Jean Genet

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Jean Genet, 1983

Jean Genet est un écrivain né le 19 décembre 1910 à Paris et mort le 14 avril 1986 dans la même ville.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Dans son journal intime, Marc-Édouard Nabe exprime son admiration de longue date pour Jean Genet, partagée et même initiée par Bob Siné, grand ami de Genet. Il évoque notamment sa mort :

« Mardi 15 avril 1986. — [...] Autre nouvelle : la mort de Jean Genet. Il avait un cancer de la gorge, comme Sam. C’est le même genre de fin de solo enrouée...
Genet ! Et son dernier bouquin qui va s’appeler paraît-il Un captif amoureux allait sortir ces jours... Genet le premier des trois (Jünger, Borges) derniers vrais grands écrivains vivants à mourir. Genet, comme Orson loupé de peu, passé entre mes gouttes (Siné, Simion, Le Régal). N’avoir jamais rencontré Genet, sa gueule de boxer et son manteau à carreau, sa petite voix nasillarde et hésitante, et si tante !... Genet, nous en crevions Albert et moi à nous relire récemment la mort d’Harcamone, l’ouverture de Notre-Dame-des-Fleurs, et chaque phrase du Journal du voleur comme Genet lui-même lut, émerveillé, en prison, la toute première phrase d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs (qui commence par “Ma mère” et finit par “puant”)...
À quelques jours près, j’aurais pu croiser Genet dans mon nouveau quartier. C’est peut-être pour sacrer ce treizième arrondissement où je vais aller abriter désormais ma pauvre petite subversion que Genet y est mort... Ici, à Paris, dans la chambre d’un hôtel modeste, en prison encore pour ainsi dire.[1] »

Mort qui s’est produite au Jack’s Hôtel, petit hotel du 13e arrondissement où, sans le savoir, Nabe donnait rendez-vous à Laura :

« On commençait à être connus au Jack’s. Un soir, en redescendant payer, je tombai à la réception sur Élisabeth, qui avait vu ma photo dans un journal.
— Vous êtes écrivain, je crois... Savez-vous qui est mort ici ?
Allons bon ! Encore un mort, et dans mon hôtel en plus ! Quand ça ? Hier ?
— Non, non..., me dit Élisabeth en chuchotant. Il y a longtemps ! En 1986, vous ne veniez pas encore... Vous le connaissez sans doute, c’est un scandaleux comme vous : Jean...
J’en connaissais plein des Jean scandaleux, à commencer par celui de Patmos. Élisabeth osait à peine me le dire. Je ne l’entendais pas, j’approchais mon oreille. Puis, elle me révéla le nom, sans chuchoter du tout : JEAN GENET !
Quoi ? Genet ? Mais oui ! Ça me revient... J’avais su qu’il était mort dans un petit hôtel minable (excusez-moi Élisabeth) du XIIIe arrondissement. Il y avait même ultimement corrigé les épreuves d’Un captif amoureux ! Jean Genet !
— Il y aura peut-être une double plaque ici un jour, me dit la réceptionniste du Jack’s en souriant : “Ici, Jean est...” et “Ici, Marc-Édouard a...”
Élisabeth était gentille, mais, à choisir, j’aurais préféré multiplier les petites morts ailleurs que là où Genet avait vécu sa seule et unique grande ! Dire qu’il avait fini ici, peut-être dans la chambre 24, qui sait... Ça m’a fait tout drôle, après, de revenir faire la mort avec mon Indienne.[2] »

Dans les années 2000, pendant toute la période de voyages au Proche-Orient et de réflexions géopolitiques, Nabe ne cessera de prolonger son cousinage de pensée avec Jean Genet, dont on retrouvera des traces notamment dans sa trilogie orientale (Une lueur d’espoir, Printemps de feu, J’enfonce le clou).

Marc-Édouard Nabe sur la tombe de Jean Genet (Larache, Maroc), en compagnie de la petite fille de la gardienne du cimetière (août 2010).

En 2016, Marc-Édouard Nabe réalise une série de portraits de Jean Genet, qui sont exposés dans sa « Galerie virtuelle » à partir de février 2019 (exposition « Grands Pédés »).

Citations

Nabe sur Genet

  • « Dimanche 19 février [1984]. — [...] Voilà le gros morceau de ma journée... Oui, je reviens à Genet ! Jean-la-Pourriture de mes quinze ans ! Si je n’ai pas sombré à l’époque dans sa poubelle de fleurs dégueulasses, c’est que je ne l’avais pas bien lu, perdu comme je l’étais au milieu de la tantouzerie de ses marlous bien montés. Le sexe cache la forêt. Certes, Genet fait partie de ces grandes tantes à l’abjection somptueuse (Wilde, Verlaine, Proust, Pasolini...) et son agressivité pédé est sacrée, mais je ne puis plonger en m’y vautrant que d’assez loin... Non, je m’intéresse davantage à sa rhétorique de geôle, cette musique de l’enfermé que Genet, comme Sachs, vole au temps qui trépasse. » (Nabe’s Dream, Éditions du Rocher, 1991, p. 275)
  • « On évoqua aussi avec Vergès la décadence du génie de Siné, à cause de sa mégère Catherine, et je fis raconter à Jacques l’histoire de Jean Genet qui avait rappelé Siné après l’avoir croisé dans la rue, pour lui dire : « Je ne veux plus te revoir », avant de raccrocher... Quand Bob me l’avait racontée, il en était encore bouleversé, des années plus tard... » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 845)

Intégration littéraire

Portraits

Portraits de Jean Genet sur le site de Marc-Édouard Nabe

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Tohu-Bohu, Éditions du Rocher, 1993, p. 1562.
  2. Marc-Édouard Nabe, Alain Zannini, Éditions du Rocher, 2002, pp. 389-390.