Chacun mes goûts

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Couverture de Chacun mes goûts, 1986

Chacun mes goûts est un recueil d’aphorismes de Marc-Édouard Nabe publié aux éditions du Dilettante en 1986. La couverture est un assemblage de photos prises par Dominique Charnay.

Résumé

Les aphorismes de Nabe choisis par l’équipe du Dilettante (Dominique Gaultier, Olivier Rubinstein, José Benhamou principalement) ne sont pas tous courts. Certains sont de véritables petits morceaux de prose poétique sur différents sujets (la poésie, la peinture, le sexe) ou des détournements de phrases d’autres écrivains comme le faisait Isidore Ducasse.

Encore une fois, Nabe ne cultive pas le sens de la formule mais celui de l’écriture. La disposition des aphorismes sans blancs entre eux, mais collés par alinéas avec, à chaque fois, une lettrine en début de phrase, donne tout le cachet de ce minuscule recueil tiré d’abord à 666 exemplaires. Le titre vient d’un des aphorismes prélevé par Olivier Rubinstein dans la masse du manuscrit proposé par Nabe au Dilettante.

Clin d’œil aux facéties dadaïstes, mais aussi coup de chapeau au look de son père, la couverture de Chacun mes goûts rappelle également, par la multitude des couvre-chefs portés par l’auteur, la volonté grinçante de casser l’image du jeune écrivain ayant fait un an auparavant scandale à Apostrophes.

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Incipit

J’ai une grande tendresse pour les lampes électriques et une profonde admiration pour les robinets qui ne coulent pas.
Voilà un début qui ne manque pas de piquant.
Je suis très décontracté.
L’aphorisme est le contraire du bon mot.
Il y a un suspense dans l’aphorisme. Comme un télégramme.
Quand on meurt, on ne fait jamais de roman : on prononce une maxime. Les agonisants savent mieux que quiconque se servir de la littérature. Le dernier soupir, c’est l’aphorisme de l’agonie.

[...]

Critique

Avis négatifs

Le 24 décembre 1986, dans Le Monde, Bernard Frank fait une courte allusion à Chacun mes goûts dans une longue chronique : « Marc-Édouard Nabe (Chacun mes goûts), qui sera un écrivain quand il cessera de prendre des poses devant un objectif qui ne le fixe pas »[1]

Avis positifs

« Il passe à la plaquette. “C’est un peu clown mais c'est bon, Karl Kraus était quelqu’un de bien aussi.” Il feuillette, lit quelques aphorismes à haute voix : “Mais c’est génial !” C’est toujours très spontanément que Hallier réagit : j’en ai connu de plus pincés que lui » (17 mars 1986, repris Tohu-Bohu, 1993, p. 1510)

« Qui a écrit : Je veux être le plus vexant des hommes ? Barbey d’Aurevilly ? Non. Marc-Édouard Nabe.
Qui a écrit : Qui n’a rien ne risque rien ? Cioran ? Non. Marc-Édouard Nabe.
Qui a écrit : L’ouvrier respectable, c’est celui qui veut crever le patron sans vouloir remplacer ? Bakounine ? Non. Marc-Édouard Nabe.
Qui a écrit : Je suis enfin parvenu à prendre mon sang-froid en toute circonstance ? Le capitaine Baril ? Non. Marc-Édouard Nabe.
Qui a écrit : Le jazz, c’est le seul communisme qui a réussi ? Ronald Reagan ? Non. Marc-Édouard Nabe.
Qui a écrit : La vue d’un étron me calme comme le bruit de la mer ? Sade ? Non. Marc-Édouard Nabe.
Qui a écrit : Je n’adhérerai au surréalisme que lorsque je verrai Mein Kampf illustré par Chagall ? Drieu la Rochelle ? Non. Marc-Édouard Nabe.
Marc-Édouard Nabe a vingt-sept ans et il écrit, ce qui est un double scandale. il a poussé la désinvolture et l’imprudence jusqu’à se faire passer pour fasciste lors de l’émission Apostrophes il y a deux ans. Mais un fasciste pourrait-il écrire : Suis-je grave, docteur ? Non. Impossible. Marc-Édouard Nabe est un anarchiste de grand style, un révolté qui sourit seulement quand il est tout seul. Il me fait penser à ce vers de Lermontov : Mais lui, rebelle, cherche la tempête. Nabe a écrit : Le juste milieu est le dieu des pauvres cons. Il a écrit aussi : Devise de ma femme : je le suis partout ! Il a écrit également : À vingt-sept ans, je n’arrive toujours pas à concevoir l’argent comme autre chose que de l’argent de poche. Il a écrit encore : Il n’y a eu qu’un mort en soixante-huit. C’est Cohn-Bendit, et il vit toujours. Il a écrit enfin : 'Le plus horrible des goulags sera toujours plus doux que le meilleur Mc Donald’s.
Cet homme est dangereux, c’est normal : il s’agit d’un écrivain.
Lisez Chacun mes goûts, aux éditions Le Dilettante, dont toutes ces maximes sont extraites. Il faut lire Nabe, car il est grand. N’a-t-il pas écrit : Dès que j’entends le mot “revolver”, je sors ? » (Patrick Besson, Lettres ouvertes, France Culture, 11 juin 1986, repris dans Tohu-Bohu, 1993, p. 1646-1647)

« Chacun mes goûts (Le Dilettante) est le Poteaux d’angle, le Rrose Sélavy extatique et impatient des années quatre-vingt. » (Marc Dachy, L’Infini n°19, été 1987, repris dans Coups d’épée dans l’eau, 1999, p. 56)

Édition

  • Chacun mes goûts, Le dilettante, 1986, 39 p.
    • rééd. 2008
    • rééd. 2010

Lien externe

Notes et références

  1. Bernard Frank, « Loin de Pasqua ! », Le Monde, 24 décembre 1986.