Philippe Sollers

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Philippe Sollers, 2017

Philippe Joyaux, dit Philippe Sollers, est un écrivain français né à Bordeaux le 28 novembre 1936 et mort à Paris le 5 mai 2023.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Portrait de Philippe Sollers par Marc-Édouard Nabe (1987)

Marc-Édouard Nabe découvre Philippe Sollers à la télévision à la fin des années 1970. En juin 1981, il se rend dans les locaux de sa revue Tel Quel pour lui proposer un manuscrit, Bloc neigeux. Sollers lui reconnaît un talent indéniable d’écrivain mais lui conseille de retravailler son texte. Tout en le visitant régulièrement, Nabe reviendra le voir en 1983 et déposera sur le bureau les 2 000 pages de Nabe’s Dream (première version de ce qui deviendra Au régal des vermines). Sollers se lance passionnément avec Nabe au travail de transformation du « champ de petits pois » en « boîte » destinée à être publiée par la « fabrique de petits pois » Denoël[1]. Passé chez Gallimard, Sollers créé la revue L’Infini en 1983 et publie les premiers textes de Nabe dès l’année suivante[2]. Finalement, le Régal ne sera pas publié chez Denoël, mais les relations amicales, complices et même filiales avec Sollers perdureront jusque dans les années 2000.

En 2001, Nabe s’éloigne puis se fait critique sur les « stratégies » sollersiennes, en en rendant compte notamment dans Le Vingt-septième Livre (2006) et L’Homme qui arrêta d’écrire (2010). En 2013, devant l’attaque de Sollers et de lui-même par Stéphane Zagdanski dans une série de vidéos, Nabe décide de renouer avec Sollers et de le venger. La réconciliation est immédiate, et en surprise, Sollers publie dans L’Infini, « L’eunuque raide »[3], suite de « Mon meilleur ami », deux textes sur Stéphane Zagdanski publiés à quatorze ans d’intervalle dans la même revue.

Sollers apparaît en 1998 dans le roman Je suis mort (qu’il a édité) sous le nom de Fulgor, en mentor du narrateur mime-imitateur, et bien dans de très nombreux passages du journal intime de Nabe retranscrivant des conversations entières d’une valeur littéraire et précieuse sur le monde des lettres des années 1980-1990.

Citations

Sollers sur Nabe

Nabe et Sollers au Palace, 1986

« « Il est extraordinaire, ce Nabe. » (début de la quatrième de couverture de L’Âme de Billie Holiday, 1986)

Après la publication de Le Vingt-septième Livre, préface à la réédition du Régal des vermines (2006)

  • « C’est un écrivain très inégal » (Forum du Nouvel Observateur, 13 février 2006)

Après la publication de L’Homme qui arrêta d’écrire (2010)

  • « Marc-Edouard Nabe avait quelque chose, puis ça a été un suicide » (Les Inrockuptibles, 25 juillet 2013)[4]

Nabe sur Sollers

  • « Mardi 29 mai [1984]. — [...] Sollers me happe au café pour un Vichy. Toujours disponible. Jamais lunatique. C’est bien le seul en qui j’ai confiance. Celui qui, en quatre ans, ne m’a jamais déçu. Son comportement à mon égard est irréprochable. Quand je vois tous ces “amis” qui font beaucoup de vent autour de mon talent et me battent froid selon leurs humeurs, ces snobs et antisnobs “débordés” qui n’ont rien compris ! Sollers est là, lui, naturel, optimiste, encourageant, complice, gai, hyperlittéraire, sans démonstration affective superflue mais avec une attention et un intérêt constants. J’apprécie et je tiens à le dire ici, bien qu’il me répète souvent : “Insultez-moi dans votre journal !” » (Nabe’s Dream, 1991, p. 448)
  • « Que Sollers se soit gouré sur la politique et l’art de son époque (voilà pourquoi il excelle à analyser ceux des siècles passés), passe ! Mais qu’il fasse d’aussi grosses gaffes contre lui-même, c’est difficile à accepter... Je lui en veux d‘avoir fini par se laisser dominer davantage par le mépris qu’il a de lui-même que par celui qu’il éprouve pour les autres... Ce n’est pas derrière les choses qu’il faut aller, c’est au fond. Sollers ! Quelle chute dans la puissance ! Quel sabordage ! Quel abîme, au fond, que cette superficialité ! Quelle haine de soi finalement sous cette joie de vivre ! Quelle désespérance froufroutante ! Quel gâtisme, enfin ! Toujours les mêmes réflexes comme quand on tape sur un genou avec un petit marteau : “Artaud ? Van Gogh !”, “Picasso ? Les femmes !” ”Joyce ? Finnegans Wake !”, “La France ? Moi !” Ou “Moisie !” (variante). En ce moment, il croit que le summum de la subversion, c’est que Georges Bataille soit en papier bible ! Je crois que Sollers n’a pas conscience de ce que sa pudeur peut entraîner comme malentendus ! Pour lui, il y a des choses qui se font et d’autres qui ne se font pas... Sur sa tombe, on pourra lire : “Ça ne se fait pas.” » (Le Vingt-septième Livre, 2009 (2006), pp. 49-50)
  • « À soixante-douze ans, Philippe est le plus méprisé de tous les écrivains d’aujourd’hui, il est considéré comme un clown des lettres qui s’est abîmé dans le cirque médiatique, qui n’a écrit que de bons articles sur des figures indiscutées de la littérature mais qui n’a jamais su créer ni un univers romanesque, ni un mythe de sa personne, ni une aura autour de ses livres, de plus en plus vulgaires et vides, que personne n’achète ni ne lit. (L’Homme qui arrêta d’écrire, 2010, p. 272)
  • « Julien rangea sa guitare et demanda à son Eunuque :
— Qu’est-ce qui t’a fait ressusciter ?
— Mais la haine, mon ami ! répondit l’Eunuque.
— La haine ? Mais la haine de quoi ?
— De mes assassins ! Le Chancelier ! Et son affreux petit Docteur !
— Mais quel chancelier ?
— Tu te fous de moi ! s’énerva l’ex-mort. Le Chancelier de l’Infini, ça ne te dit rien ? Tu continues à le lire, je suis sûr, alors que pour moi, il est mort depuis que je fais semblant de ne plus le lire.
— Mais pas du tout ! objectait Julien. Et de quel docteur parles-tu ?
— Le Docteur ! Mi-nabot, mi-clown ! Le Propagandiste... » (dialogue transposé au sujet de Sollers, le « Chancelier », et Nabe, le « Docteur », entre l’Eunuque raide (Zagdanski) et son ami Julien (Julien Battesti) venu le voir au « Cimetière des Amis pour la Vie », « L’Eunuque raide », L’Infini n°126, 2014, p. 67)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Nabe’s Dream, Éditions du Rocher, 1991, p. 101.
  2. Marc-Édouard Nabe, « Mesdames, messieurs », L’Infini n°5, Denoël, hiver 1984, pp. 90-94.
  3. Marc-Édouard Nabe, « L’Eunuque raide », L’Infini n°126, Gallimard, pp. 64-97
  4. Nelly Kaprièlian, « Interview de l'éditeur Philippe Sollers : “J'ai anticipé le fait que la lecture allait disparaître”, Les Inrockuptibles, 25 juillet 2013, lire : https://www.lesinrocks.com/2013/07/25/livres/livres/portrait-de-lediteur-philippe-sollers-jai-anticipe-le-fait-que-la-lecture-allait-disparaitre/