Jean-Edern Hallier

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Jean-Edern Hallier

Jean-Edern Hallier est un écrivain, journaliste et animateur de télévision français né le 1er mars 1936 à Saint-Germain-en-Laye et mort le 12 janvier 1997 à Deauville. Il fonde en 1969 L’Idiot international, qui disparaît en 1972, pour reparaître entre 1984 et 1994.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Jean-Edern Hallier et Marc-Édouard Nabe
Nabe et Jean-Edern (dormant) à Notre-Dame-de-Chartres (1989)

Dès le lendemain de l’émission d’Apostrophes du 15 février 1985, Hallier appelle Nabe (qui ne le connaissait pas) pour le féliciter pour cet « éblouissant suicide », avant de le rencontrer pour la première fois en avril 1985[1]. Les deux écrivains se rapprochent, mais leurs relations sont houleuses : en janvier 1988, Hallier, vexé que Nabe ne veuille pas l’inviter dans le public d’Apostrophes qui allait recevoir le jeune écrivain, critique négativement Le Bonheur, roman qu’il avait pourtant soutenu depuis le début de sa conception et jusque-là. Réconciliés au printemps 1989, à l’initiative d’Hallier, Marc-Édouard Nabe publie entre mai 1989 et février 1990 des textes chaque semaine dans L’Idiot international, illustrés par Gébé. Ils se refâcheront de 1990 à 1993, date du procès de Jean-Edern Hallier, où Nabe sera le seul ex-membre de L’Idiot à venir le soutenir contre Josyane Savigneau et Le Monde.

Fin novembre 1996, grâce à l’insistance de Frédéric Taddeï, Jean-Edern Hallier remet à Nabe le prix Paris Première pour le troisième tome de son journal intime, Inch’Allah. Trois jours après la mort de Hallier (1997), Paris Match publie un texte écrit par Nabe à chaud, juste après avoir vu son cadavre et intitulé « Je ne méprisais Jean-Edern Hallier que lorsqu’il ne se faisait pas assez haïr »[2]. Dans sa biographie de Jean-Edern Hallier, L’Idiot insaisissable, Jean-Claude Lamy puise abondamment dans les livres de Nabe, en particulier son journal intime, Kamikaze où l’aventure de L’Idiot, dans laquelle Nabe avait pris une place prépondérante, est racontée presque jour à jour...[3].

En janvier 1997, dans une émission posthume hommage diffusée sur Paris Première, Jean-Louis Remilleux lit un passage de Inch’Allah, troisième tome du journal intime de Marc-Édouard Nabe.

Citations

Hallier sur Nabe

  • « Vous n’êtes pas encore au point ! Votre livre ressemble à l’Amazonie après la pluie : plein de pépites dans la boue mais encore beaucoup trop de boue. Vous ne vous appuyez que sur votre narcissisme : vous n’êtes pas porté par un grand sujet, comme Céline. Vous comprenez ? Cela dit vous avez un grand tempérament d’écrivain. » (22 avril 1985, retranscrit dans Tohu-Bohu, 1993, p. 989)
  • « Écoute, Nabe, Zigzags est un livre merveilleux. Je vais essayer de le saluer, comme un grand frère, j’en ai marre de parler pour les rombières de Match. Où que ce soit, il faudra bien que j’écrive sur ce livre scandaleusement ignoré : c’est superbe ! Chacun mes goûts, à part quelques formules, c’est inutile, mais Zigzags ! Mon vieux ! Tu as beaucoup travaillé... Tu as beaucoup réfléchi tout seul ! Le directeur de L’Éventail a adoré ton portrait de Suarès. Il est très content de nous avoir parmi nous. Tu es un pur-sang vraiment extraordinaire ! C’est la première fois que je vois un écrivain plus jeune que moi qui me talonne de si près : je ne peux pas te faire un plus beau compliment ! » (18 mars 1986, retranscrit dans Tohu-Bohu, 1993, p. 1511)
  • « Tu ne devais pas publier d’œuvre secondaire... » (2 juin 1986, à propos de L’Âme de Billie Holiday, retranscrit dans Tohu-Bohu, 1993, p. 1624)
  • « Tu es plus artiste que moi. J’ai une intelligence plus conceptuelle, mais tu es plus artiste. Tu as une technique gracieuse de la forme spontanée. Une immédiateté parfaite. Comme Mozart, c’est le même genre de profondeur, tu es un Mozart blessé et un Mozart blessant... le Mozart de la haine ! » (17 juin 1986, Inch’Allah, 1996, p. 1659)

Nabe sur Hallier

  • « Lundi 16 juin 1986. — C’est presque anormal que je trouve bon le Manuscrit d’Édern. En étudiant de plus près ces pages si satisfaisantes, je me mets enfin la puce à ma propre oreille. Si ça me plaît tant, c’est que je dois y être pour quelque chose ! Édern est très fort : c’est un vampire doué ! Il m’avoue avoir lu le Régal et Zigzags durant toute la rédaction de son livre. Il a d’abord dû lister tous les thèmes du Régal (femmes, mort, Israël, publicité, écrivains, Dieu...) et les a passés dans sa moulinette. Ensuite il a décortiqué quelques pirouettes comme ce que j’appelle les “poncifs valises” (exemple : “Ça lui fait une belle jambe à son cou”) ou bien a systématisé des rythmiques d’énumération qu’on n’avait jamais vues avant dans ses livres. Ça nous donne un air de famille. Qui le verra ? La preuve de ces subtils emprunts stylistiques, il la laisse éclater page 156 où, sans aucun scrupule, il me vole carrément une phrase : “C’est en zigzags que l’Alcoolique de la Joie regagne son néant.” “Néant” à la place de “domicile” et le tour est joué. René, son relecteur jazzfan, qui n’est pas pour rien non plus dans le progrès palpable de la littérature d’Hallier, ni dans les allusions jazzistiques (“Monk”, “swing”, etc.) dont il n’a pas pu s’empêcher de garnir certains passages, me l’a dit hier : “Fais gaffe, il pique !” Je trouve ça plutôt touchant. Comme Coleman Hawkins, l’ancêtre ténor qui, en vieillissant, se mettait à la page de ses cadets. J’ai spéculé sur la paresse de mes lecteurs draculéens. Je pourrais induire Édern en erreur et l’amener à retransformer ses réussites dans le sens du mauvais goût qui lui est si naturel, mais ma perfidie n’a pas de limite, je ne peux donc pas m’en servir ! » (Inch’Allah, 1996, p. 1657)
  • « Je n’ai jamais beaucoup cru à la mort. Encore moins à celle de Jean-Edern Hallier. Il n’était pas du genre à mourir, son truc, c’était plutôt d’empêcher les autres de vivre ! Fini. Plus personne ne me hantera dès l’aube au téléphone pour que je vienne dare-dare soutenir une de ses causes merveilleusement douteuses, ou bien pour m’enguirlander de compliments menaçants...
Pour y croire, il faut voir le corps. Mon premier mort ! Je n’en avais jamais vu en vrai. La chapelle ardente est dans l’atelier de peinture. Omar, Laurent, Alexandre et les autres s’affairent à ne pas pleurer. Je m’approche. Jean-Edern est allongé, en chemise, sur un lit plein de lys. Il a sa fameuse écharpe blanche autour du cou. Son buste semble respirer encore. Il paraît tout petit. Quelle énorme tête ! Maquillée à l’excès, la peau est presque plâtrée d’une beige poussière comme s’il avait déjà été embaumé. Est-ce la morgue de Trouville qui l’a fardé ainsi ? Même dans les derniers temps où la conquetterie fait exagérée le “grévinisait” déjà, il n’avait pas atteint ce degré d’artifice. Ce n’est pas aujourd’hui que le vrai Jean-Edern vous sera révélé. D’ailleurs, il n’y a jamais eu de “vrai” Hallier. C’était sa force. » (« Ouf ! », Paris Match, 15 janvier 1997, repris dans Oui, 1998) 

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Tohu-Bohu, Éditions du Rocher, 1993, pp. 989-991.
  2. Marc-Édouard Nabe, « Je ne méprisais Jean-Edern Hallier que lorsqu’il ne se faisait pas assez haïr », Paris Match, 15 janvier 1997 ; repris sous le titre « Ouf ! » dans Marc-Édouard Nabe, Oui, Éditions du Rocher, 1998, p. 288-292
  3. Jean-Claude Lamy, L’Idiot insaisissable, Paris : Albin Michel, 2017, p. 176, p. 242, pp. 370-374, p. 396, pp. 405-406, p. 459, p. 523.