Coups d'épée dans l'eau

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Couverture de Coups d’épée dans l’eau, 1999

Coups d’épée dans l’eau est un recueil des retranscription des entretiens donnés dans divers médias par Marc-Édouard Nabe entre 1984 et 1999, publié par les Éditions du Rocher, en mai 1999. La couverture est une œuvre originale de Gébé.

Résumé

En quinze ans, Marc-Édouard Nabe, malgré son boycott incontestable dans la plupart des grands médias, a pu s’exprimer à plusieurs reprises à la télévision, à la radio et dans les journaux, mais toujours grâce à la bienveillance de certains médiateurs qui ont fait exception à la règle. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes. Concevant chaque intervention orale à effectuer comme une sorte de page blanche à remplir d’une écriture nouvelle, Nabe s’est toujours attaché à essayer de ne pas se répéter même quand il était « en promotion ». Venir dans les médias pour vendre ses livres n’est pas un but en soi pour l’écrivain voulant se réapproprier ses prestation pour qu’une fois retranscrites, elles deviennent un texte qui ne peut qu’enrichir son œuvre. C’est ce qu’il a fait en les réunissant toutes dans ce premier tome des Coups d’épée dans l’eau (le titre est lucide car, pour lui, essayer de convaincre le public à travers les médias, c’est un effort vain). Les titres des livres placés dans le livre en titres-courants rythment la succession de ces entretiens sur près de 600 pages. Entretiens, mais aussi réponses à des enquêtes dans des journaux littéraires, ou bien discours prononcés dans certaines circonstances et bien sûr dialogues et échanges avec des journalistes ou des observateurs.

On remarquera également que les supports « faibles » ne sont pas un frein à l’énergie que Nabe met à parler de son travail et de son époque. Ainsi que la notoriété de ses interlocuteurs. Nabe montre que tous sont à la même enseigne, qu’ils travaillent sur France 2, à TF1, au Figaro, à France Inter, à RTL, à Radio Nova, comme à Radio Citadelle, à Radio Sarcelles, ou à CinémAction. L’écrivain converse de la même façon avec un nombre aussi impressionnant que varié de personnes : Michel Polac, Hugo Pratt, Vuillemin, Marie Laforêt, Bernard Pivot, Jean-Marc Roberts, Morgan Sportès, René Caumer, Jean-Edern Hallier, Marc Dachy, Pierre-André Boutang, Régis Debray, Arletty, Frédéric Mitterrand, Claude Beylie, Claude Nougaro, Patrick Besson, Thierry Ardisson, Jean-Marie Turpin, Jean-Maurice de Montremy, François L’Yvonnet, François Angelier, Hélène Ahrweiler, Paul-Éric Blanrue, Mireille, Ariel Wizman, Edouard Baer, Jean-François Stévenin, Jackie Berroyer, Hector Obalk, Frédéric Taddeï, Stéphane Zagdanski, Jean-Luc Delarue, Pierre Assouline, Viviane Forrester, Éric Holder, Vincent Ravaléc, Maurice G. Dantec, Christine Richard, Pierre Bouteiller, Patrick Poivre d'Arvor, Philippe Sollers, Jacques Chancel, Ornette Coleman, Guillaume Durand, Albert Algoud, Franz-Olivier Giesbert, Jamel Debbouze, Elisabeth Barillé, Jean-François Rauger, Jérôme Béglé, Calixthe Beyala, Michel Grégoire, Sylvie Coulomb, Béatrice Dalle, Michel Petrucciani, le Professeur Choron, les 2 be 3, Renaud Camus, Guillaume Dustan, Marc Fumaroli, Laurent Ruquier, Daniel Cohn-Bendit...

Préface

Les médias, c’est de l’eau. Tout ce qu’on peut faire, c’est enfoncer son épée dedans. Xerxès fouettait les vagues de la mer, Jésus piétinait le lac de Tibériade. L’écrivain aujourd’hui n’a plus qu’à provoquer en duel un liquide imbuvable. L’épée dans l’eau : voilà le piteux combat qui nous reste !
L’épée n’est pas la plume de l’écrivain, comme on pourrait le croire. Sa plume, il la réserve à ses livres. L’épée, c’est plutôt sa langue. Qu’est-ce qu’on peut faire d’autre que parler lorsqu’on n’écrit pas ? Se taire ? Ça n’a jamais été mon tempérament. J’estime que si un artiste sait parler, il a le devoir de parler dans les médias. Radio, télévision, journaux, partout où sa parole pourra porter, même si elle ne porte jamais.
Dans cette société, totalement insensible au verbe, si la parole d’un écrivain ne porte pas, ce n’est pas seulement à sa personnalité « provocatrice », « insolente », « non-conformiste », « politiquement incorrecte » (les clichés ne manquent pas) qu’elle le doit. C’est à ses livres. Rien de plus insupportable au Pouvoir qu’un être humain (ça existe !) qui ose parler comme un livre, et comme un des siens, ce qui aggrave son cas.
Les mots sont souvent noyés dans l’eau du lac médiatique, immobile comme un miroir. Bien calme par-dessus, mais pourri au fond : c’est le royaume du silence et même de ce silence supérieur qu’est le brouhaha.
J’ai toujours préféré la radio à la télé. La télévision m’a trahi souvent, alors qu’à la radio j’ai pu m’exprimer plus naturellement, c’est-à-dire plus littérairement. À la télévision, et notamment en direct, l’épée ne m’est pas mise dans la main d’emblée. Elle est suspendue, comme celle de Damoclès, au-dessus de ma tête et je dois d’abord aller la décrocher avant de briser mon image avec !
Bavarder, même agréablement, devant un micro ou une caméra est vain. En revanche, la langue parlée retranscrite, avec toutes ses imperfections, répétitions, tics et lapsus, en dit long sur la prose de quelqu’un. Donner de mon écriture une autre musique fait partie de mon travail expérimental sur le langage dans une époque post-littéraire comme la nôtre.
La communication est devenue impossible entre les êtres à cause, justement, des moyens mis à leur service. Seul un livre oral peut rendre compte de ce qu’un écrivain a à dire à ses contemporains. Au cours de cette traversée mouvementée de l’Océan Médiatique, tout en frôlant mes livres les uns après les autres comme des îles, le lecteur, de son bateau, pourra assister à une multitude d’entretiens, interviews, réponses à des enquêtes, débats et autres dialogues avec des personnalités artistiques ou journalistiques, célèbres ou inconnues, mais toujours vivantes, surgissant des flots à son passage...
Ah ! Il s’en dit des choses quand on parle ! Et que de masques tombent ! C’est au feu de la conversation que se forge l’épée pour coups dans l’eau. Comme le reste, toute parole est faite pour aboutir à un livre. Les médias ont trop volé la pensée des écrivains pour qu’un jour l’un d’eux n’ait pas cette envie saugrenue de récupérer son bien. C’est de bonne guerre. Les paroles s’envolent, les écrits restent ? Il fallait donc retransformer les paroles en écrits. C’est fait.

M.-E. N., 21 mars 1999.

Table

Coups d’épée dans l’eau
1. Il commence à nous faire chier !
2. Nabe n’aime que Céline
3. Le scandale absolu
4. Le Buster Keaton de l’Apocalypse
5. La bête la plus gauche du monde
6. La Martingale de Stan Laurel
7. Atomes crochus
8. Je ne suis pas fou !
9. Le roi fric
10. Le commissaire Camus
11. La vie est un journal
12. Une jubilation pas très française
13. Réenterrez Barrès !
14. Cher Marcel
15. La politique contre le bonheur
16. Le « z » de Nietzsche
17. Jouir toujours
18. Drôle d’ange
19. Le goût, c’est un flic
20. Les critiques ne sont jamais aussi méchants que moi…
21. Claudel ou Proust ?
22. Faire pleurer tous les clowns
23. De la folie
24. La reine Anar
25. Petite blessure
26. Nabe et ses pères
27. Godard le suissidaire
28. Hitler à la légère
29. Nabe touché par la sculpture
30. Le bicentenaire du free-jazz
31. Brasillach le Congolais
32. Au bazooka !
33. Le scorpion Nimier
34. Le fou de Bird
35. L’Assomption
36. Le fantôme d’Albert Ayler
37. Subversion du temps
38. Un big-band ambulant
39. Funambule sur le fil du rasoir
40. Un café à la plage
41. Les chevaliers du mal
42. Tante Gide
43. Trois partout
44. Des golgothas de merde
45. Les hussards et moi
46. Les couilles de Montherlant
47. L’après-dernier
48. La télé est un lion
49. La rage du Christ
50. Byzance, vite !
51. Jésus, le raggamuffin
52. Sur Ernest Hello
53. La mort de l’art est morte
54. Pauvre Breton !
55. Le Pétainisme perpétuel
56. Jazz et extase
57. Marc-Édouard hagiographe de Nabe
58. Les taxidermistes du Nouveau Roman
59. Écrire ce qui ne s’écrit pas
60. Le chien de Malaparte
61. Marc-Édouard Nabe l’extatique
62. Les cerveaux de Strindberg
63. Le terroriste du temps
64. Chacun mes films
65. L’improvisation sacrée
66. La belle Almanzor
67. La femme aux castagnettes
68. Un écrivain braxtonien
69. Les swingueuses
70. Apostrophes now
71. Nabe parle !
72. L’écranture
73. La bibliothèque de Pinocchio
74. Pour les casseurs
75. Le phoque et le morse
76. Tout fils fit jaune
77. Le Nabophone
78. J’encule la psychanalyse
79. L’horreur
80. Le temps d’écrire
81. Toast
82. Le feu de la conversation
83. Explications lyonnaises
84. Un terrible journal
85. Mes Frankensteins
86. Jean-Edern Hallier est-il bien mort ?
87. Feu le fou
88. Mort à la nécrologie !
89. L’art contre la culture
90. Sollers est trop bon
91. Bagouzes et tantouzes
92. Ornettologie
93. Nabus horribilis
94. Éjaculations d’artiste
95. La pourriture divine
96. Comment peut-on se lasser d’un film porno ?
97. Résurrection
98. La femme est un con
99. Les Africains adorent Nabe
100. Suicidons-nous !
101. Ça part en vrille
102. Mozart le jazzman
103. Le cheveu sur la soupe
104. Je est un mort
105. Delphine s’est dégouffrée
106. Pie XII et Georgius, même combat !
107. Morrambouzevezengouzequoquemorguatasacbacguevezinemaffresé
108. L’Évangile du kangourou
109. Nabe d’outre-tombe
110. Le pur et la dure
111. La révolutionnette de 68
112. Mauvais
113. Bernanos contre le polyscope
114. Les pieds dans le vagin
115. Le swing de l’alexandrin
116. Mon Guignol’s Band
117. Une idée diabolique
118. Le Cri du cœur
119. Monsieur Oui-Non
120. Les putes de Schubert
121. L’Arche de Nabe
122. À la recherche de la crotte de nez
123. Son « non » est amour
124. L’hétérofasciste
125. Puant ou génial ?
126. Pourquoi arrêter ?
127. Cohn-Bendit modère Nabe

Avis critique

Dans le Nouvel Observateur, Jérôme Garcin accueille favorablement le livre, estimant qu'il participe à la compréhension de l'écrivain, en dehors des réputations et des étiquettes : « Si l’on a la curiosité de comprendre la méprise dont Marc-Édouard Nabe continue de faire l’objet et la foi littéraire qu’il n’a jamais abdiquée, il faut lire Coups d’épée dans l’eau. C’est le recueil des entretiens que, entre le fatidique Apostrophes de 1985 et un face-à-face de 1999 avec Cohn-Bendit, l’auteur de K.-O a accordés aux journaux, radios et télévisions (en particulier à Pivot, Bouteiller, Boutang, Chancel et Giesbert). Peu d’écrivains résisteraient à l’épreuve narcissique de ces transcriptions littérales : si Nabe convainc si fort, ce n’est pas seulement que, devant des micros qui appellent l’imposture, il est toujours sincère, spontané, voire candide (“Je suis un naïf byzantin”), c’est aussi qu’il sait jouer de la parole comme un musicien de jazz, de sa guitare. Évidemment, on pourra trouver dans ce gros volume, conçu par Nabe à sa propre gloire, de nombreux motifs d’exaspération. Mais, de cette confession parlée et fragmentée, on retient surtout l’histoire rebelle d’un écrivain gréco-turco-italiano-phocéen qui - c’est si rare de nos jours - a voué toute sa vie à son art. Un art qu’il entretient en compagnie de ceux dont, lyrique inconsolé, il n’en finit pas de faire l’éloge, parmi lesquels Oum Kalsoum, André Suarès, Jean Bois, Count Basie, Rimbaud, Céline, Picasso, Gertrude Stein, Welles, Duke Ellington, Godard, Murnau, Cervantès, Dominique de Roux, Fassbinder et Pasolini. Une liste à laquelle il convient d’ajouter Nabe soi-même, qui déteste ses contemporains, mais ne n’aime pas davantage et, une plume en guise de pertuisane, promène son donquichottisme au milieu des moulins et des ruines. »[1].

Ce jugement est partagé par Jackie Berroyer, dans Vibrations, considérant qu'il n'y a « pas de meilleure présentation de Nabe que ses Coups d'épée dans l'eau »[2].

Édition

Les droits de Coups d’épée dans l’eau ont été entièrement récupérés en 2008 par Marc-Édouard Nabe, qui peut anti-rééditer l’ouvrage. En attendant, le livre est disponible sur la plateforme de vente de l’auteur, faisant partie du stock de huit tonnes de retour récupéré par voie judiciaire par l’auteur en 2008.

  • Marc-Édouard Nabe, Coups d'épée dans l'eau, éditions du Rocher, 1999, 577 p. ISBN : 2268026221

Lien externe

Notes et références

  1. Jérôme Garcin, « Un naïf byzantin », Le Nouvel Observateur, 1er juillet 1999
  2. Jackie Berroyer, « Parlons peu parlons de moi (chronique) », Vibrations, juillet 1999.