Jean-Jacques Pauvert

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Jean-Jacques Pauvert

Jean-Albert Pauvert, dit Jean-Jacques Pauvert, est un éditeur né le 8 avril 1926 à Paris et mort le 27 septembre 2014 à Toulon.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Jean-Jacques Pauvert, alerté par Siné, et après avoir vu une pochette des dessins de Nabe (15 ans), fut un des premiers à l’encourager à continuer dans le dessin d’humour, avant même les premières publications du jeune dessinateur dans Hara-Kiri en 1974 (anecdote racontée chez Frédéric Taddeï quarante ans plus tard).

Pauvert, éditeur du marquis de Sade, de Roussel, de Rebatet, d’Élie Faure, de la revue Bizarre, de L’Enragé et de tous les dessinateurs qui comptaient dans les années 1960 (ce qui en faisait l’éditeur le plus admiré par Nabe depuis sa jeunesse), devait figurer logiquement parmi ceux approchés par Nabe au début des années 1980 lorsqu’il cherchait à publier son premier livre. Mais la tentative de lui proposer en 1984 le manuscrit d’Au régal des vermines fut soldée par un échec à cause d’un accrochage avec la secrétaire même de Pauvert (dont Nabe ignorait qu’elle était sa maîtresse). Dans son journal intime, Nabe’s Dream, Nabe retranscrit la lettre qu’il envoie à Pauvert[1] ainsi que la réponse sèche et méprisante de l’éditeur[2]. Après ce contact difficile, la réconciliation a lieu en janvier 1987 pendant l’émission de Michel Polac, Droit de réponse, comme Nabe le raconte dans un autre tome du journal intime, Tohu-Bohu.

Le 17 septembre 1991, Pauvert est invité, avec Anne Wiazemsky, au cocktail de lancement de Nabe’s Dream (premier tome du journal intime), celui-là même où Yann Moix s’était infiltré et où Dominique Noguez a rencontré Michel Houellebecq, comme il le raconte au début de son livre Houellebecq, en fait (Fayard). Pauvert et Wiazemsky se sont d’ailleurs relayés, comme tous les autres invités, pour garder Alexandre, dont c’était le premier anniversaire, dans une chambre de la maison de Monique Contencin, chez qui le cocktail était organisé.

Pauvert était également proche de l’éditeur de Nabe, Jean-Paul Bertrand, ne s’y trompant pas pour repérer les véritables éditeurs. En 1997, Pauvert félicitera Nabe d’avoir fait publier aux Éditions du Rocher le Théâtre de Henry Bernstein.

En 2010, Nabe écrira lors de son séjour au Grand Hotel Et Des Palmes de Palerme (Sicile), où Raymond Roussel s’était suicidé en 1933, une lettre à Jean-Jacques Pauvert, sur la configuration des lieux, mais déjà malade, l’éditeur ne répondra pas.

À noter : Pauvert, avec Jacques Vergès et Marc-Édouard Nabe, sera l’un des trois amis les plus chers de Siné qui auront été écartés par sa femme, Catherine pendant plus de vingt ans, pour des raisons finalement convergentes (soupçon d’avoir viré « à droite »), comme Vergès le racontera à Nabe, en le déplorant à son tour dans Les Porcs (2017) :

« Tu sais, moi ça fait vingt ans que j’ai pas vu Bob à cause de Catherine ! Anouk, c’était quand même autre chose... » (Jacques Mansour Vergès à Marc-Édouard Nabe, dans Les Porcs[3])

Citations

Pauvert sur Nabe

  • « Monsieur,
Si je vous ai encouragé il y a quelques années (je ne m’en souviens pas), j’ai eu tort. Votre lettre montre en effet que vous êtes un de ces emmerdeurs grossiers et mégalomanes que je fuis par-dessus tout. Je n’ai donc nulle envie de vous rencontrer, et mes “instructions précises” sont d’éviter définitivement la rue Bénard. » (Lettre de J.-J. Pauvert en date du 17 mai 1984, adressée à Nabe, reprise dans Nabe’s Dream, 1991, p. 444)

Nabe sur Pauvert

  • « Pauvert semble avoir apprécié mon éloge sincère de sa carrière complète. Il me serre la main sans allusion à notre ancien accrochage. Je ne suis pas comme lui, moi ! Pauvert peut m’écrire toutes les lettres désagréables qu’il voudra, je ne cesserai pas pour autant de dire et bien haut, que son parcours est irréprochable ! Oui ! De L’Enragé au Magazine Hebdo ! Pauvert reste un très grand éditeur au goût parfait (quel catalogue !) et “politiquement” cohérent, vu la droitisation de la gauche. » (Inch’Allah, 1996, p. 2005)
  • « Une des choses qui m’avaient le plus touché, c’est que j’ai reçu un coup de téléphone de Jean-Jacques Pauvert, qui avait été le grand éditeur des dessins de la revue Bizarre et qui avait été l’éditeur de Ylipe, de Siné aussi et de Topor. Il m’avait appelé, il avait ce jeune garçon de seize ans pour l’encourager “vas-y, encore plus”, il me vouvoyait au téléphone, “allez-y, encore plus, encore plus”, il en voulait encore plus justement peut-être il sentait que j’allais essayer de faire éclater toutes les figurations du corps qui étaient prises trop au sérieux. » (Europe 1 Social Club, Europe 1, 16 décembre 2014)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Cher Monsieur,
    Ça fait bien cinq ans que je cherche à vous revoir. Vous avez à l’entrée de votre paradis la cerbère la plus ignoble de toutes les secrétaires : une vraie digue de méchanceté, d’incorrection et d’abus de pouvoir. Une tête à claques qui n’admet pas que c’est J.-J. Pauvert que je souhaite rencontrer et non sa vieille trogne dégueulasse de mégère indiscrète. Déjà, chez Ramsay, elle a eu soin de ne pas vous remettre un manuscrit et m’a empêché inexplicablement de vous apercevoir dans une embrasure. Ce que j’ai à vous dire semble l’intéresser au plus haut point : cette saloperie de duègne infecte, dont je ne saurais trop vous conseiller de vous débarrasser le plus tôt possible, a dans la voix des monceaux de flics ruisselants de vermine : une vraie P.F.A.T. hystérique prête à tout intercepter. C’est en fait la seule larbine de Paris que j’ai vue bloquer de si maniaque façon la collusion de deux êtres qui ont tant à se dire.
    Car nous devons nous parler ! Et depuis longtemps ! Lorsque vous aviez téléphoné personnellement au puceau de 15 ans que j’étais pour l’encourager sur des dessins humoristiques dont Siné vous avait parlé, il m’aurait été difficile — touché par cette gentillesse — d’imaginer que dix ans plus tard vous prendriez la forme d’une véritable forteresse ou d’un bébé d’archimilliardaire gardé, armes aux poings, par sa gouvernante, sorcière épouvantable d’un conte de fées du plus mauvais goût ! Si je raconte ça à Bob, ça le fera marrer. Moi un peu moins, parce que vous êtes bien le seul qui puissiez lire mon livre intolérable dont tous les autres épiciers ont peur. Et si vous êtes intouchable, alors mon horizon sera bien raccourci. Car j’ai enfin sorti de moi, après bien des chirurgies, un parpaing d’une violence et d’un danger inouïs. Quand je le présente, les maisons d’édition se transforment instantanément en langes inapprochables. Pas un roman, pas un essai, pas une marmelade de langage. Le monde, comme ça : à la broche. Trop méchant. Trop de jazz. Trop d’éloges de Sade, Rebatet, Roussel, Powys, trop d’énormités sur notre époque pourtant si haïssable. Bref, trop beau pour être malhonnête…
    Pour me souvenir encore du temps où vous n’étiez pas un fantôme, il me serait très nécessaire de pouvoir vous coincer dix minutes (je ne serai pas armé !) et vous remettre en mains propres mon petit bijou de sanglier. Vous me téléphoneriez quelques jours plus tard et vous me diriez ce que vous en pensez… Mais peut-être rêvé-je... Suis-je encore bien candide pour croire à ces rudiments de civilisation ?...
    J’attends vos « instructions précises » comme dit Madame votre Kapo.
    Marc-Edouard Nabe
  2. Marc-Édouard Nabe, Nabe’s Dream, Éditions du Rocher, 1991, pp. 417-418 et pp. 442-444.
  3. Marc-Édouard Nabe, Chapitre CCXXI « Obama Day », Les Porcs tome 1, anti-édité, 2017, p. 687.