK jusqu’à la nausée. Nabe n’a fait que raconter ce que tout le monde essayait d’imaginer et sans y parvenir. Alors, quel est le problème ? Antisémite, raciste, obscène, vulgaire, ignoble, affable, atroce, dégueulasse ? Stop arrêtez toutes vos conneries. Tous ces reproches sont inexacts. D’abord de quoi parle-t-on : de Nabe ou de L’Enculé ? Des deux peut-être ? Non. Ce dont on parle est imprécis. Le héros de L’Enculé est effectivement tout ça est bien plus encore. Antisémite ? La manière grossière de parler reflète le caractère libre et affranchi du héros. Ce n’est pas être antisémite que de mettre dans la bouche du héros, de surcroît juif, ayant abusé sexuellement d’une négresse, ce langage très juif car très subtil et très explicite en même temps. Pour vous, il faut être juif pour se permettre d’être un peu antisémite. Un peu, oui, le héros n’est ni nazi, ni membre du KKK ; c’est un homme qui parle librement de sa juiverie, et des paradoxes qu’elle engendre. D’ailleurs moi, qui suis juif, marié avec une négresse, je suis ni antisémite, ni raciste, alors que j’aurais toutes les raisons pour l’être. Réfléchissez. Ce n’est pas dur à comprendre, la nuance entre un antisémite raciste (pléonasme) et quelqu’un, ici le héros de L’Enculé, qui utilise la phraséologie, ou pour être clair, emploie les mots et le vocabulaire du racisme et de l’antisémitisme. Mais alors dans ce cas, l’humour et surtout l’amour n’existe pas, ce ne sont que des hurlements de la gorge d’un muet. Lenny Bruce était raciste puisqu’il employait le mot « nègre » dans ses sketches. Et Hara Kiri, super antisémite raciste. Et Coluche avec ses blagues. Non, un peu de sérieux. Ce que Nabe a fait avec l’antisémitisme, la manière de l’expérimenter, est une performance stylistique et artistique, digne des plus grands, de Fellini à Prince, de Picasso à Soutine, de Scorsese à Edgar Hilsenrath, écrivain juif auteur du roman Le Nazi et le barbier. Il a réussi à mettre dans le corps et dans l’âme du héros la vérité du sens des mots, malgré le côté méchant et bête de la réalité de toute culture et des préjugés qui s’y développent. Le héros de L’Enculé n’emploie jamais le mot « juiverie », qui n’est pas politiquement très beau ; ce qu’il trimballe de mauvais de nous n’est pas antisémite, pas raciste, mais les deux. Nabe sait se servir des armes de l’adversaire, c'est-à-dire de ses mots, pour le flageller dans la joie érotique de l’humour et de l’amour, avec le sérieux que demande toute subversion du langage. En utilisant le langage du bourreau soi-disant victime, il devient maître du sens et de la valeur des mots. Ce n’est pas sans malice que l’on peut dire que Nabe a fait une œuvre juive et à la gloire des négresses. Quoi ? Vous ne voyez pas à quel point il faut être juif pour écrire comme ça ? À quel point il faut aimer les négresses pour aussi bien en parler ? Ce livre n’a aucune peine sauf celle de l’hypocrisie et de la politesse, et encore pas beaucoup. Merde, Nabe est un artiste qui a le droit de décrire la réalité de telle façon qu’elle semble presque plus juste que la vérité. Nabe, par son talent de dialoguiste et son goût pour le théâtre, a enfanté une confession jubilatoire, c’est sa nature profonde, à la limite de l’intimité. Il est entré dans la peau du héros et en a fait un mythe tel Don Juan ou Faust.
L’Enculé est une œuvre majeure, parce que Nabe a pris des noms publics et en a fait des personnages de film. Il n’y a donc aucune atteinte à la vie privée ou à la dignité, puisque tout ceci est un roman relevant de l’imagination de son auteur. Grâce à lui, Nabe, les personnages publics du moment deviendront, et sont des personnes du roman le plus jouissif du début du XXIe siècle. Le professeur Choron, avec Coluche, se couchent en se lisant des pages de L’Enculé. C’est un livre rendant hommage à la justice incroyable de l’existence Pour atteindre son but, il fallait aller jusqu’au bout de l’insupportable. Toute réalité vécue est insupportable à celui qui ne l’a pas vécue. Nabe fabrique une littérature du réel dans un imaginaire où la vérité et la crédibilité chevauchent la totalité artistique de l’œuvre.
L’Enculé est extraordinaire ; on ne se fait jamais chier à la lecture. On se marre. On sourit. On s’intéresse à l’affaire. C’est émotif. Tragique comme la vie quotidienne. Nabe a utilisé toute sa force à nous entraîner, avec lui et sans lui, dans la tête d’un héros a priori détestable. Mais par son humanité et sa générosité, Nabe en fait quelqu’un de sympathique tout en mettant le projecteur de la gloire sur la femme de ménage Cosette, Nafissatou Dialo (béni soit son nom). Nabe n’est pas un antisémite raciste, obscène, vulgaire, ordurier, cruel, ignoble, infâme, atroce, dégueulasse. Nabe est exactement le contraire. Il est juif dans son écriture ; noir dans son souhait littéraire ; pudique dans sa capacité à s’effacer dans L’Enculé. Distingué. Tout le monde sans distinction peut le lire, peut lire L’Enculé. Poli. Sa grossièreté est au service de l’intrigue et de l’histoire de L’Enculé. Tendre. Jamais la cruauté n’est décrite par complaisance mais par souci de la vérité. Noble. Oui, Nabe a la noblesse de ne jamais écraser les autres personnages par le héros qui devient un confessionnal du monde. L’Enculé est une œuvre qui fera bien rire les Juifs et les Noirs qui ont un peu d’humour, et qui ont beaucoup d’amour. Comme Nabe, ses lecteurs sont des gens qui durant la lecture de L’Enculé vont vivre un voyage exceptionnel dans la tête d’une création pure, diluée dans l’actualité médiatique. On peut donc voir les personnages vivre. Enfin, rien que pour la trouvaille des nasiques et toutes les subtilités linguistiques du mot « nasique » dans ce roman qui rend sa dignité aux singes, nos frères. Seuls les trous du cul sans fesse n’aimeront pas L’Enculé ; les autres l’aimeront ou ne le liront pas. Si j’ai tort, Dieu n’existe pas.

Patrick De Lacroix-Herpin