Luigi Pirandello

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Luigi Pirandello, 1932

Luigi Pirandello est un écrivain et dramaturge italien né le 28 juin 1867 à Girgenti (Italie) et mort le 10 décembre 1936 à Rome (Italie)

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Grand amateur de Pirandello, le père de Marc-Édouard Nabe écoutait avec son fils, très jeune, des pièces du dramaturge italien retransmises à la radio.

Dans son journal intime, Marc-Édouard Nabe décrit les pièces de Pirandello mises en scène au théâtre :

« Samedi 21 décembre 1985. — [...] J’irai me remettre au théâtre des Mathurins, en voyant la dernière d’On ne sait comment de Pirandello, mise en scène de Jean Bollery. Qu’est—ce que c’est que cette fringale de théâtre qui me prend en ce moment ?
Petite salle inconfortable, spectacle de deux heures. Décor trop sobre, cinq acteurs (deux mecs, deux filles plus le fameux Bollery). Je ne crois pas que ce soit très bon mais Bollery en Roméo Daddi, le fou raisonneur, et sa femme, la pas mal quoiqu’un peu épaisse Catherine Laborde, sont les meilleurs du groupe. Pas un accroc. Et quelle pièce ! Une de ses dernières (1934).
Roméo Daddi et Ginevra Vanzi ont fait l’amour une fois, sans s’en rendre compte. Sont-ils coupables ? C’est arrivé “on ne sait comment”. Pour effacer ce “mauvais rêve”, il pousse sa femme Bice à rêver devant lui qu’elle se donne à Giorgio Vanzi son ami. Il veut réveiller la réalité de ce qui n’existe pas jusqu’à ce que le rêve éveillé endorme à tout jamais le moment réel dont le souvenir le fait souffrir au-delà du supportable !
Pour peu qu’elle prenne appui sur de l’innocence malade, la culpabilité est inéluctable. Dans On ne sait comment, Pirandello construit une Tour de Pise morale. Depuis la base elle est tordue. En s’érigeant, elle ne peut pas se redresser, elle restera à jamais penchée. J’ai rarement vu plus violent et plus morbide dans l’effacement d’un fantasme. Je me croyais fort là-dedans (et je l’ai prouvé), mais cette pièce — que je n’avais pas encore lue — donne une belle leçon aux pirandelliens de ma sorte. Quelque soit la capacité des transgressions de nos épouvantables auto-tabous, Pirandello va toujours plus loin. Il est en avance sur ses lecteurs les plus cruellement assidus !
Le comte Roméo Daddi ne pouvait que se suicider, par personne interposée. Il est trop “irresponsable” pour le faire lui-même. Il choisit d’entrer enfin par la grande porte du crime, le sien ! La délivrance de son propre absolutisme absurde, il la trouve dans la mort. Là au moins, il n’y a plus de fantasme, il n’y a plus de sexe ! Sa grande tirade sur la mort du petit paysan, le chien Fox et le lézard à la fin de l’acte I dépasse même la nouvelle symbolique encastrée dans le théâtre. Il s’agit d’un décrochage effrayant de “l’inconscience” (et non de l’inconscient) comme dirait le Sicilien. Le rêve d’un crime est plus difficile à ensevelir que le crime lui-même.
La fin est sublimissime. Roméo et Ginevra ont accompli en réel ce que cet ineffaceur de Roméo a rêvé que Giorgio et Bice accomplissent. Il veut mourir pour cette trahison suprême. Pour montrer que ce n’est pas plus grave de faire les choses que de les penser, ce parano donne sa vie. “Je ne suis pas fou. Nous sommes innocent.” dit-il avant de s’écrouler. Quelle splendeur !
Je me demande comment Pirandello n’en est pas crevé de ces casse-tête horribles qui devaient le désarçonner de sa propre “humanité”. Quelle force il faut pour, sans christianisme particulier et sans freudisme tyrannique, travailler sur les petits riens du désir pur !
Ça rend ce soir les acteurs (mêmes médiocres) très tendus, nerveusement éprouvés par les jalousies névrotiques de leurs personnages en quête de fausse vérité. Car voici la perversion pirandellienne numéro 1 : cette volonté qu’ont ses héros d’aller fouiller ce qu’ils croient être le mensonge et d’en extraire une “vérité” qui les écœurera, fabriquée sur mesure pour leur pauvre âme en mal de laideur humaine. Je retrouve bien tout ça dans mes dernières douleurs de fils et de mari...[1] »

Lors de son voyage en Sicile, en 2010, Nabe se rendra à Agrigente dans la maison natale du dramaturge italien, où se trouve également sa tombe. Comme à Rome en 2008 où il retrouvera le bureau de Pirandello et même sa machine à écrire.

Nabe chez Pirandello, Rome, 2008

Dans Zigzags, publié en 1986 par Bernard Barrault, Nabe publie un texte sur Pirandello, « Pirandello cahin-caha »[2]

Citations

Nabe sur Pirandello

  • « Pirandello est le Mallarmé du théâtre : même complexité métaphysique, même effacement, même façon de faire la révolution. Les problèmes causés par la philosophie grandiosement creuse de Pirandello, sa vision très lointaine, sa lourdingue sicilianité, les replis innombrables et douloureux de sa pensée, font de lui une espèce de sournois démolisseur d’énergie, peut-être l’homme qui désespère le plus de tout ce qui n’est pas pirandellien, mais de tout ce qui l’est aussi : on sait que lui-même fut néfastement réduit par le pirandellisme, qu’il doit à ses propres systèmes l’annihilation des qualités de son œuvre. » (« Pirandello cahin-caha », Zigzags, Éditions Barrault, 1986).

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Tohu-Bohu, Éditions du Rocher, 1993, pp. 1397-1399.
  2. Marc-Édouard Nabe, « Pirandello cahin-caha », Zigzags, Éditions Barrault, 1986, pp. 67-70.