Luis Rego

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Luis Rego

Luis Rego est un acteur portugais né le 30 mai 1943 à Lisbonne. Fuyant la dictature portugaise de Salazar, Rego s’établit en France en 1960. En 1966, il forme le groupe « Les Charlots », où Rego, en plus de chanter, joue de la guitare dans plusieurs albums, ainsi que la comédie dans deux films, avant de quitter ses amis en 1972. En 1981, Luis Rego écrit la pièce Viens chez moi, j’habite chez une copine, dont il incarne le personnage du squatteur Guy. De 1980 à 1983, Luis Rego est l’avocat de la défense dans l’émission de Claude Villers sur France Inter, Le Tribunal des Flagrants délires, face à Pierre Desproges dans le rôle du procureur. Il se charge notamment, le 28 septembre 1982, de la fameuse plaidoirie de dix minutes pour Jean-Marie Le Pen, intitulée « La journée d’un fasciste », restée célèbre. Au cinéma, Rego a donné la réplique à Coluche dans La vengeance du serpent à plumes (1984). Il a réalisé en 1987 son seul film, Poule et frites, et il a également tenu le rôle principal du film de Philippe Garrel, Le Cœur fantôme (1996).

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Certainement croisé avec son père sur des plateaux de télévision où Luis Rego se produisait au sein du groupe « Les Charlots », c’est au début des années 1980 que Marc-Édouard Nabe s’intéresse à Luis Rego à travers ses prestations quotidiennes au Tribunal des Flagrants délires sur France Inter. Ayant toujours été pour le moins suspicieux quant au talent, surestimé après sa mort, de Pierre Desproges, Nabe a immédiatement préféré, sur le fond comme sur la forme, les plaidoiries parodiques de Rego censé défendre des invités aussi divers que Fred, Romain Bouteille, Henri Salvador, Jean-Edern Hallier, Achille Zavatta, Serge July, Coluche, Jean Yanne, Cavanna, Siné, Daniel Cohn-Bendit ou Jean-Marie Le Pen...

C’est au milieu des années 1980 que Nabe rencontrera réellement Rego lors des mardis d’Hara-Kiri car celui-ci était ami de Berroyer, de Choron et de Willem. L’écrivain et le comédien sympathiseront et Nabe pourra compter jusqu’à aujourd’hui même sur la fidélité impeccable de Luis Rego qui sera un lecteur et un collectionneur de l’artiste. Nabe l’invitera dans les soirées organisées par le Dilettante (14 mai 1986) ou par le cercle Marco Polo (26 janvier 1987), et les racontera dans son journal intime. C’est lors d’un diner chez Rego, en avril 1987, que Nabe apprendra la mort du batteur et animateur Moustache.

En octobre 1989, Rego, que Nabe a toujours fait rire, citera à la radio l’extrait d’un article de celui-ci publié dans L’Idiot international (« Anne Sinclair reçoit Jésus-Christ », 13 septembre 1989) dans un portrait d’invité (ce jour-là, il s’agissait de Jean-Jacques Pauvert), extrait qui a d’ailleurs fait un bide total[1].

En 1993, Rego apparaît dans le film de Fabienne Issartel, Tohu-Bohu, le film, parmi les invités pour la sortie du deuxième tome du journal intime de Nabe, Tohu-Bohu, avec entres autres Choron, Stévenin, Obalk, Dachy... On voit Rego discuter avec le père de Nabe, Zanini, de leur admiration commune pour une autre figure défendue par Nabe lui-même : l’acteur dramaturge Jean Bois.

Zanini et Rego sur Jean Bois, soirée de lancement de Tohu-Bohu, 23 novembre 1993

De nombreuses rencontres et discussions avec Rego seront présentes dans le journal intime de Nabe. Luis Rego sera parmi d’autres un de ceux qui auraient aimé que Nabe écrive une pièce de théâtre. Celui-ci avait d’ailleurs un projet dans lequel Rego aurait pu très bien s’insérer : il s’agissait d’une pièce « à la Feydeau-Labiche » dans des décors et des costumes de l’époque (fin du XIXème siècle) mais sur un sujet actuel : le Sida. Ironie de l’histoire : Luis jouera effectivement dans une pièce de Feydeau, Occupe-toi d’Amélie, vue par Nabe et Leïla au théâtre du Jeu de Paume lors du passage de la troupe à Aix-en-Provence en avril 2014.

Nabe et Rego apparaîtront dans le documentaire JAzzanini, initié par Jackie Berroyer en 2012. À la fin, on peut voir Zanini jouer avec Berroyer et Rego dans l’appartement de ce dernier. Habitué des vernissages et des soirées nabiennes, Luis Rego est présent le 20 août 2015 lors du lancement de Patience 2, organisé devant les anciens locaux d’Hara-Kiri, rue des Trois-Portes.

Rego découvre la couverture de Patience 2, 20 août 2015

Il suivra également Nabe dans sa galerie rue Frédéric Sauton, notamment en 2016 lors d’une mémorable « engueulade » de Nabe portée à Rego et Berroyer au sujet de Charlie Hebdo, Patience 2, Delfeil de Ton et Pacôme Thiellement. Tourné par David Vesper, cet Éclat fait partie de ceux que le créateur d’Adieu s’est fait voler dans son ordinateur en juin 2016. La même année, Rego acquerra un Prince peint par Nabe.

Rego sera encore parmi les invités au lancement de Patience 3, en janvier 2018, au café Le Murmure (15e arrondissement de Paris).

Citations

Rego sur Nabe

  • « — Je me fais pas de soucis pour ta carrière... Tout est bon. Y a qu’en jazz, là t’as rien compris ! » (conversation téléphonique avec Nabe, 27 juin 1985, in Tohu-Bohu, 1993, p. 1126)
  • « — Tu écris plus vite que je ne peux lire ! » (14 mai 1986, in Tohu-Bohu 1993, p. 1600)

Nabe sur Rego

  • « Mardi 3 juillet [1984]. — [...] On descend à la cave bourrée d’instruments. Là nous surprenons Berroyer en train de répéter avec Luis Rego. L’un à la basse l’autre à la guitare. Marcel et moi plaçons Rego très haut dans la faune hétéroclite des one-man-showiste amuseurs, les Bedos, Devos, Desproges, Villeret et toute la clique... Rego a une élocution, une tronche et un discours exceptionnels. Ses prestations au Tribunal des flagrants délires étaient écroulantes. Musicalement par contre, c’est un rocker redoutable, un country au mauvais goût infaillible. Hawaïenneries, santiags à écailles, chemise Roy Rogers, futal à clous, banane hirsute... Marcel trouve un alto qui traîne là. Impossible à manier, il va chercher sa clarinette. Berroyer fait joujou avec sa guitare basse. Je prends l’autre jambon. Hélène veut m’entendre électrifié. Rego affirme tout jouer.
— Je connais tous les accords. Je joue de tous les instruments...
On part sur un blues très pénible. Berroyer fait n’importe quoi. Rego suit difficilement puis devance en western ! Le tempo flotte mais les mines sont sympathiques. C’est le bœuf. Hélène prend même un bout de batterie et chatouille la charleston. Un autre blues suit, plus rapide, j’enfourche alors la bécane de Gourio : les cymbales sont pourries, les peaux trop sèches, trop rock. Je balance quand même un shuffle pseudo-woodyardien. Odile m’envoie des baisers. Rego rue comme un cheval binaire.
On en joue un dernier. Je reprends la guitare et passe les vitesses restantes. Marcel chorusse comme un fou. Berroyer comme un petit garçon a trouvé son riff. J’ai mon Hélène téléguidée qui brutalise la charleston. Rego sourit, ne peut plus s’arrêter. Au bout d’un quart d’heure, on se met d’accord d’une œillade sur la conclusion. Points d’orgue. » (Nabe’s Dream, 1991, pp. 508-509)
  • « Mardi 23 juillet 1985. — [...] Rue Blondel ensuite bien sûr, haut lieu de nos délires et des lyrismes verbaux d’Albert. Là, par hasard, nous tombons sur Luis Rego ! J’ignorais qu’il fût aussi amateur des belles choses... Un mec le reconnaît “de la télévision”, et nous discuterons très plaisamment sur le trottoir achalandé avec cette longue tronche en lame mélancolique de couteau portugais... Il nous imite Brassens imitant le trombone, et Johnny Hallyday qui semble jouer du Shakespeare chez Godard. Rego est hilarant, il n’a pas son pareil pour démasquer le ridicule des grosses têtes chansonnières qu’il côtoie. » (Tohu-Bohu, 1993, pp. 1163-1164)
  • « Mercredi 1er avril 1987. — Invités chez Luis Rego, dans son double appartement immense, près du Cirque d’Hiver. Il y a sa petite fille Rita et sa très charmante femme Carole, comédienne aussi. Champagne. Je lui révèle donc le sujet de ma pièce Cocues... Un vaudeville boulevardier en costumes 1900, mais avec des intrigues et des problèmes de notre époque (banque du sperme, bébé éprouvette, sida, mères porteuses)... Sa femme surtout est enthousiasmée. J’explique à Luis la tonalité antigauchiste que je donnerai à ma pièce, entre Georges Feydeau et Stanislaw Witkiewicz... Rego m’écoute. Il aimerait bien jouer dedans : je le vois parfaitement dans le mari. À suivre.
Rego gratte de la guitare flamenco. Des chats persans tournent autour de lui. Il va sortir son film Poules-et-frites (sic !). On parle de Milan Kundera dont Rego lit L’Art du roman et de Jean Bois surtout qu’il connaît un peu et qu’il a failli inviter ce soir ! Quel dommage ! Bois a repris un nouveau spectacle, inégal d’après Luis, et qui ne marche pas plus que les autres. En passant à table (poulet-pomme de terre), Rego nous raconte son tournage d’un film avec Coluche, Maruschka Detmers et un singe, La Vengeance du serpent à plumes. Hilarante épopée du pauvre Coluche cherchant à baiser Maruschka absolument, se vautrant à ses pieds, lui offrant la lune pour voir finalement la bandante Hollandaise préférer se donner au singe, ou plutôt à son dresseur (c’est pareil)... » (Inch’Allah, 1996, p. 2078)
  • « Vendredi 30 octobre 1987. — [...] Le soir, Albert nous amène Luis Rego, toujours fraîchement vêtu à l’espagnole “country” (gilet, bottes, chemise à gros pois). Je voulais lui parler de l’idée de Fabienne pour sa soirée du 14 décembre qui veut faire jouer un extrait du Bonheur (une partie d’Apothéose). Nous avons choisi quelques dialogues et j’ai tout de suite pensé à Rego pour le rôle de Dorian. Albert se propose de jouer Roblechon ou Munster ! Il faudrait bien sûr répéter, monter le sketch à la hauteur de la littérature mise en vie. Surtout pas de patronage (avec Albert, ça va être dur). Cinq petites minutes de mise en abîme du spectacle, la télé sur scène, vue par l’écriture !
Cette proposition nous entraîne à discuter une bonne partie de la nuit sur le monde audiovisuel, la pourriture des variétés, les anti-vertus théologales des Média... Albert et Rego rivalisent de virulence et de drôlerie. Albert se lance dans une diatribe terrible contre les présentateurs télé : Patrick Poivre d’Arvor, Bruno Masure, Philippe Gildas sont ses têtes turquées. Mais qu’est-ce qu’il a donc contre Philippe Gildas ? Quant à Luis, tout en étant dedans, il a un œil très froid sur les magouilles et les vulgarités des stars de la boîte à ordres. Après l’échec cuisant de son premier film, Rego travaille à un scénario autour de l’abbé Pierre... Il jouerait le rôle titre, petite barbe grise, soutane dégueulasse, charité mal placée. Je donne l’idée de la villa somptueuse de l’abbé Pierre acquise grâce aux dons, avec les fidèles en file indienne poireautant au portail, le curé sortant un instant de sa piscine, pour les confesser par l’interphone !... » (Inch’Allah, 1996, p. 2307)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Bienvenue au Paradis, France Inter, 20 octobre 1989