Zigzags

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Couverture de Zigzags, 1986

Zigzags est un recueil de textes écrits par Marc-Édouard Nabe et publié aux éditions Barrault en janvier 1986.

Résumé

Écrit en 1985, après le passage polémique dans l’émission Apostrophes, Zigzags est un recueil de 75 textes plus ou moins courts, sur des sujets divers : John Cowper Powys, Louis XVI, Miles Davis, Ezra Pound, Laurel et Hardy, Paul Klee, Luigi Pirandello, Art Tatum, William Shakespeare, Steve Lacy, Tristan Corbière, Ahmad Jamal, etc. Déployant ainsi ses admirations, du jazz à la littérature, du cinéma au théâtre, en passant par la peinture et la poésie, Nabe dévoile sa grande curiosité artistique par des évocations toutes portées par l’enthousiasme. Dans Zigzags, se trouvent aussi des saynètes se passant dans des villes particulièrement chères à l’auteur (Gênes, Pise, Dakar...). Il y a peu de politique, à part un éloge de Louis XVI, et beaucoup de portraits d’artistes, sans oublier de véritables poèmes en prose sur des objets, des silhouettes, des choses vues et des animaux.

Incipit

I.
VISION HANNIBALIQUE

Je sais que j’écrirai trente-sept livres et qu’ils seront tous lourds. Je mettrai les quinze jours de l’Eternité pour leur faire passer les Alpes de ma vie. Au prix de mille péripéties, ils aboutiront dans la vallée suave, et les neiges seront bien vite oubliées.
Souvent quand je suis saoûl, je vois des éléphants roses au Mont-Cenis, menés tant bien que mal par le haut Carthaginois... Hannibal le haineux tartarinant l’Alpe hostile ! Quelle vision ! Je pense avec pitié aux surréalistes qui n’ont jamais pu arriver à la cheville d’une patte d’un des éléphants d’Hannibal.
Tout convoi me stimule. Rien de plus beau que celui-ci : caisses gigantesques, bêtes de somme mugissant dans les barrissements, hurlements des Numides maîtrisant mal les hennissements des carnes sales qui caracolent au-dessus des abîmes... Une armée entière de 80 000 fantassins et 10 000 cavaliers avançant au ralenti en mille-pattes militaire, grand serpent très souple de ferrailles et borborygmes, lances qui se cabrent sous l’exiguïté des défilés. La Durance en bas fracasse les tympans, chante sur les nerfs des bétails divers : la troupe rêve aux torrents. L’heure est au éboulements et cols cassés. Deux bœufs, loin des étables, tombent dans un précipice. Il faut raser les roches. Et les montagnards qui jouent aux Peaux-Rouges : méfiance ! Les pachydermes effraieront leurs guet-apens.

[...]

Quatrième de couverture

Ça, c’est mon deuxième livre. Un coup d’épée dans l’eau comme tous les seconds livres : on vous attend au tournant : ils sont tous comme des professeurs de français derrière le virage, le carnet à la main et la note au bout du bic rouge. Les deuxièmes livres on les assassine, surtout le mien.
Essais ? Nouvelles ? Articles d’une revue improbable ? Poème en prose ? Ce volume entièrement voué à l’enthousiasme ravageur prouve que, loin des pédants, des aigris et des incapables, l’art reste vivant à mort.
J’en rencontre cent par jour, des convaincus de l’importance de Mingus, de Laforgue, de Giorgione ou de Harry Langdon... Les avez-vous vus prendre une plume et descendre un « texte » avec des œufs, de la farine, du lait et tout ?... Il fallait bien que ce soit fait ! Si, à l’âge où Saint-Just perdait la tête, je n’ai pas la force de lever mon chapeau au passage des corbillards divins, alors j’appartiens bien à ma génération de feignants, d’ignares blasés, de vaniteux bourgeois, oies pâles gavées de toc à l’embuc et déjà si las d’aimer.
Mes domaines d’investigations sont ceux de la littérature, du jazz, de la zoologie, de l’histoire, de la peinture, de la morale, du cinéma, des mœurs... Rien de bien éclectique, comme vous voyez... C’est en zigzags que l’Alcoolique de la Joie regagne son domicile. Ici, pas d’analyse : du dithyrambe et de la vision : le reste est superflu ! C’est la route de loterie de mes admirations qui tourne lentement au milieu des années 80.

Table des matières

I. Vision hannibalique
II. Le Sucrier Velours et autres dandys
III. Célébrations de John Cowper Powys
IV. Le bêta de la Lyre
V. Apologie de tous les Louis XVI
VI. Flacons, bocaux et fioles grises
VII. À corps perdu
VIII. Le Messie
IX. Ezra Pound et les siens
X. Sornettes mythologiques
XI. Laurel/Hardy
XII. Clarinettes baveuses
XIII. Petit Papa Noël
XIV. Un restaurant
XV. Fan des pieds
XVI. Lustre de la Pendaison
XVII. Le Trait de Klee
XVIII. Petite vue Bop
XIX. Pirandello cahin-caha
XX. Le Zapatiste Imaginaire
XXI. La Closerie des Larves
XXII. Le Soprano suprême
XXIII. La Tour de Pise
XXIV. Le violon devant la fenêtre ouverte
XXV. Tatum
XXVI. Shakespeare pour la plupart
XXVII. De la main à la main
XXVIII. À découvert
XXIX. Le Burlesque et la Mort
XXX. Prophéties
XXXI. Caliban sur la butte
XXXII. La Constellation des Joujoux
XXXIII. Baron Mingus
XXXIV. L’Onanisme chez les nains
XXXV. Zorzo
XXXVI. Ronde d’enfants morts
XXXVII. Noises douces à Marcel Duchamp
XXXVIII. Balcon à La Ciotat
XXXIX. Au milieu du livre
XL. Birdland
XLI. L’Artichaut d’Artaud
XLII. À gorge déployée
XLIII. L’Invitation au Naufrage
XLIV. Un homme encore flou
XLV. Sur la croupe de Théodore
XLVI. L’Art Ensemble
XLVII. Sa très frêle majesté
XLVIII. L’Alexandrin
XLIX. Physique-Chimie
L. Hommage au rat de bibliothèque
LI. Les Gibbons de la Gaîté
LII. Dénigration du Clown
LIII. Crucifixion
LIV. Les Meubles du Maharadjah
LV. Le Gaillard
LVI. Dakar en levrette
LVII. Jules
LVIII. L’Indigo
LVIX. Une plante
LVX. Trombones
LXI. Banlieue stellaire
LXII. Soupir d’harmonica qui pourrait délirer
LXIII. Ahmad Jamal
LXIV. Extases génoises
LXV. Quelques lignes pour Tristan
LXVI. Le Testament de Count Basie
LXVII. Joyce sur les bords
LXVIII. Le piano sous la pluie
LXIX. Suarès sur la sellette
LXX. Le Tambour des Limaçons
LXXI. Le Portrait de Chet Baker
LXXII. L’homme aux mille et un saxos
LXXIII. Exaltations d’ un soutinien
LXXIV. Point d’orgue
LXXV. Le Passéiste

Accueil critique

Avis positifs

En mars 1986, Léon Mazzella fait une critique élogieuse de Zigzags dans Sud Ouest Dimanche :

« On se souvient encore du Régal des vermines, d’un Apostrophes mouvementé à son propos et du ridicule boycott par certaines librairies bien vendantes du Régal... Après ce non-livre fulminant et décapant, Nabe récidive aujourd’hui avec un recueil de chroniques (inédites, Nabe ne noircit — encore — les colonnes d’aucun journal) sur tout. Tout ce qu’il adore et tout ce qu’il abhorre, Nabe n’en finit pas de régler ses comptes (avec quels comptes ?) avec la littérature. Il vit dans un univers réduit, en compagnie de Barbey, Bloy, de Roux, Céline, de quelques autres vociférateurs de génie, de Powys, Suarès, Pound aussi et de jazzmen. [...] Lire Nabe, cet inclassable, devient urgent.[1] » 

« Votre cadeau m’a été remis à onze heures et j’ai immédiatement ouvert Zigzags. J’ai lu jusqu’à maintenant. C’est extraordinaire, cher ami. Ce Nabe a un talent fou. Admirable le chapitre sur Louis XVI et celui sur le Sucrier Velours. [...] Je suis de plus en plus enthousiaste, oui, vraiment beaucoup enthousiaste. Vous savez, plus je lis Zigzags plus je suis en extase. C’est un merveilleux cadeau. Quelle justesse dans le chapitre sur Shakespeare, cher ami. Vous trouvez aussi, bien sur ! Je lis en zigzags au gré de ma fantaisie. Que c’est agréable, n’est-ce pas, de pouvoir sauter des chapitres et revenir en arrière. Moi également, comme Nabe, j’adore Magnasco, j’adore follement, vous pensez. Je suis toujours d’accord avec ce qu’il écrit, votre ami Nabe, sauf au sujet de Gen Paul que je n’apprécie guère. Mais tout le reste est si parfait. Vous le direz à Nabe que j’ai pour lui une admiration sans bornes, et qu’il a le talent d’un très très grand écrivain. »
(Leonor Fini, lettre à Pierre Pascaud, octobre 1986, reprise dans Inch’Allah, 1996, pp. 1820-1821)

Édition

  • Marc-Édouard Nabe, Zigzags, Paris : Éditions Barrault, 1986, 275 p., ISBN : 2-7360-0040-4

Les droits de Zigzags ont été entièrement récupérés en 2008 par Marc-Édouard Nabe, qui peut anti-rééditer l’ouvrage, épuisé depuis plusieurs années.

Notes et références

  1. Léon Mazzella, « Les possédés du verbe », Sud-Ouest Dimanche, 9 mars 1986, p. 42.