Marcel Proust

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Capture d’écran d’un film datant de 1904, retrouvé en 2016, montrant Marcel Proust à la Madeleine.

Marcel Proust est un écrivain né le 10 juillet 1871 à Paris et mort le 18 novembre 1922 à Paris.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Dans Chacun mes goûts (1986), Marc-Édouard Nabe qualifie Marcel Proust de « maître des derviches scripteurs » : « Je ne sais pas si sa syntaxe est vraiment asthmatique comme cela fait plaisir aux toubibs grammairiens de l’affirmer. En tout cas, il se passe quelque chose dans le vertige de cette mayonnaise absolue »[1]

Dans une émission de Pierre-André Boutang, diffusée sur France 3 en 1988, Nabe parle des phrases de Proust[2] :

Pierre-André Boutang : Est-ce que la phrase proustienne vous procure un plaisir de lecteur ?
Marc-Édouard Nabe : Bien sûr.
P.-A. B. : Par rapport aux écrivains que vous aimez le plus au monde ?
M.-É. N. : Bien sûr. J’ai l’impression de la décortiquer comme une langouste.
P.-A. B. : C’est long à décortiquer une langouste...
M.-É. N. : On a le temps... Et puis j’ai toujours mon rince-doigts célinien.

Dans Le Bonheur (1988), un chapitre entier est consacré au tournage imaginaire de La Recherche par un cinéaste aveugle, Antoine-Cyprien Valmoisir, choisi pour mieux ressentir la délicatesse proustienne (chapitre « Crépuscule avec Nellie », pp. 404 - 411) :

— Messieurs, nous travaillons sur le fil du mystère, dit Valmoisir la canne blanche martelant chacun de ses syllabes… Je ne peux pas me permettre de rompre ce mystère. Les centimètres n’ont aucune importance, pas plus pour toiser un comédien que pour compter la pellicule perdue… Croyez-vous que Marcel Proust ait lésiné sur le nombre de lignes pour écrire son œuvre ?
« La Puissance » derrière faisait la grimace. On connaissait la gabegie insatiable de Valmoisir, son écoulement impondéré qu’aucun plombier de finances ne pouvait maîtriser.
— Ce qui compte ce sont les émotions, continuait-il. Les émotions… je veux un gros plan sur le visage de Swann qui exprime toute la plénitude de son soupçon, vous saisissez ? C’est un type qui fait demi-tour sur sa frustration. Il a pris un fiacre, il revient sur les lieux d’un crime qu’il aurait tellement voulu commettre. On va essayer avec la doublure… Allez !
La doublure, c’était un cascadeur spécial, un quasi-sosie du Swann n°1 que l’on employait pour les moments particulièrement délicats. C’est devenu tellement difficile pour un acteur de laisser paraître un sentiment que le cinéma engage à présent des doublures qui viennent remplacer les vedettes déficientes d’émotion. Le Swann n°2 était un crack de l’émouvant, un as des cascades psychologiques et son aide ne fut pas de trop. Swann n°1 attendait pour le raccord, près de l’Éclaireur… Swann n°2 regardait la lumière « pressée en pulpe dorée par les volets ». On rapporte à Valmoisir qu’il l’observe avec douleur. Le doute le ronge. Gros plan. Il faut qu’on sente sur sa figure ce qui se passe derrière le volet, enfin ce qu’il croit s’y passer. Aïe ! Il transpire.
— Coupez !
On vient essuyer le front du second Swann. La maquilleuse mutine sur les pointes le repomponne. La sueur est de trop. Antoine-Cyprien Valmoisir cherche la nuance, pas l’effet. C’est un esprit si fin, floconneux psychologue, proustinien à souhait. Le Swann de rechange recommence. 693ème prise. De loin à entendre les prises ainsi qui se succèdent si promptes on aurait pu prendre le claquement du clap pour les coups de bec d’un pivert infatigable.
Valmoisir se rassoit. On tourne. Swann n°2 remporte le morceau, enfin ! Le non-voyant est aux anges.[3]

La photo qui illustre l’article Wikipédia de Nabe, le montre sur la plage de Cabourg où il était allé explorer l’hôtel de Proust, en train de lire À l’ombre des jeunes filles en fleurs (édition Folio), en 2015.

Illustration de l’article « Marc-Édouard Nabe » sur Wikipédia

Nabe brossera toute une série de Proust en 2013 et en 2015.

Citations

Nabe sur Proust

  • « Mercredi 13 mars 1985. — [...] On rapproche souvent Proust et Céline, à cause de l’envergure de leurs entreprises littéraires, mais c’est à Kafka, à mon avis, que Proust ressemble le plus. Plus exactement à un personnage de Kafka, à un animal de Kafka. Quand je lis Le Terrier, un des récits kafkaïens les plus réussis, dans l’effrayance, je vois Proust ! C’est Proust cette bête mi-taupe mi-blaireau, totalement paranoïaque, enfermée dans son terrier du boulevard Haussmann. Seul sous son couvercle de mousses, creusant avec son front marteau-pilon les galeries complexes de la Recherche. Rusé et opiniâtre, Marcel Proust, ce blaireau kafkaïen “las de la vie au grand air”, s’est isolé du monde pour construire cette citadelle souterraine (l’œuvre), il y entrepose ses stocks de viande (les souvenirs), provisions qui lui permettent de s’occuper, malgré sa vulnérabilité, de ses travaux défensifs et autres stratégies transversales indispensables à l’élaboration et à la protection de son labyrinthe. » (Tohu-Bohu, Éditions du Rocher, 1993, pp. 906-907)
  • « Proust est un artiste dont les limites sont mêmes inimaginables. Il est impossible de lire tout Proust, comme il est impossible de voir tous les tableaux de Picasso. Ils donnent la sensation de l’infini, ils découragent la postérité et surtout — ce qui me plaît beaucoup — ils rendent vaine toute tentative d’exhaustivité. Qui peut épuiser la Recherche ? Protéenne, multiforme, archikaleïdoscopique, homogènement hétérogène, ouvertement éclatée tous azimuts, s’autorenouvelant mille-et-une-nuitesquement, méandreusement fertile, flash-backeuse et instantanéiste, spiralique et richissime... Plus déterminé que Dostoïevski et Balzac réunis, Proust, grand excentrique obsessionel, a entrepris un des rares livres (j’aime bien me rappeler que la Recherche est un livre) de la littérature mondiale qui soit réellement une épopée polyphonique telle que devrait l’être chaque vie qui ose vivre à fond. Donner au plus près la sensation de la vie, dans toute sa complexité symbolique, son chaos psychologique et bien sûr ses voix. Dans Proust les personnes innombrables sonnent chacun à leur façon et vivent à leur rythme selon leur vitesse propre, apparaissant, disparaissant du champ du Narrateur, poursuivant même leur destin hors du livre. Planète Proust ! Planète palpitante, loin des autres galaxies, avec ses Proustiens, petits hommes verts qui parlent, qui pensent, et qui s’agitent selon les séismes, les tremblements organiques du sol où leur créateur les a placés. » (Tohu-Bohu, 1993, p. 940)

Intégration littéraire

Portraits

Portraits de Marcel Proust sur le site de Marc-Édouard Nabe

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Chacun mes goûts, Le Dilettante, 1986, pp. 33-34.
  2.  « Marc-Édouard Nabe entre Proust et Claudel », Océaniques, France 3, 1988 ; retranscrit dans Marc-Édouard Nabe, Coups d’épée dans l’eau, Éditions du Rocher, 1999, p. 97.
  3. Marc-Édouard Nabe, Le Bonheur, Denoël, 1988, pp. 406-407.