Albert Spaggiari

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Albert Spaggiari, 1978

Albert Spaggiari, l’auteur du « Casse du siècle » à Nice en 1976, est né le 14 décembre 1932 à Laragne-Montéglin (France) et mort le 8 juin 1989 à Belluno (Italie).

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Non seulement, Marc-Édouard Nabe avait entendu parler du hold-up de Spaggiari à la Société Générale de Nice le 17 juillet 1976, mais il était présent à Nice ce jour-là, suivant le festival de jazz de Cimiez avec son père, Marcel Zannini ! Très admiratif du « casse du siècle » et de l'évasion géniale de « Bert » sautant par la fenêtre du bureau du juge d’instruction, Nabe ne pouvait pas imaginer que dix ans plus tard, il recevrait un drôle de coup de téléphone… En effet, en juin 1986, Albert Spaggiari entre en contact avec Marc-Édouard Nabe :

« Dimanche 29 juin 1986. — [...] — J’ai lu votre livre Au régal des vermines et ça a été mon plus grand choc depuis vingt ans. Je suis moi-même un grand adorateur de Sade...
— Mais qui êtes-vous ?
— Je ne peux pas le dire. Il y a des noms qui ne passent pas au téléphone... Devinez...
— ... ?
— Vous m’avez cité dans votre livre... Près du mot “forever”... Forever ! Disons pour l’instant que je suis Monsieur Forever.
Cet accent, cette voix disent quelque chose à mon oreille... Au moment où je cherche à me souvenir qui j’ai bien pu citer à côté de “forever”, mon intuition m’illumine. C’est l’ouïe qui a gagné, d’une longueur sur la mémoire...
Spaggiari ! L’auteur du casse du siècle de la Société générale à Nice ! 1976 ! Six milliards ! Par les égouts... Albert Spaggiari, en cavale depuis son évasion spectaculaire par la fenêtre du bureau du juge d’instruction ! Oui ! Je me rappelle très bien. C’est toute ma jeunesse, Spaggiari, plus Lupin qu’Arsène ! [...][1] »

Si Nabe a reconnu Spaggiari à sa voix, c'est qu’il avait gardé le souvenir dans son oreille de l’intervention chez Bernard Pivot à Apostrophes en juin 1983 du célèbre voleur[2]. Dès le lendemain, le 30 juin, Nabe et sa femme Hélène rencontrent Spaggiari dans le café Au Canon d’Italie, place d’Italie[3]. Une véritable complicité et affection se lie entre les deux hommes. Chaque rencontre sporadique sera consignée dans le journal de Nabe. Plusieurs dîners secrets avec d’autres personnes seront organisés par « Spagg’ », qui permettront à Nabe de mieux connaître le fameux cambrioleur, admiratif du premier livre nabien, Au régal des vermines, au point de vouloir venger Nabe en allant régler son compte à Georges-Marc Benamou ! Mais c’est surtout par téléphone que les deux personnages communiqueront, avec un code pour que Spaggiari ne soit pas identifié (il se présentait toujours comme étant « Romain »), car il craignait les écoutes, et il avait raison : ce sera d’ailleurs révélé dans le livre de Jean-Marie Pontaut et Jérome Dupuis, Les Oreilles du Président[4]. En effet, Nabe était écouté par la cellule de l’Élysée, mais pas à cause de Spaggiari, mais de Jean-Edern Hallier.

La dernière année (1988-1989), après avoir invité plusieurs fois Nabe et Hélène dans la maison où il vivait avec sa compagne, Emilia, à Belluno en Italie, Spaggiari n’a plus donné de nouvelles : et pour cause, il était très malade. L’annonce de la mort du cambrioleur en cavale, le 8 juin 1989, donnera l’occasion à Nabe d’écrire l’une des plus belles pages de son journal intime en hommage à Spaggiari (Kamikaze, pp. 3288-3289).

En 1999, le journaliste-documentariste Laurent Hakim monte un documentaire sur Spaggiari et interviewe pour cela Marc-Édouard Nabe. Le film est diffusé sur France 3, sous le titre « L’affaire Spaggiari ». Le passage où Nabe s’exprime est évidemment coupé au montage.

En 2009, le journaliste Jérôme Dupuis publie dans L’Express un article revenant en détail sur la relation entre Nabe et Spaggiari[5].

Citations

Spaggiari sur Nabe

  • « Ils me croient sans haine et sans violence, ricane Spaggiari, mais je suis plein de haine, j’ai autant de rage que toi ! » (Inch’Allah, 1996, p. 1688)

Nabe sur Spaggiari

  • « Lundi 30 juin 1986. — [...] Nous resterons une heure à fraterniser avec ce mythe vivant, ô fractureux hilare de coffres-forts violables ! Il a le sourire méphistophélique. Un air de Jack Palance, en plus tiré de traits. Il nous parle de son grand nez qu’il a dû sacrifier “à cette trompette ridicule”. Le premier chirurgien qui le replastiqua l’avait si bien réussi qu’on ne voyait que lui dans la rue ! Ses cheveux roux-blond d’étoupe en biais, ses pommettes liftées au Brésil (c’est peut-être ça qui lui donne cet air bizarrement féminin), ses mains aux phalanges déformées (pour les empreintes ?) : Spaggiari a quelque chose de gauche dans l’allure, qui vient de son aspect traqué de mal déguisé. » (Inch’Allah, 1996, p. 1688)
  • « Jeudi 15 janvier 1987. — [...] Spaggiari nous a donné rendez-vous à la station de métro Saint-François-Xavier. Personne pendant un bon moment. Hélène et moi regardons pourtant intensément la seule porte par où notre célèbre incognito doit entrer lorsqu’il surgit sans qu’on l’ait vu ! En une seconde, sans bruit, Spaggiari nous apparaît... Je sursaute sous la surprise du tour du magie. Par où est-il passé ? Est-ce son art de perceur qui lui a donné le pouvoir de traverser les murailles ainsi ? Je lui touche la main et le bras pour être bien sûr qu’il est en chair. “Bert” rigole. Il faut dire qu’il est ce soir particulièrement impressionnant : il porte un beau blouson de cuir épais d’aviateur, des bottes au bout de ses longues jambes et surtout une magnifique chapka qui lui donne un faux air de Tarass Boulba. Je lui demande d’où il la tient : “C’est un secret...” répond Romain en souriant. Un taxi nous attend. On monte dedans et le “Cerveau” lui indique une adresse. On enfile les rues déjà chics du 7e arrondissement, rendues plus chics encore par l’enneigement. Provocant, Spaggiari multiplie les plaisanteries sur les flics qui sont en pléthore dehors, par ce froid, à cause des menaces terroristes. Spaggiari leur sourit à travers la vitre de sa portière et me lance des clins d’œil à chaque vanne. Le chauffeur commence à tiquer dans son rétroviseur : avant que les sarcasmes de ce drôle de client ne lui paraissent louches, nous descendons. » (Inch’Allah, 1996, p. 1983)
  • « Le Spaggiari dont les médias révèlent la mort est déjà un absent, un fantôme infilmable. L’homme qu’on a connu était le protecteur quasi paternel de cette figure inexistante. C’était Romain, l’ombre d’Albert, celui qui prenait tous les risques pour son double recherché. Mort libre, ce fils unique est presque retourné dans le ventre de sa mère pour mourir. Boucle bouclée qui lui ressemble. Puéril baroudeur fugueux... » (Kamikaze, 2000, p. 3287, à propos de la mort d’Albert Spaggiari)
  • « Spaggiari, lui, était un anarchiste d'extrême droite. Il était irrécupérable, comme moi. Avant tout, il avait du panache. Il voulait que nous écrivions un livre ensemble, me disait que, s'il réussissait un nouveau gros coup, il serait mon mécène à vie. Il avait une attitude paternelle avec moi. C'était un être irrésistible et je trouve que le personnage politiquement correct qu'en a fait [Jean-Paul] Rouve au cinéma dans Sans arme, ni haine, ni violence est totalement à côté de la plaque. » (L’Express, 30 juillet 2009)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Inch’Allah, Éditions du Rocher, 1996, pp. 1685-1686.
  2. Marc-Édouard Nabe, Inch’Allah, Éditions du Rocher, 1996, pp. 1687-1690.
  3. Jean-Marie Pontaut, Jérôme Dupuis, Les Oreilles du Président, Paris, Fayard, 1996, 286 p.
  4. Jérôme Dupuis, « Albert Spaggiari - Marc-Édouard Nabe : Camarades de cavale », L’Express, 30 juillet 2009, lire : https://www.lexpress.fr/culture/livre/albert-spaggiari-marc-edouard-nabe-camarades-de-cavale_823659.html