Édouard Limonov

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Édouard Limonov, 2019

Édouard Veniaminovitch Savenko, dit Édouard Limonov, est un écrivain russe né le 23 février 1943 à Dzerjinsk et mort le 17 mars 2020 à Moscou. Après avoir quitté l’Union soviétique dans les années 1970 pour s’établir aux États-Unis, Limonov s’installe en France dans les années 1980 où il publie plusieurs livres traduits du russe. Puis, en 1989, Limonov collabore à L’Idiot international de Jean-Edern Hallier avant de rentrer en Russie en 1991 et fonder en 1993 avec Alexandre Douguine (idéologue eurasiste et ultranationaliste inspiré par René Guénon et Julius Evola) le Parti national-bolchevique (à l’idéologie eurasiste, anti-américaine, stalinienne, dans l’objectif d’unir l’extrême-droite et l’extrême-gauche ; son logo reprend le drapeau nazi avec la faucille et le marteau à la place de la croix gammée). Limonov s’engagera dans un militantisme politique (notamment en faveur de la Serbie jusqu’à prendre les armes durant les guerres de Yougoslavie, ce qui le fera se rapprocher davantage de Patrick Besson) qui le mènera au radicalisme politique. En 1998, Douguine quitte le parti national-bolchévique et entre en conflit avec Limonov. Celui-ci fait deux ans de prison au début des années 2000 pour tentative de coup d’état au Kazakhstan. En 2010, pour remplacer le PNB interdit depuis 2007, Limonov créé le parti L’Autre Russie, mais aussi le mouvement Stratégie 31, mettant de côté ses idées politiques pour rallier les libéraux et envisager une candidature à l’élection présidentielle de 2012. Historiquement opposé à la politique de Vladimir Poutine, Limonov approuve l’annexion en 2014 par la Russie de la Crimée (sous souveraineté ukrainienne depuis 1954) ainsi que la guerre au Dombass ; certains membres de L’Autre Russie ont notamment combattu en Ukraine pour la Russie. Cela fait de l’anti-poutinien Limonov un partisan tardif de Poutine pour sa politique extérieure. Relancé par le succès du livre qu’Emmanuel Carrère lui a consacré (Limonov), l’écrivain voyage dans plusieurs pays pour donner des conférences et des interviews. En 2019, Limonov s’enthousiasmera pour le mouvement des Gilets jaunes jusqu’à se rendre à Paris pour les rencontrer. Atteint d’un cancer, il succombera dans sa patrie quelques mois plus tard.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

C’est aux éditions du Dilettante (dirigées par Dominique Gaultier), au milieu des années 1980, où chacun a publié une plaquette (Salade niçoise pour Limonov et Chacun mes goûts pour Nabe) que Édouard et Marc-Édouard font connaissance. Mais c’est en 1989 que Marc-Édouard Nabe et Édouard Limonov se côtoient vraiment en publiant des textes dans L’Idiot international de Jean-Edern Hallier. Le 6 septembre 1989, Nabe y publie une saynète mettant en scène Alexandre Jardin et son éditrice, Françoise Verny, intitulée « La triste fin de Françoise Verny »[1]. Le texte déplaît fortement à Limonov qui, effrayé par ses conséquences, publie trois semaines plus tard dans L’Idiot une notule (« Touche pas à mon éditeur ») demandant pardon pour le texte de Nabe à son éditrice de chez Flammarion au moment où le même Limonov vient d’y publier La Grande époque. Nabe réagira dans son journal intime, Kamikaze, en reprenant le texte et en le commentant :

« Ah ! Quelle erreur stratégique terrible ! C’est la fin de Limonov... Ou du moins d’un certain Limonov... S’en rend-il compte ? Je voudrais bien lui répondre, pas méchamment, lui expliquer qu’il n’y a pas de confraternité éditoriale dans L’Idiot, et que je n’ai pas pensé une seule seconde à lui quand j’ai écrit cet article : Verny n’est pas que l’éditrice de Limonov, elle est aussi l’immonde pourrisseuse des Lettres depuis vingt ans, il n’y a aucune raison de l’épargner parce qu’un des Idiots sort un livre chez elle en ce moment.[2] » 

Nabe avait donc l’intention de répondre à Limonov, surtout pour le dédouaner, mais Hallier, perversement, a préféré répondre lui-même (« Affaire classée ») pour punir Limonov de sa poltronnerie germano-pratine et en même temps faire de la surenchère contre Verny sur l’article de Nabe qui avait eu beaucoup de succès :

« De fortes pressions se sont exercées sur Edward Limonov, de la part des éditions Flammarion, où il publie un roman ces jours-ci, pour qu’il cesse d’écrire dans L’Idiot et qu’il quitte notre conseil de rédaction à la suite de l’article de Marc-Édouard Nabe sur François Verny. Ces procédés de chantage sont inadmissibles. Les écrivains écrivent ici ce qu’ils veulent — et puisqu’il faut dire les choses par leur nom, si le portrait de la Verny a tellement choqué le petit personnel littéraire, c’est parce qu’il n’est que trop vrai. Sauf qu’il s’agissait d’une eau-forte d’artiste, d’une métaphore, et que l’ignorance crasse du concept de distance littéraire n’a plus cours chez les marchands de soupe qui se prétendent aujourd’hui éditeurs. Les quelques fois où je dînai avec la Verny, j’ai déposé précipitamment une serviette sur son siège pour qu’on ne voie pas la tâche humide sur le velours bleu du restaurant le Café de la Paix, ce soir-là, er bien d’autres soirs ensuite. Je l’ai vue rouler sous la table, obscène figure de l’obscénité même des soi-disant éditeurs. Ainsi, Yves Berger, corrupteur littéraire de chez Grasset, ancien pion devenu censeur, a-t-il téléphoné à tous ses collègues en leur demandant de ne jamais publier un livre de Nabe. Pour qui se prennent ses crétins ? Les éditeurs sont les domestiques des écrivains. Qu’ils le restent, ou plutôt qu’ils le redeviennent.[3] »

Commentaire de Nabe (25 septembre 1989, dans Kamikaze) :

« C’est pire ! Non seulement il me couvre, mais il enfonce le clou pour mieux punir son cher Limonov qui a eu le malheur de prêter le flanc à ce coup de lance. S’il m’avait laissé m’engueuler ouvertement avec Edward, je l’aurais blanchi aux yeux de Flammarion. Maintenant, il est foutu ! À suivre, certainement...[4] »

Cet épisode peu glorieux d’un Limonov révélé comme homme de lettres davantage que comme extrémiste punk tous azimuts a échappé à Emmanuel Carrère lorsqu’il écrivit son Limonov (P.O.L., prix Renaudot 2011). Carrère s’était pourtant intéressé à cette période de la carrière de son héros :

« On était contre tout ce qui est pour, pour tout ce qui est contre, avec pour seul credo : nous sommes des écrivains, pas des journalistes ; nos opinions, ne parlons pas des faits, comptent moins que notre talent pour les exprimer. Le style contre les idées : vieille antienne qui remonte à Barrès, à Céline, et trouvait son chantre idéal en Marc-Édouard Nabe, affreux jojo en chef de L'Idiot, capable d'exiger et d'obtenir le titre : “L'abbé Pierre est une ordure” – mais on trouve toujours plus vicieux que soi et Nabe, qui avait un jour écrit un article ultraviolent sur Serge Gainsbourg, a très mal pris qu’Hallier le republie, sans son accord et en le déclarant “infâme”, le lendemain de la mort du chanteur.[5]
[...]
Ainsi Édouard a-t-il commencé à écrire en français et à venir aux réunions du comité de rédaction de L’Idiot, qui se tenaient dans le grand appartement du patron, place des Vosges. On commençait à la vodka à dix heures du matin, on finissait à l'aube. Quand la faim se faisait sentir, Louisa, la gouvernante de Jean-Édern, cuisinait des macaronis. En plus de ceux qui faisaient effectivement les huit pages hebdomadaires de L'Idiot, les gens les plus divers passaient, s'incrustaient, se querellaient et, au lieu de les calmer, le maître de maison, ravi, envenimait leurs querelles : c'était sa joie, et le carburant de son journal. La première fois qu'Édouard est venu, il y avait Patrick Besson, Marc-Édouard Nabe, Philippe Sollers, Jacques Vergès. On attendait Le Pen, finalement c'est le syndicaliste Henri Krasucki qui est venu, et Sollers s'est mis au piano pour chanter L’Internationale. Gabriel Matzneff s'est déclaré enchanté de lire, à côté de l'article où lui-même tressait des couronnes à « Michel Gorbatcheff » – comme il tenait à orthographier son nom –, celui où Limonov réclamait pour le même Gorbatchev la cour martiale, puis douze balles dans la peau. Matzneff, conforme à sa légende, a poussé l'élégance jusqu'à féliciter son jeune confrère pour ses progrès en français.[6] »

En revanche, Philippe Lecardonnel, rédacteur en chef de L’Idiot à l’époque (et qui « rewrittait », avec l’auteur, les articles de Limonov), raconte la polémique à sa façon dans un article consacré au Limonov de Carrère sur Slate en 2011 :

« Une échauffourée littéraire avait pourtant terni son image auprès des hussards de L’Idiot (Marc-Édouard Nabe, Patrick Besson, Christian Laborde, Philippe Muray, Frédéric Taddeï…). À l'époque, Françoise Verny était considérée comme la “Papesse” de l'édition : ex-Grasset, puis Gallimard, en place chez Flammarion, elle retournera chez Grasset. Figure tutélaire de l'édition, elle était une cible évidente pour L'Idiot qui se faisait un malin plaisir d'attaquer tout pouvoir en place. Plaisir d'autant plus aisé qu'aucun des auteurs de L’Idiot (Hallier, Nabe, Besson, Sollers, Laborde, Taddéï...) ne publiait chez elle. Jusqu'à ce que Limonov soit approché par l'Ogresse... En septembre 1989, Nabe lance contre Françoise Verny un Scud ravageur alors qu’elle s’apprête à publier Limonov chez Flammarion. Inquiet pour son avenir éditorial, il publie une lettre ouverte fustigeant Nabe et s’excusant auprès d’elle : “Pardon, Françoise, ils sont fous, ces types de L’Idiot !” Tollé de la rédaction ! Jean-Edern clôt la polémique en dénonçant les pressions contre les collaborateurs du journal : “Les éditeurs sont les domestiques des écrivains. Qu’ils le restent, ou plutôt qu’ils le redeviennent !” Drame cornélien pour notre héros sommé de choisir entre ses amis et sa future éditrice. En bon dissident, il suit sa pente naturelle et s’adresse à la rédaction en ces termes : “Puisque vous êtes tous contre moi, je reste avec vous.”[7] »

Après son échec au prix de Flore (attribué à Marien Defalvard) en 2011, Limonov est interrogé par L’Express et revient sur sa participation à L’Idiot :

« Ce fut peut-être la période la plus heureuse de ma vie : j'ai trouvé la bande de copains dont je rêvais. L'équipe de L'Idiot international était un concentré de talents. Parmi la liste des éligibles aux prix littéraires cette année, il y avait trois anciens collaborateurs : Charles Dantzig, Romain Slocombe et Morgan Sportès (NDLR: prix Interallié). Ajoutez Michel Houellebecq, qui écrivait sur le théâtre, Patrick Besson, dont j'étais proche, Philippe Sollers ou encore ce grand emmerdeur devant l'éternel qu'est Marc-Édouard Nabe, et vous aurez une petite idée du joyeux bordel régnant chez Jean-Edern Hallier. Son appartement, où était installée la rédaction, donnait sur la place des Vosges. Sa gouvernante Louisa servait les repas dans des saladiers géants. Il y avait vingt, trente convives, comme dans un banquet, le vin coulait à flots. Mais personne n'était ivre.[8] »

Limonov n’oubliera pas Nabe. Dans son recueil de chroniques de ces années-là, L’Excité dans le monde des fous tranquilles, publié en 2012 chez Bartillat, il écrira une longue préface, intitulée « Mes articles français »[9], sur ses années Idiot que Marc-Édouard Nabe considérera comme le meilleur écrit, et de l’intérieur, sur L’Idiot international. Il le fera d’ailleurs savoir à son ancien collègue à Moscou qui y poursuivait une carrière d’activiste et de militant politique russe fascisto-crypto-communiste... En octobre de la même année (2012), les éditions Flammarion rééditent deux livres de Limonov Le poète russe préfère les grands nègres et Histoire de son serviteur, et copient la présentation des couvertures de Oui et Non (Le Rocher, 1998).

Flammarion, 2012
Éditions du Rocher, 1998

En octobre 2013, dans la revue d’Élisabeth Lévy, Causeur, Limonov reviendra une fois encore sur l’« affaire Verny/Nabe » qui décidément l’avait beaucoup marqué :

« C’est drôle, quand je pense à l’histoire de L’Idiot international, tous les copains qui y écrivaient sont devenus célèbres : Houellebecq, Dantzig ou Nabe. Je me souviens aussi de Philippe Muray, que j’ai seulement croisé, et je suis triste d’apprendre qu’il est mort. Mais j’étais surtout ami avec Patrick Besson[10]. Je me souviens de cette fois où j’avais reçu un à-valoir de 120.000 francs chez Flammarion pour un petit livre, quelque chose d’incroyable pour moi, j’avais l’impression d’être payé 1000 francs la page et je me prenais pour Dostoïevski ou Balzac. Mais soudain, alors que mon livre était prêt à paraître, Nabe publie une diatribe sodomique contre Françoise Verny, mon éditrice. J’étais furieux contre lui ! C’est heureusement Patrick Besson qui nous a réconciliés, même si c'est resté mon premier et dernier livre publié chez Flammarion, parce que j’ai dû choisir entre Flammarion et ses à-valoir gigantesques et la fidélité à L’Idiot. J’ai choisi L’Idiot et j’en suis finalement très fier.[11] »

Nabe et Limonov ne se seront jamais revus depuis L’Idiot, mais la plupart des journalistes[12], depuis les années 1990 jusqu’à 2020, et, ignorant leurs divergences, persisteront à associer leurs deux noms[13], ce qui est loin de déplaire à l’auteur de « La triste fin de Françoise Verny ».

Citations

Limonov sur Nabe

  • « TOUCHE PAS À MON ÉDITEUR
Nabe est dangereux pour les siens (voir L’Idiot n°17). Tel un “bimba” abruti de “ganja”, il tire sur tous, amis et ennemis. J’ignore par quel moyen Nabe gagne son pain, moi je le gagne exclusivement en publiant mes livres chez Flammarion. Nabe a commis la grossièreté de présenter à la publication un pamphlet scatologique ayant pour protagoniste l’éditeur du livre de son coéquipier Limonov, annoncé (et merde !) dans le même numéro de L’Idiot. La rédaction de L’Idiot a commis la connerie imprudente vis-à-vis de son collaborateur Limonov de publier le pamphlet de Nabe. Il va de soi que je condamne l’égoïste grossièreté et l’imprudente connerie du tout, lesquelles me placent dans une position moralement merdique envers mon éditeur, Françoise Verny.
Pardon Françoise, ils sont fous, ces types de L’Idiot !
Devrais-je écrire (suivant la tradition française de la bagarre intellectuelle) un pamphlet scatologique ayant le patron de Nabe à L’Idiot pour héros principal ? Comme j’appartiens à une autre tradition, je voudrais que l’affaire en reste là. Mais Nabe, tu es trop ! Crache ton nihilisme puriste sur tout le monde, s’il te plaît, jette tes grenades dans les cafés du boulevard Saint-Germain, mais touche pas à mon Éditeur. Commandant Hallier, si on me tire encore dans le dos, je déserte. » (L’Idiot international n°20, 27 septembre 1989, repris dans Kamikaze, 2000, p. 3419)
  • « Autour de moi, exactement dans ces années-là, vivaient et travaillaient des auteurs français et des journalistes très doués - le collectif du journal L'Idiot International. C'était un grand groupe puissant, une trentaine de personnes avec à leur tête “Le Vieux”, Jean-Edern Hallier. Patrick Besson, Marc-Édouard Nabe, Morgan Sportès, Charles Dantzig, Christian Laborde, Marc Cohen, Jean-Paul Cruse, le célèbre nouveau philosophe Alain de Benoist, Michel Houellebecq, je ne peux pas les citer tous. Aujourd'hui tous ces gens sont des auteurs connus, lauréats de toutes sortes de prix. Michel Houellebecq est devenu récemment un auteur à la mode alors qu'il était le plus jeune. J'ai personnellement considéré que les plus doués parmi nous étaient “Le Vieux” Hallier, Sportès, Besson, Nabe. Mais dix ans plus tard, hélas, ni le toxique Marc-Édouard Nabe qui a brillamment débuté avec sa Marseillaise, ni l'assidu journaliste plein d'esprit et romancier Patrick Besson, personne parmi eux n'était à mi-chemin vers la grandeur. Pas un n'a réussi à créer ces quelques livres cultes fondamentaux par lesquels on reconnait un génie. Car souvent "le maître à penser" n'est même pas le meilleur professionnel de son temps, mais c'est toujours le type jouant sur les cordes sensibles de la mentalité de la société. Mes camarades du collectif L'Idiot ont juste prouvé qu'ils sont d'excellents écrivains, c'est tout. [...] Au sein du collectif l'Idiot, celui qui était le plus près de la position spécifique envers la société (dans son cas : une position de mépris et d'arrogance) c'est Marc-Edouard Nabe, dans ses “Journaux intimes” superbement publiés par la maison d'édition du Rocher. Mais Nabe n'avait aucun droit à l'arrogance, car il n'avait pas de livre culte[14]. C'est pourquoi il était quelque peu ridicule. Un dandy érudit et égoïste. [...] Le non-roman est difficilement accepté par les éditeurs dans le monde entier. Marc-Edouard Nabe a dû hypnotiser son éditeur Jean-Paul Bertrand pour qu'il publie ses “Journaux Intimes”, quand Nabe avait seulement trente ans ! Je ne connais pas d'autres exemples. » (КОНТРОЛЬНЫЙ ВЫСТРЕЛ [Le tir de contrôle, inédit en volume], 2002)

  • « Marc-Édouard Nabe, Patrick Besson et Morgan Sportès[15] font partie de mon paradis perdu. Comme ce dîner, place des Vosges, chez Jean-Edern avec Henri Krasucki et sa casquette de prolo, Jacques Vergès et Sollers au piano qui jouait L’Internationale. » (Propos recueilli par Philippe Lecardonnel, « Édouard Limonov, envers et contre tous », Slate.fr, 3 novembre 2011)

Nabe sur Limonov

  • « Samedi 21 septembre 1985. — [...] Hélène se met à la salade et nous mangeons en jetant un œil à la télévision : Droit de réponse sur la Russie avec Limonov, entrevu à la Butte-aux-Cailles, assez arrogant mais incompréhensible » (Tohu-Bohu, 1993, p. 1247)

  • « Mercredi 1er novembre 1989. — [...] Nous parlons ensuite du pauvre Limonov. Moi, je l’admire, après sa connerie, de continuer d’écrire dans L’Idiot. Il a sacrifié son livre qui aurait pu — enfin ! (il a 45 ans...) — le faire reconnaître du Grand Milieu, pour foncer dans l’aventure du journal. C’est comme si, en attaquant la dégueulasse Verny, je lui avais montré où était sa véritable ennemie. Il a compris ce qu’il allait devenir, un banal dissident russe récupéré. Grâce à ma violence rédemptrice, il a eu la révélation de sa vraie mission. “Tu as sauvé Limonov !” s’exclame Besson qui, lui, prône l’excès pour les autres et la prudence pour lui. » (Kamikaze, 2000, p. 3464)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, « La triste fin de Françoise Verny », L’Idiot international n°17, 6 septembre 1989, repris dans Non, 1998.
  2. Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, p. 3419.
  3. Jean-Edern Hallier, « Affaire classée », L’Idiot international n°20, 27 septembre 1989, repris dans Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, pp. 3419-3420
  4. Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, p. 3420.
  5. Emmanuel Carrère, Limonov, P.O.L., 2011, p. 251.
  6. Emmanuel Carrère, Limonov, P.O.L., 2011, pp. 253-254.
  7. Philippe Lecardonnel, « Édouard Limonov, envers et contre tous », Slate.fr, 3 novembre 2011, lire : http://www.slate.fr/story/45887/edouard-limonov-litterature-russie
  8. Axel Gyldén et Alla Chevelkina, « Limonov : “C'est agréable d'être héros de roman populaire !” », L’Express n°3152, 30 novembre 2011, pp. 126-127.
  9. « Extraordinairement spirituel, amateur d’expressions salaces, le Vieux supportait mal le scepticisme destructeur du tandem Patrick Besson-Marc-Édouard Nabe. Ceux-ci nous obligeaient à rire aux éclats par leurs rafales constantes. » in Édouard Limonov, « Mes articles français », L’Excité dans le monde des fous tranquilles, Éditions Bartillat, 2012.
  10. « Patrick Besson s’en souvient encore. «De nous tous, c’était bien le seul à prendre la politique au sérieux quand elle n’était, à nos yeux, qu’un prétexte à chroniques. Il n’en était pas moins un très bon écrivain. J’ai tout lu !, et lui ai même fait obtenir le prix Jean Fourastié en 92 pour Oscar et les femmes. J’en garde le souvenir d’un Valmont moujik, rigolo et sympa. », rapporté par Philippe Lecardonnel, « Édouard Limonov, envers et contre tous », Slate.fr, 3 novembre 2011, lire : http://www.slate.fr/story/45887/edouard-limonov-litterature-russie
    Ce à quoi Limonov répondra plus tard : « Beaucoup de talent, mais toujours un peu timide politiquement. Il [Besson] est devenu une sorte d’écrivain bourgeois, non ? Grand et gros avec des pensées bourgeoises qui vont avec. Il a toujours pensé en termes de réussite bourgeoise, trop sarcastique et ironique pour avoir la tête politique. Un jour, il est venu à Moscou pour un article. Il n’était préoccupé que par des détails inutiles de la vie et les yeux de sa traductrice. Typiquement bourgeois. Comme ses réactions. Il pensait que la politique était pour moi une occupation « à côté », « pas sérieuse ». Attends Besson, nous avons eu dix-sept morts ! J’ai été condamné à quatre ans de prison. Et tu me dis que ce n’est pas sérieux, la politique ! Chaque année, je vais au cimetière pour mes camarades. », in « Édouard Limonov, confidences et souvenirs d’un national-bolchevik », Elements, septembre 2019, lire : https://www.revue-elements.com/edouard-limonov-mort-dun-dissident-et-dun-ecrivain/
  11. Jacques de Guillebon et Luc Richard, « Entretien avec Édouard Limonov », Causeur, octobre 2013.
  12. Dans L’Événement du jeudi en janvier 1994, Michel Polac écrit un article fulminant contre Limonov et ses nouveaux livres (roman et nouvelles). Polac parle d’abord d’un « pamphlet indigeste accablant de stupidité : tout pour séduire les skinheads ; c'est la version “supporter du Paris Saint-Germain” de l'esthétisme païen du raffiné Michel Onfray (prix Médicis, essai) : y en a marre de la charité chrétienne, de la morale de vaincus de notre hospice de vieillards, des bruyantes pleurnicheries des “Hébreux” rescapés, vive la force, l'énergie, la cruauté, vive les Huns et les Cosaques ! » Puis : « Les fornications de Bukowski paraissent fleur bleue à côté de celles, blafardes, de Limonov : que de la carne pour le croc du boucher. La baise (il n'y a pas d'autre mot adéquat) à trois se trouve avec le même luxe de détails manuels dans une des nouvelles. Limonov, comme tous les soudards, a des obsessions homosexuelles : tirer sur les Bosniaques ne l'a pas soulagé. » Reprochant à Limonov de publier dans des maisons « qui semblent attirer des ennemis de la démocratie », Polac s’en prend alors à Nabe : « On retrouve les Éditions du Rocher avec le Tohu-Bohu de Marc-Edouard Nabe. Il faut être un mécène fou pour publier cet objet invendable et illisible : 1 700 pages sur papier bible qui représentent une seule année d'un journal intime, mais ce n'était pas un service à rendre à un auteur déjà parano et mégalo. Nabe non plus n'aime pas l'humanité, il n'aime que les arts (enfin juste quelques peintres, écrivains et jazzmen) et surtout il n'aime que lui-même (contrairement à Amiel dont l'énorme Journal va ressembler à une short story à côté de celui de Nabe), il n'aime que lui-même mais ne parle que des autres... des autres qu'il fait parler de lui ; si vous voulez passer à la postérité nabienne, écrivez-lui pour lui exprimer votre admiration, il vous reproduira intégralement dans son Journal. Un index tente d'attraper les mouches narcissistes : je suis cité environ trente fois, moins que Rebatet le facho qu'il admire tant, et que Jean-Edern Hallier, mais plus que Limonov et Patrick Besson, cependant je n'ai pas mordu à l'hameçon : au bout de trois citations j'ai abandonné car tout ça n'a aucun intérêt littéraire ni même anecdotique. Ne croyez pas que je me venge : comme j'ai défendu son premier livre, j'ai l'air assez bien traité ; il ne traîne dans la boue que ceux qui ne reconnaissent pas son génie ou ne le publient pas dans l'heure. » in Michel Polac, « Le penseur des crânes rasés », L’événement du jeudi, 27 janvier 1994.
  13. Encore, en mars 2020, dans les nécrologies rédigées dans la presse française, le nom de Limonov est associé à celui de Nabe :
    « Là, lié à Jean-Edern Allier, à Marc-Edouard Nabe et Patrick Besson, il deviendra un pilier de la revue L’Idiot international, avant de se voir accorder la nationalité française en 1986. », in Anne Dastakian, « Edouard Limonov (1943-2020): mort d’un provocateur aux mille vies », Marianne, 18 mars 2020, lire : https://www.marianne.net/monde/edouard-limonov-1943-2020-mort-d-un-provocateur-aux-mille-vies
    « Comme Marc-Edouard Nabe à l’époque, Limonov entreprend de secouer la France mitterrandienne avec une ligne de conduite assez simple : la provocation littéraire. » in Jérôme Besnard, « Édouard Limonov, ce grand russe brun avec un drapeau rouge », L’Incorrect, 19 mars 2020, lire : https://lincorrect.org/edouard-limonov-ce-grand-russe-brun-avec-un-drapeau-rouge-lincorrect/
  14. Et le Régal des vermines, c’est quoi ?
  15. « Je ne comprenais pas tout ce qu’il me racontait, nous étions bourrés tous les deux. Je me souviens qu’il redoutait beaucoup sa femme et détestait Gorbatchev. Ni stalinien, ni poutinien, il était russe avant tout ! », Morgan Sportès, propos recueilli par Philippe Lecardonnel, « Édouard Limonov, envers et contre tous », Slate.fr, 3 novembre 2011, lire : http://www.slate.fr/story/45887/edouard-limonov-litterature-russie