Salvador Dalí

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Salvador Dalí, 1965

Salvador Dalí est un peintre et écrivain espagnol né le 11 mai 1904 à Figueras (Espagne) et mort le 23 janvier 1989 dans la même ville.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Un des premiers chocs picturaux de Nabe est d’avoir vu en vrai le grand tableau « La pêche au thon », à peine sec à la fondation Ricard à Bandol en 1967. Préférant encore plus ses livres à sa peinture, Nabe parlera souvent de Dalí avec un autre de ses admirateurs : Claude Nougaro. Salvador Dalí est présent dans le journal intime de Marc-Édouard Nabe, mais ce dernier en fait un portrait de huit pages dans Kamikaze le jour de la mort du peintre :

« Lundi 23 janvier 1989. — [...] Pour les journalistes, Dalí faisait un numéro entre Groucho Marx et le Henri IV de Pirandello, mais on sait (et Paudras, qui est allé le voir à Cadaquès à la fin des années 50, me l’a souvent dit) que le Dalí intime n’était évidemment pas plus puant que Miles Davis ou une autre star terrorisante de l’Art. Il travaillait sa paranoïa, c’est tout. Comme tous les artistes, d’ailleurs... Après, c’est une histoire d’extase, de technique extatique.
Toutes ses madones crépusculaires et ses vierges explosives, ses anges nucléaires et ses visages de saints désintégrés dans les sphères par myriades de particules le démontrent assez...
Dalí excellait dans l’extase. Quand on lui demanderait ce qu’il y avait de plus important dans la vie, il répondait : “Crever de satisfaction toutes les trois minutes !” Très précisément (j’ai toujours adoré la précision de Dalí dans ses interventions télévisées ou écrites), il a exprimé sa pratique de la déception comme orgasme... Qu’est-ce que je pourrais trouver à dire moi qui ai fait ça toute ma vie ! Le vrai triomphe, c’est le désastre. Dalí adore inverser au dernier moment la puissance du moteur érotique : il imagine des combinaisons raffinées, suaves, et met en branle son “désir ardent que rien n’arrive”... Il exulte sous “le recroquevillement glacé” et “l’annonciation stupéfiante”...
Bien sûr, Dalí se compare à Hitler qui a lui aussi organisé sa catastrophe : pour lui, Hitler était avant tout un maso qui souhaitait l’abîme : “Il a cherché l’orgasme suprême dans la colossale faillite. Le doigt sur la gâchette, il a dû partir en pleine jouissance : il en avait pour son argent.” Ces cons de surréalistes ont fait des grimaces de saintes-nitouches en entendant les dalineries si drôles ! Qui a moins d‘humour qu’un surréaliste ? Choqués comme des vierges de la “vérité de l’homme”, ces bourgeois coincés moralisateurs staliniens (pour Dalí, Staline est un forgeron) n’ont su que vilipender Dalí parce qu’il se servait d‘Hitler comme métaphore sexuelle (quatre couilles et six prépuces) et de Lénine comme apparition sur les touches d’un piano ou en porte-jarretelles avec une longue fesse molle soutenue par une béquille !...[1] »

Le 31 décembre 1989, lorsque Marc-Édouard Nabe participe, avec neuf autres écrivains, au livre « 10 ans pour rien ? » Les années 1980, il doit, comme les autres participants, tirer au sort la chambre de l’hôtel Meurice où chacun doit rédiger son chapitre seul, sans note ni préparation, en quelque heures. Le hasard fait que Nabe tire la suite de Dalí :

« Je regarde par la fenêtre. Un flic fout une contredanse à une voiture rouge. Les lumières de la fête foraine pétillent tristement. Je pense à Dali. L’année de sa mort, je me retrouve ici, dans sa suite ! Je l’ai tirée au sort dans un chapeau claque. C’est pas ma faute si je suis maudit jusque-là ! Il fallait que ça tombe sur moi : “L’appartement n°106/08” avec vue sur les Tuileries ! Moi le prolo des Épinettes ! Le rocailleux du Racati de Marseille ! Le Gréco-Turc d’Istanbul !...
Dali ! J’avais toujours rêvé de rencontrer Salvador Dali, d’aller le voir au Meurice, parmi ses mannequins coiffés de pains et ses Angelus de Millet en bronze. Dali ici couché sur ce lit verdâtre avec Gala, la vache. Dali et ses nains bavant le miel sur les meubles trop chic, aspergeant d’encre les dorures pompelardes du salon hyperspacieux. Combien de fulgurances sont parties d’ici, s’entrechoquant comme des flûtes de champagnes jusqu’à l’explosion mousseuse ?[2] »

En juin 2013, à Aix-en-Provence, Nabe retrouve au vernissage de l’exposition « De Cézanne à Matisse », la toile de Dalí « La pêche au thon », qu’il avait découverte dans son enfance.

Vernissage de l'exposition « De Cézanne à Matisse », Aix, 10 juin 2013

Citations

Nabe sur Dalí

  • « L’autre fois, je revoyais L’Âge d’or, qui est le film de Buñuel où il y a la plus forte marque de Dalí. Dalí, c’est en même temps les tableaux de Dalí et l’écriture de Dalí, il a réussi à créer une planète dalinienne où on peut même plus discerner la peinture de l’écriture, du cinéma, c’est Dalí. Ce qui est le plus important chez un artiste, avant d’être un “grand quelque chose”, grand peintre, ou grand écrivain ou grand musicien, c’est d’être vraiment soi. » (« Nuit Nougaro », France Culture, octobre 1989)
  • « Dalí ne disait presque jamais de conneries. Quand il affirmait qu’il était un génie, tout le monde se foutait de sa gueule, mais quand il disait en même temps qu’il était un mauvais peintre, personne ne le croyait ! Pourtant, c’était la vérité ! La petite bourgeoisie des amateurs d’art est si bête qu’elle ne peut pas concevoir un génie authentique qui soit un artiste médiocre. Lucide sur lui-même, Salvador avait toujours raison. Il avait suffisamment compris Vélasquez et Vermeer pour savoir que sa peinture d’imitation classique (mais aussi maladroite dans son fantasme antimoderniste que celle de Chirico) ne tenait pas le coup picturalement. À part l’année 33 — indiscutablement sa meilleure époque (je les ai bien regardées) —, les toiles de Dalí sont très mauvaises. La technique fait illusion, mais on est sans arrêt dans le “bien peint”, les glacés et les léchés. Dalí admirait — comme Picasso — la technique de Juan Gris, l’Espagnol n°1, et savait donc que la sienne était rudimentaire dans sa “perfection” pompière. En deux touches, Gris écrasait tout le monde sans faire du sous-Raphaël, et quelles compositions ! Autant Dalí voyait ce qu’il y a de surestimé chez Cézanne (“ce peintre qui toute sa vie a cru prendre des pommes concaves et qui a peint des pommes convexes”), autant il savait que ses fameux cinquante secrets pour peindre (j’ai lu et relu ce livre dès 1977) ne servaient à rien quand on n’est pas doué. Car Dalí n’était pas doué, ni en dessin, ni en peinture. En revanche, quelle génialité permanente dans l’automanipulation des fantasmes et des clichés ! Imagier de génie qui sait parfaitement ce qu’il a fait, Dalí n’a cassé d’inventer des mythes d’une intelligence d’échos extraordinaires. Je ne parle même pas de sa puissance de show-man ! La mythification de L’Angélus de Millet, par exemple, au vingtième siècle, ce n’est pas rien. Transformer ces deux paysans peints par un “calendriériste” en moment mystique hallucinatoire qui les fait se retrouver en ruines monumentales au crépuscule (Réminiscence archéologique de l’Angélus de Millet) ou bien en saints “couvant” un piano à queue ou un christ perpignanesque ou encore un couple de galets géants mous et troués comme dans l’extraordinaire Angélus architectonique de Millet et bien sûr dans toute la série des illustrations des Chants de Maldoror (milletiser Lautréamont béquilles à l’appui), quelles trouvailles ! » (Kamikaze, 2000, p. 3061-3062)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, pp. 3059-3060.
  2. Marc-Édouard Nabe, « Le coup de grâce », « 10 ans pour rien ? » Les années 1980, Éditions du Rocher, 1990, pp. 111-112.