La mort de Polac

Sauter à la navigation Sauter à la recherche

La mort de Polac est un texte de Marc-Édouard Nabe, écrit après l’émission de Serge Moati, Ripostes (France 5), censurée par Michel Polac (pour plus de détails, voir l’article Kamikaze), et publié par la revue Cancer ! (numéro 2), à l’automne 2000.

J‘ai tué Michel Polac. Et ça ne me fait aucune peine. Ma charité ne s‘exerce pas sur les renégats. C‘est Péguy qui m‘a appris ça. Pourquoi renégat ? Parce que Polac est celui qui m‘a fait naître à la télévision en 1985, avant même que ne paraisse mon premier livre qu‘il a défendu ensuite avec enthousiasme contre presque tout le monde (il s‘agissait d‘« Au régal des vermines »). J‘étais son « auteur préféré », disait-il. Renégat de Nabe, ce ne serait encore rien, c‘est renégat de soi-même qui est le plus grave dans le cas de Polac, incarnation symptomatique d‘un certain gauchisme en décomposition volontaire et qui a renié peu à peu tout idéal libertaire au profit d‘une vigilance antifasciste factice.
J‘ai retrouvé Polac quinze ans après, le 26 mai dernier, sur le plateau de « Ripostes », émission censurée par ses soins, et pour une seule et unique raison qu‘aucun journal ne semble vouloir reprendre (pourquoi ?) et que je me propose de dévoiler ici. Polac m‘a agressé sous l‘oeil de Caïn attristé de la caméra. J‘ai répondu à ses insultes par des jets de vérité en pleine face. C‘était si visible qu‘il voulait mourir ! Masochiste comme il est, pitoyablement hanté par une haine des autres qu‘il dissimule sous une haine de soi, Polac est un vieil homme aigri et misérable qui tape n‘importe où comme un ex-boxeur aveugle dont les coups flous frappent dans le vide. Il a eu beau citer hors contexte des extraits de « Kamikaze », mon dernier tome de journal intime dont le succès le rend malade, je lui ai répondu et lui ai expliqué pourquoi il était devenu si jaloux, si faible, si bête depuis qu‘il avait été licencié de TF1.
C‘était lui le kamikaze ! Il s‘est jeté sur moi pour s‘écraser. Ça a donné une excellente émission, l‘une des meilleures (pas) vues depuis longtemps à la télévision. Comme je n‘ai laissé passer aucune de ses ridicules perfidies, Polac a réussi à pousser le manque de fairplay jusqu‘au seuil des tribunaux... Et il veut nous faire croire qu‘il est la victime de La Cinquième qui aurait supprimé une de mes citations ? Ça ne tient pas. Tout le monde a une bonne raison de m‘en vouloir à cause de ce que j‘écris dans mon journal intime : l‘un parce que j‘ai dit qu‘il avait les dents en avant, l‘autre parce que sa belle-mère ne devait pas savoir qu‘il en était amoureux, l‘autre parce qu‘elle a un gros derrière, etc. Comme tous ces gens-là ne peuvent pas avouer la vraie raison de leur colère à mon encontre, ils ont trouvé une accusation fédératrice qui ne mange pas de pain, qui arrête les discussions et fait trembler la mémoire de notre beau pays : l‘antisémitisme. Il a bon dos l‘antisémitisme ! Cherchez bien, ça cache toujours quelque chose. Dans le cas de Polac, ne croyez pas qu‘il me traite de tous les noms parce qu‘il est sincèrement choqué par mon analyse à chaud de la surmédiatisation nécrophilique particulièrement abjecte de la profanation du cimetière juif de Carpentras il y a dix ans... Non, ce vaniteux susceptible m‘en veut uniquement parce que j‘ai révélé à quel point les éditeurs qui le publiaient méprisaient sa prose et se foutaient de sa gueule en tant qu‘« écrivain ». Pour cet « affront », l‘ancien animateur de « Droit de réponse » qui se rêve « artiste », me ferait mettre en prison, ou guillotiner s‘il le pouvait. Un jour, peut-être, une certaine justice, fragilisée par l‘autoculpabilisation française, donnera raison à ce genre de procureur du bas journalisme, contre tout individu libre qui lui tient tête. En attendant, à l‘heure où j‘écris ces lignes, Polac étire le plus possible son bras long dans les médias pour me dénoncer comme monstre. Quelle détresse !
La vérité est toujours simple : si Polac a tout fait pour censurer « Ripostes », c‘est parce que la co-animatrice de Serge Moati a trouvé légitime de lire un peu de son journal intime à lui concernant son expérience de pédophile honteux avec un jeune garçon sur les fesses duquel Polac raconte élégamment avoir « déchargé ». Le « défenseur de la liberté d‘expression » a alors insultée Dorothée Woilliez, comme il avait déjà insulté Daniela Lumbroso sur LCI pour le même « motif ». Il a essayé de lui arracher sa feuille de papier, il a menacé tout le monde : il n‘assumait pas ce qu‘il avait écrit et fait publier par les PUF. La mauvaise foi soudain n‘a plus fait rire personne. La vraie raison de sa lamentable censure est qu‘il voulait effacer son image à lui et sa déconfiture à jamais archivée, sa perte de contrôle, son « fascisme » comme a dit une jeune Congolaise dans le public et son « effondrement » comme tout le plateau le murmurait à la fin du tournage. On n‘efface pas sa mauvaise image. Polac devrait le savoir. Ce moment a eu lieu et a été filmé, et un jour tout le monde le verra et Polac mourra une seconde fois, la dernière, et par où il a péché : la trahison.
Quand l‘émission s‘est achevée, Polac a eu cette phrase me concernant, entre deux insultes qu‘il continuait à cracher au visage de la journaliste : « Lui, il s‘en sort toujours ! ». Oui, je m‘en sors toujours, mais il y a une raison à cela : je n‘ai pas changé de fidélité depuis que je suis né, fidélité à l‘art, et à la vérité, fidélité à la liberté, la vraie, pas celle qu‘on offre en sacrifice à un président de la République pseudo-socialiste qui écoute pendant quatorze ans les « subversifs » au téléphone, et qui rit aux plaisanteries de son ami René Bousquet. Fidèle à moi-même et à ma conviction — pour le coup très utopique — qu‘il faut tenir bon contre l‘aigreur des collabos du pouvoir, des traîtres et des démissionnaires, ceux qui ont tout galvaudé, tout vendu, tout bradé et qui se retrouvent vieux et seuls face à ce qu‘ils ont aimé le plus, pour mourir le plus tristement possible.