Jean-Jacques Schuhl

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Jean-Jacques Schuhl

Jean-Jacques Schuhl est un écrivain né le 9 octobre 1941 à Marseille.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Après l’avoir croisé dans son enfance et son adolescence (ils ont 17 ans d’écart) dans le sillage de Jean-Pierre Lindenmeyer à Marseille, Marc-Édouard Nabe s’est passionné pour les deux premiers livres de Jean-Jacques Schuhl. Il le retrouvera, une fois lui-même écrivain, en avril 1987, dans le vernissage d’une exposition Picabia, comme il le raconte dans son journal intime :

« Lundi 6 avril 1987. — [...] Dans la foule, Willem aussi, le charmant Willem (tout fraîchement débarqué du Transsibérien). À ce moment-là, Dachy me prend l’épaule et me retourne : je me trouve en présence d’un grand rouquin aux cheveux courts et à lunettes...
Marc-Édouard Nabe, Jean-Jacques Schuhl...
Non ?
Après vingt-cinq ans de chassé-croisé : le voilà enfin ! Le 6 avril 1987, on se rencontre ! “C’est pas trop tôt”, dis-je... Il est même avec sa mère. Lea ! Je me représente à elle : M.-E.N. = Alain Zannini...
— Vous vous souvenez, j’étais même venu chez vous. À Aix. Vous m’aviez montré un livre sur Francis Bacon...
Alors Schuhl dit, très pince-sans-rire :
— Aix and Bacon...[1] » 
Nabe jouant de la batterie dans le dos de Schuhl

En 1999 et en 2000, les deux écrivains « phocéens » se retrouveront dans un mouvement renversé : c’est Schuhl désormais qui admire Nabe. Celui-ci le stimule pour revenir à l’écriture et à la publication, car l’auteur des seuls Rose Poussière (1972) et Telex n°1 (1976) songe à une biographie romancée de sa compagne, Ingrid Caven, pour Gallimard. Schuhl accompagne Nabe jusqu’au dernier instant avant son exil pour Patmos. C’est sur l’île grecque que celui qui travaille à Alain Zannini apprendra l’obtention par Jean-Jacques Schuhl du prix Goncourt 2000 pour son roman Ingrid Caven (« L’Infini »). Frédéric Taddeï racontera à Jean-Jaques Schuhl qu’à l’époque, totalement oublié du milieu littéraire, une rumeur affirmait que l’écrivain était une fabrication de Philippe Sollers, son éditeur, et de Marc-Édouard Nabe, ce qui enchanta le prix Goncourt 2000.

Citations

Schuhl sur Nabe

  • « Oui, provocateur. Très bien, j’aime bien ça. »

Nabe sur Schuhl

  • « Schuhl ! L’idole de ma jeunesse ! L’écrivain invisible ! L’inventeur de l’information-fiction !... J’ai tellement connu ce type par oncle, tante, mère, grand-mère, cousin, amis interposés ! Je l’ai tellement lu, il m’a tellement obsédé, j’en ai tellement obsédé Hélène !... D’ailleurs, quand elle arrive dans notre groupe et que Marc le lui présente à son tour, Hélène reste bouche bée, rougissante : le fantôme est effacé... » (Inch’Allah, 1996, p. 2086)
  • « Jean-Jacques n’avait toujours rien dit. Il nous écoutait au milieu des oiseaux, car nous étions tous les trois dans les jardins de chez Antoine. C’était la fin de l’été. Le temps était tout doux, il faisait une petite brise de sèche-cheveux. Ce n’était pas que le diagnostic du docteur Philippe sur celle avec qui je m’étais tant fait souffrir ne l’intéressait pas, mais il était surtout embêté que je parte... Jean-Jacques... L’idole de ma jeunesse ! C’était un mythe dans mon enfance marseillaise : “Jean-Jacques a fait ceci ; Jean-Jacques a dit cela.” Personne n’a aimé Jean-Jacques comme moi ! Je peux le dire, ce n’est plus un secret... J’avais découvert, grâce à notre mentor commun Jean-Pierre, à Marseille, ses deux premiers livres : Jaune pollen et Fax n°3. Pas un mot de lui ! Tout en démarquages décalés, collages de citations, plagiats scotchés, notes de bas de page, choix de lettres pour un seul mot, parenthèses inutiles, phrases qui manquent : des symphonies ! Voilà quelqu’un qui, sans aucun surréalisme (et je souligne), était parvenu à “monter” (car c’est avant tout un grand monteur) Rimbaud et Lautréamont dans une seule langue. Les techniciens apprécieront. On le croyait rimbaldisé pour toujours, et puis non. Les points communs lumineux avec le Voyant infernal ne s’arrêtaient pas de briller seulement autour de son signe astrologique, ou de son abandon du monde des lettres, de sa jambe malade, ou même de Marseille. Pendant vingt ans, je n’ai cessé de clamer tout ce que je devais à cet aîné, et c’est lui qui me disait, là, en l’an 2000 : “Je sais ce que je vous dois.” Quoi ? Juste quelques encouragements à se mettre réellement à réécrire. Après avoir lu mon roman sur Lucette, Jean-Jacques m’a fixé rendez-vous. Ça faisait des années que Jean-Jacques prenait des notes. Tout le monde l’avait oublié mais, pour moi, c’était l’Écrivain invisible. Nous entendions parler l’un de l’autre depuis des années et on ne s’était jamais vus. Je l’ai reconnu tout de suite dans cette rue sombre derrière l’église Saint-Roch : Lazare ! C’était Lazare (d’ailleurs, il avait un oncle qui s’appelait Lazare). Sorti du tombeau appuyé sur sa canne, pâle et maigre, de travers et pourtant si droit, il s’est un peu épousseté sa poussière rose, je lui ai enlevé une bandelette ou deux et on ne s’est plus quittés. Moi et l’écrivain qui m’avait donné envie d’écrire et à qui j’avais redonné envie d’écrire (juste retour des choses) : drôle de duo ! “Nous sommes des dandys phocéens !” disait-il dans les soirées où nous partagions le même goût pour le terrorisme mondain. Attraper une star, lui brouiller la tête, puis la lâcher instantanément pour une autre plus star qu’elle, et ainsi de suite, comme le font les Putes avec les clients pour de l’argent. Nous, c’était pour le plaisir. On préférait se vouvoyer, Jean-Jacques et moi. C’était plus chic à mort.
Les pieds nus, le silence au bout des lèvres, la chemise ailleurs, le regard par là : Jean-Jacques marchait mal, il boitait comme ça ne devrait pas être permis de boiter : il faudrait qu’il accepter de se faire opérer : “Je ne veux pas qu’on me touche. Ou plutôt si, je veux qu’on me touche, mais pas comme ça !” Encore un fantôme de mon passé qui remontait du fond de mon cœur. Et en vrai ! Philippe disait que l’amitié, c’était de l’enfance imaginaire... Jean-Jacques (les deux Fils du Tonnerre en un seul prénom !) était l’un de mes dormants d’Enfance... Si, pour moi, il avait encore quelque chose d’enfantin, c’était qu’il transportait toujours sur lui (comme de la drogue) un peu de ce qu’il était à l’âge où j’étais moi-même un enfant. » (Alain Zannini, 2002, pp. 793-794)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Inch’Allah, Éditions du Rocher, 1996, p. 2085.