Marc Weitzmann

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Marc Weitzmann, 2018

Marc Weitzmann est un journaliste, critique et chroniqueur (télé, radio) né le 5 février 1959 à Paris.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Marc-Édouard Nabe rencontre Marc Weitzmann en 1984 au moment où chacun publie des textes dans la revue Vertiges des lettres d’Eugène Simion. Ils se retrouvent en mai 1988, à la rédaction de la revue 7 à Paris :

« Lundi 30 mai 1988. – Après un petit saut chez Simion pour lui apporter les numéros de Vertiges des lettres qu’il m’a demandés (il a tout perdu dans la débâcle), je vais voir les gens de 7 à Paris chez Filipacchi. Je suis accueilli très admirativement par une petite fille intimidée (Sophie Chérer) qui me dit qu’il n’y a que moi de lisible aujourd’hui, et qui sache s’exprimer à la télé. Un autre type arrive : tout petit aussi (comme Bonnand), rouquinet au sourire très doux... C’est Marc Weitzmann. Je me disais bien que je le connaissais. C’est lui dont m’a reparlé Simion. C’est vrai, on se connaissait du temps de Vertiges des lettres. Il s’y occupait de Noam Chomsky. 1984 ! Weitzmann me demande donc si ça m’intéresserait d’écrire cette chronique toutes les semaines. Je pourrais dire ce que je veux et ne serais même pas obligé de parler de l’actualité. Je réponds qu’il n’est pas question que je fasse de la critique littéraire et que je ne parlerai pas de mes confrères, je veux bien écrire seulement sur les morts ! Puisqu’il n’y a que moi de vivant ! C’est eux qui viennent de me le dire ! Il y a suffisamment de livres qui paraissent sur les grands du passé (Genet, Bernstein, Pirandello, Gadda en ce moment) pour que je ne manque pas de sujet...
— Tout à fait, s’enthousiasme Chérer... Vous pouvez même parler de Suarès, si ça vous chante !... Demain vous me donnez la liste des livres que vous voulez recevoir et vous commencerez votre texte, O.K. ?
Un troisième type se ramène.
— Il n’y a aucun problème du moment que c’est drôle...
— Pas forcément drôle, précise Weitzmann... Mais violent, ça oui ! Vous pouvez y aller ! On veut du “Billet doux”[1] »

Finalement, la collaboration fait long feu : après avoir envisagé à payer 10 000 francs par chronique, puis de réduire le montant à 5 000 francs, Weitzmann se ravise encore et ne propose plus que 800 francs, ce que Nabe refuse.

Durant le premier semestre de 1993, Nabe, qui publie des textes dans L’Autre Journal (sur Malcolm X, Lucette Destouches, Jean Barraqué, Rainer Werner Fassbinder et « Le mou-salaud », tous repris dans Oui et Non en 1998), revue dirigée par Alain Kruger et coordonnée par Marc Weitzmann.

En 2002, Weitzmann, étant chroniqueur de l’émission Campus de Guillaume Durand, se retrouve une nouvelle fois aux côtés de Nabe, invité par Durand, à l’occasion de la sortie d’Alain Zannini. Après l’interview par Durand, Nabe et Weitzmann croisent le fer sur un débat sur l’Irak avec Malek Chebel et Odon Vallet[2].

En 2010, Nabe intègre Weitzmann dans son roman L’Homme qui arrêta d’écrire, dans une scène imaginée de cocktail littéraire au Train Bleu.

Le 2 mai 2011, Weitzmann et Nabe sont invités par Frédéric Taddeï à évoquer la mort d’Oussama Ben Laden dans son émission Ce soir (ou jamais !). Les positions pro-américaines exprimées par Weitzmann sont interrompues par Nabe venu expliquer le parcours politique de Ben Laden :

Marc Weitzmann : [...] les personnalités comme Ben Laden ont cette particularité d’être à la fois très très médiocres humainement, il y a d’autres exemples comme Hitler ou d’autres.
Marc-Édouard Nabe : Bah voyons… C’est toi qui dis ça ?
M. W. : Et par ailleurs, d’entretenir une certaine mythologie messianique, particulièrement dans les conditions de leur mort. Dans la mesure où on ne peut pas reconstituer exactement la manière dont elles sont mortes, d’une manière un peu christique, il y a un certain nombre de gens qui vont continuer à dire « il n’est pas vraiment mort, son esprit existe toujours, la terreur existe toujours ».
M.-É. N. : N’importe quoi, arrête, Marc !
Frédéric Taddeï : Laissez-le finir…
[...]
M. W. : Pour revenir une seconde sur le planète Terre, il y a d’une part un certain nombre de choses qu’on ne saura pas avant un certain nombre de jours..
M.-É. N. : Adam a parlé !
M. W. : Si je peux parler deux minutes, parce que je commence à en avoir marre !
F. T. : Marc-Édouard Nabe, laissez-le parler.
M.-É. N. : Petit Weitzmann que je connais depuis 1983 qui me menace ? Moi ?
F. T. : Marc-Édouard Nabe…
M.-É. N. : Petit Weitzmann !
M. W. : Il y a un certain nombre de choses qu’on ne saura pas tout de suite, qu’on saura dans les jours, dans les semaines qui viendront.
M.-É. N. : On est impatients ! Monsieur et moi, on est impatients !
M. W. : Se livrer à des conjonctures sur ce qu’on ne sait pas au bout d’à peine 24 heures de l’événement, ça me semble un peu léger. Il y a certainement eu des erreurs de faites, il y a aussi des limites à l’action. Il y a toujours des limites à l’action. On fait avec ce qu’on a quand on est dans la situation. Après, certainement, personne n’avait forcément intérêt à voir un procès de Ben Laden vivant aux États-Unis. Ça, c’est certain.
M.-É. N. : Ah oui ? Qui, personne ?
F. T. : De même qu’on comprend très bien qu’ils ne voulaient pas qu’il y ait une tombe quelque part de Ben Laden.
M.-É. N. : Ça, c’est une mauvaise raison.
F. T. : Laissez finir Marc Weitzmann.
M.-É. N. : Il n’y a pas besoin de tombe pour se recueillir.
M. W. : De là à développer des théories conspirationnito-christiques sur Ben Laden, c’est inévitable, mais elles ne sont d’aucun poids et on ne devrait même pas en tenir compte.
M.-É. N. : Elles vont avoir beaucoup de poids, malheureusement !
M. W. : On ne devrait même pas en tenir compte autour de cette table. Puisque Marc-Édouard Nabe est un écrivain, j’en profite pour dire que je trouve pitoyable que la littérature française se perde dans ce délire.
M.-É. N. : Mais oui, mon petit chéri ! C’est toi la littérature française et c’est toi qui n’es pas pitoyable ni médiocre, on le sait !
F. T. : Marc-Édouard Nabe ![3]

Le 17 novembre 2011, sept mois et demi après cette altercation publique, Weitzmann publie un article d’une pleine page dans le supplément « Livres » du quotidien Le Monde où il attaque Nabe et son roman anti-édité sur l’affaire DSK, L’Enculé[4]. Dans son texte, Weitzmann assimile le narrateur du roman, à savoir le personnage de Dominique Strauss-Kahn, à Nabe, auteur du livre, pour imputer à ce dernier les propos « antisémites » du DSK de fiction de Nabe. Le journaliste s’en prend également aux critiques positifs du livre (Patrick Besson, Éric Naulleau) et vise en particulier l’éditeur Léo Scheer qui est cité à plusieurs reprises.

En septembre 2019, en pleine affaire Moix (dans laquelle il prend ouvertement parti pour l’accusé d’antisémitisme et de révisionnisme), Weitzmann reçoit l’auteur d’Ushoahia dans son émission dominicale sur France Culture, avant de publier dans la foulée, et toujours pour l’absoudre, une tribune dans Le Monde où il mentionne négativement Marc-Édouard Nabe[5].

Enfin, début janvier 2020, au cœur de l’affaire Matzneff, Weitzmann publie dans Le Monde un article où il fait allusion à Nabe, alors que ce dernier n’a aucun rapport avec la polémique ni s’est exprimé au sujet de Matzneff[6]

Citations

Weitzmann sur Nabe

  • « Le nouveau livre de Marc-Edouard Nabe, inspiré de “l’affaire DSK”, est un pamphlet obscène et antisémite. Des figures influentes du Paris littéraire l’accueillent avec complaisance. En dépit ou plutôt à cause d’une réputation sulfureuse, l’écrivain Marc-Édouard Nabe a toujours bénéficié d’un certain nombre de fans, et non des moindres, dans le milieu éclairé des littérateurs. S’être fait taper dessus en 1985 par le journaliste Georges-Marc Benamou, à la suite d’un passage à l’émission Apostrophes, pour son premier livre taxé d’antisémitisme, constituait, semble-t-il, une sorte d’adoubement. On l’a dit “mauvais garçon” (Éric Naulleau), “non consensuel” (Patrick Besson), et, depuis son renvoi des Éditions du Rocher (suite au rachat de la maison), le fait qu’il s’autoédite sur Internet et s’autodistribue dans divers magasins et bars parisiens lui confère une sorte d’aura culte de marginal maudit. Qu’il ait fait l’éloge de Ben Laden n’est pas mal non plus. Les écrivains polis de Saint-Germain-des-Prés aiment bien, de temps à autre, s’encanailler avec ce que Nabe appelait dans son premier livre, non sans lucidité d’ailleurs, ses “recueils de frissons”. En 2010, il a même failli recevoir le prestigieux prix Renaudot pour L’Homme qui arrêta d’écrire. [...] En littérature, la censure est toujours mauvaise, et tout écrivain a droit à l’abjection - cette abjection dût-elle confiner, comme c’est le cas ici, à la bêtise la plus foireuse, à la médiocrité littéraire la plus crasse, à la perversion la plus ordinairement suicidaire. (...) Mais faut-il pour autant, sous prétexte de lutte contre le “politiquement correct”, en faire l’éloge ? Il n’est pas anodin qu’un hebdomadaire comme Le Point le soutienne, qu’un éditeur branché comme Léo Scheer puisse comparer L’Enculé à Madame Bovary, que le site Internet Slate.fr parle d’un livre “souvent désopilant” ou que Bibliobs confie “s’amuser terriblement”. Tous s’alignant ainsi sur Dieudonné, qui, sans surprise, fait l’éloge du livre et exhibe la chaleureuse dédicace de l’auteur sur son site : “Pour Dieudonné, toujours génial...” » (« Les bienveillants », Le Monde des Livres, 17 novembre 2011)

Nabe sur Weitzmann

  • « Tiens, voici Marc Weizman. Lui aussi travaillait aux Inrocks, en même temps que Viviand, comme deux frères ennemis, tout petit, tout hargneux également, mais se ressemblant trop ils ne pouvaient se voir l’un l’autre. Weizman aussi a porté le chapeau au temps où il était de gauche. Maintenant qu’il a viré à droite, il a préféré le manger. Longtemps, il a caché qu’il avait des ambitions d’“écrivain” plus importantes que celles de Viviand. Je l’ai connu filant doux sous les ordres des rédacteurs en chef, là, il fait le soucieux de son œuvre, l’artiste plus ou moins incompris. Il n’y a pas que Weizman dans ce cas-là. Souvent, j’ai constaté qu’un simple journaliste pas du tout doué, éloigné de milliers d’années-lumière de toute forme d’écriture vraie, nourrissait, en secret, le fantasme d’écrire au vrai sens du terme. Une fois que la société des lettres, pour le remercier de ses services rendus, fait semblant de lui donner ce statut, il fait lui-même semblant de croire qu’il a toujours été fait pour ça. » (L’Homme qui arrêta d’écrire, 2010, pp. 262-263)
  • « Je parlais de Weitzmann... Justement, on le rencontra, avec Patrick Besson, le lendemain, au Flore ! Il était chargé d’un gros sac. “Y a une bombe dedans ?” lui demandai-je. Il sourit en grinçant, et nous regarda avec un mépris mal contenu dans ses grands yeux bleus. Il nous dit qu’il aurait voté Dominique Strauss-Kahn si c’était lui que la gauche avait retenu. Il s’assit avec nous. Patrick et moi, on ne se gêna pas pour le chambrer. Et à la fin, c’est moi qui payai la note, devant un Besson qui avait déjà mis la main à la poche et que j’arrêtai à temps :
— Je ne te laisserai pas payer le verre d’un sioniste ! » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 462)
  • « C’était un midi, rue Marbeuf, au 38... Taddeï m’avait emmené pour qu’on y voie ensemble le film de Barbet Schroeder sur Vergès. Projection pour journalistes... Il y avait Rachel Kahn, qui me fit la bise. Et qui arriva aussi ? Marc Weitzmann ! Encore ! Je l’apostrophai...
— Ah, ça l’intéresse, le sarkozyste !
Marc fit la grimace. Il n’aimait pas trop que je le sardonise ainsi, en public, mais en même temps il aimait bien. Sacré maso. Il nous rejoignit près de notre rangée, Frédéric et moi, mais se dit trop myope pour rester au fond avec nous et alla se placer devant pour en prendre plein la gueule. [...] En sortant, je reparlai avec Weitzmann, plus affectueux que jamais. C’est tout juste s’il ne me tenait pas la main en descendant les Champs-Élysées ! Je lui confirmai que le film de Schroeder sur Vergès était tout à fait à la décharge du salaud (tu parles !) lumineux. Ça crevait les yeux !...
— Tu as peut-être raison, me dit Marc, en virant à droite... » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 462/465)
  • « Weitzmann a toujours voulu se faire passer pour un érudit en littérature classique alors qu’il n’y connaît rien. Seule la haine l’intéresse, celle qu’il ressent pour tout ce qui sort de l’ordinaire, dans le monde de la littérature comme dans celui de la réalité. Dans sa grosse tête, c’est la grande confusion : en bon terrorisé, il hait tout ce qui le terrorise et d’abord, et évidemment, les terroristes. Finalement, qu’ils soient islamistes n’est qu’un détail dans l’histoire de l’effroi que Marc Weitzmann ressent vis-à-vis de ce monde. » (« J’accule... ! », Nabe’s News n°25, 11 mai 2020)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, pp. 2673-2674.
  2. Campus, France 2, 17 octobre 2002.
  3. Extrait retranscrit de l’émission Ce soir (ou jamais !), France 3, 2 mai 2011, qui sera certainement reprise dans Coups d’épée dans l’eau 3...
  4. Marc Weitzmann, « Les bienveillants », Le Monde des livres, 17 novembre 2011, p. 7.
  5. Marc Weitzmann, « Pour qui s’intéresse au fond rance de ce pays, l’affaire Moix est passionnante », Le Monde, 3 septembre 2019, p. 26, lire : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/01/marc-weitzmann-pour-qui-s-interesse-au-fond-rance-de-ce-pays-l-affaire-moix-est-passionnante_5505163_3232.html :
    « Il y a son admiration pour l'écrivain Marc-Édouard Nabe déjà notoirement antisémite, contrairement à ce qu'il affirme , et qui l'invite à une fête où Moix-Rastignac croise, éberlué, une bonne partie du Paris des lettres et des médias. »
  6. Marc Weitzmann, « Obsédés par leur narcissisme masculin, ni Matzneff ni le milieu littéraire n’ont été capables de voir la transgression dont ils se réclamaient », Le Monde, 9 janvier 2020, lire : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/08/marc-weitzmann-qui-fait-le-jeu-de-la-vague-de-discredit-populiste-frappant-les-ecrivains-aujourd-hui-sinon-eux-memes_6025112_3232.html :
    « C'est dans ces années 1990 puis 2000 que va se former dans le milieu littéraire un petit monde presque exclusivement masculin en quête de transgression. On y arbore des positions antiglobalistes “de gauche”, tout en affichant une attitude aristocrate, on célèbre “la décadence” en lisant les classiques et l'on encense les écrivains prétendument “sulfureux” tels Marc-Edouard Nabe et Matzneff, le séducteur de vierges. »