Le Vingt-septième Livre

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Couverture de Le Vingt-septième Livre, 2009

Le Vingt-septième Livre est un essai de Marc-Édouard Nabe, publié par les éditions du Dilettante en janvier 2009.

Résumé

Le choix de la couverture est symbolique : il s’agit d’une photo de l’expédition polaire Shackelton (1914 - 1917) montrant son bateau L’Endurance coincé dans les glaces, le Vingt-septième livre étant une analyse par Nabe de sa situation de « bloqué » par la froideur du système éditorial et journalistique. Autre explication : Nabe avait prévu à ce moment-là de son oeuvre d’écrire un roman justement sur les pôles, et ce livre porte en lui, comme en creux, le fantôme du roman non écrit. Le « vrai » Vingt-septième livre n’est donc pas celui que le lecteur tient en main mais le livre sur les pôles qui a été remplacé par celui-là.

Conçu d’abord comme une préface à la réédition au Dilettante en 2005 du premier livre de Marc-Édouard Nabe (Au régal des vermines), Le Vingt-septième Livre (qui fait donc de son premier, Au régal des vermines, son vingt-septième livre) s’ouvre par un constat amer de l’écrivain sur sa place dans le paysage éditorial français après vingt ans de publications, et qu’il compare au fil des pages au succès de son ancien voisin d’immeuble, Michel Houellebecq. Peu à peu, l’essai autobiographique se transforme en lettre ouverte directement adressée à Houellebecq. Par ce stratagème, Nabe creuse en profondeur le rapport à la littérature de son époque (éditeurs, hommes de lettres, journalistes, libraires, fans). Redécrivant avec humour et cruauté l’ancien cadre de vie de Houellebecq dans le 15e arrondissement, l’écrivain termine son livre sur une note plus douloureuse où Nabe se dit découragé de poursuivre son œuvre au point qu’il envisage d’arrêter d’écrire.

Incipit

Je suis un loser, ce qu’on appelle un écrivain à insuccès, un worst-seller... J’ai complètement raté mon destin d’écrivain. J’ai écrit vingt-six livres totalement inutiles : personne ne les a lus, ou si peu. Flops sur flops. On ne me connaît que par ouï-dire, mais souvent la bouche est cousue et l’oreille bouchée... La plupart des libraires m’enfouissent comme si j’étais un déchet nucléaire !
J’ai publié mon premier livre il y a vingt ans et, depuis, chaque fois que j’en publie un nouveau, c’est comme si je publiais mon premier puisqu’on a nié le précédent. À partir du moment où c’est un livre de moi, il est voué à la négation instantanée. Sur la couverture, il y a toujours quelque chose qui gêne : c’est mon nom. C’est magique, il suffit que vous prononciez mon nom pour que tout se ferme. Mon nom, c’est l’anti-Sésame. « Sésame, ferme-là ! » La consigne me concernant, c’est : motus. On ne me prononce pas. On ne se prononce pas non plus sur moi. Ça ne se fait pas, c’est incongru. Mon nom est un gros mot.
Un martien, ou plus simplement un étranger, venant en France et compulsant la presse des deux dernières décennies, ne pourrait pas imaginer que j’ai écrit tant de livres. Quand il y en a un qui traîne par hasard, les critiquent en disent tellement de mal, mais surtout rien du tout, qu’ils le rendent invisible. Il est plus difficile d’ouvrir un livre de moi qu’une huître.
Attention ! Je ne me plains pas... Il n’est pas scandaleux qu’on ne me fête pas unanimement tous les jours partout comme le plus grand écrivain français ; il est scandaleux qu’on n’informe pas le public quand un livre de moi vient de paraître, c’est tout.
Seul a le droit de s’exprimer aujourd’hui celui qui n’a rien à dire. Le « public » vit depuis soixante ans dans une culpabilisation entretenue par les flics de la Démocratie. Pilonnés toute la journée par la propagande qui leur fait croire que tout art est désormais impossible, « les gens » ne réclament qu’une chose : qu’on leur sape au plus vite et au mieux le moral, et dans tous les domaines. Cinéma, théâtre, musique...

[...]

Accueil critique

Christine Angot

En janvier 2006, au moment de la publication originale du Vingt-septième Livre (en préface à la réédition d'Au régal des vermines), Marc-Édouard Nabe est invité par Guillaume Durand, dans Campus (France 2) et se trouve face à Christine Angot venue en chroniqueuse pour critiquer la préface.[1]. L’écrivain raconte l’émission dans le premier tome des Porcs (2017)[2].

Presse

La critique est dans l'ensemble favorable à l'ouvrage. Jérôme Dupuis juge, dans L'Express, qu'avec ce livre, Nabe « revient avec saveur » sur sa relation avec Michel Houellebecq. Pour Nicolas Ungemuth, dans Le Figaro Magazine, le livre est une « réjouissante lamentation »[3].

Pour Angie David, dans La Revue littéraire, Nabe « prend prétexte d'une histoire entre écrivains, comme il s'agirait d'un conte de fées ou d'une fable morale, pour dénoncer le milieu littéraire dans sa lâcheté et son hypocrisie »[4].

L'écrivain Guy Darol, dans sa chronique dans Le Magazine des livres, compare le portrait de Houellebecq à une « impressionnante descente en flammes finement slalomée »[5].

Dans Le Choc du mois, François Bousquet parle de « testament » dans un long article sous forme de lettre ouverte à l'écrivain[6].

Passage médiatique

En février 2009, l'écrivain est invité par Daniel Picouly, dans son émission Café littéraire, conçue par Stéphane Zagdanski et diffusée sur France 2[7]. Nabe raconte l’émission en détail dans son livre Les Porcs (2017)[8]. Éric Naulleau, présent sur le plateau, défend la préface tout en craignant que le personnage n'occulte « l'écrivain véritable qu'il est ».

Échos

  • Le conseil de Michel Houellebecq, tel qu’il apparaît dans le Le Vingt-septième livre (« Si tu veux avoir des lecteurs, mets-toi à leur niveau ! Fais de toi un personnage aussi plat, flou, médiocre, moche et honteux que lui. C’est le secret, Marc-Édouard. ») a été repris par la presse : Jean-Claude Lamy dans Le Figaro littéraire en août 2008[9], Bruno de Cessole dans Valeurs actuelles en novembre 2010[10], ou Arianne Chemin dans Le Monde en août 2015[11].
  • Dans son édition du 8 janvier 2009, Le Figaro littéraire cite l’incipit du Vingt-septième livre[12].
  • En juin 2016, à l’occasion de l’exposition « Rester vivant » au Palais de Tokyo, le supplément « Styles » de L’Express réalise un dossier sur Michel Houellebecq en lui associant certains lieux de Paris, dont le XVe arrondissement, et en particulier le 103, rue de la Convention, en évoquant Le Vingt-septième livre : « Hasard de la vie parisienne, Marc-Édouard Nabe, turbulent écrivain lui aussi, logeait dans le même immeuble. Dans Le Vingt-Septième Livre (Dilettante), Nabe raconte avec humour comment les deux enfants terribles des lettres parisiens sortiraient ensemble leurs poubelles, le soir. À l’époque, selon lui, la petite société germanopratine prend encore Houellebecq comme un “plouc du XVe”... »[13].

Édition

  • Marc-Édouard Nabe, Le Vingt-Septième Livre, Le Dilettante, 2009, 93 p. ISBN : 9782842631680

Lien externe

Notes et références

  1. Guillaume Durand, Campus, France 2, 27 janvier 2006.
  2. Marc-Édouard Nabe, Chapitre LXXXIX « Ça dépend des Juifs », Les Porcs tome 1, Paris : anti-édition, 2017, pp. 280-282.
  3. Nicolas Ungemuth, « N. le maudit », Le Figaro Magazine, 3 avril 2009, p. 83. }}
  4. Angie David, « Marc-Edouard Nabe, le Vingt-septième Livre », La Revue littéraire, janvier 2009, pp. 51-53.
  5. Guy Darol, « Marc-Édouard Nabe sans épine », Le magazine des livres, avril 2009.
  6. François Bousquet, « Lettre ouverte à Nabe », Le Choc du mois, février 2009.
  7. Daniel Picouly, Café Littéraire, France 2, 20 février 2009
  8. Marc-Édouard Nabe, Chapitre CCXXXIX « Le sublime cul d'Amandine et moi », Les Porcs tome 1, anti-édité, 2017, pp. 743-746.
  9. Jean-Claude Lamy, « Houellebecq, mis hors Goncourt », Le Figaro littéraire, 14 août 2008, p. 26.
  10. Bruno de Cesseole, « Le Zarathoustra des classes moyennes », Valeurs actuelles, 18 novembre 2010, p. 70.
  11. Ariane Chemin, « Six vies de Michel Houellebecq : un gourou à “20 ans” », Le Monde, 18 août 2015, lire : https://www.lemonde.fr/festival/article/2015/08/18/six-vies-de-michel-houellebecq-un-gourou-a-20-ans_4728917_4415198.html
  12. « Ça a débuté comme ça », Le Figaro littéraire, 8 janvier 2009, p. 2.
  13. Jérôme Dupuis, « La possibilité d’une ville », L’Express Styles, 1er juin 2016, p. 63.