Achille Zavatta

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Achille Zavatta

Achille Zavatta est un clown et musicien né le 6 mai 1915 à La Goulette (Tunisie) et mort le 16 novembre 1993 à Ouzouer-des-Champs (France).

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Marc-Édouard Nabe (encore Alain Zannini), à peine sorti de l’Œuvre Grancher, rencontre Achille Zavatta à Val d’Isère, en même temps que Jacques Brel où les deux artistes étaient en vacances, et alors que Marcel Zanini était le chef d’orchestre et animateur de la boîte La Grande Ourse (1964). Zavatta se liera d’amitié avec Zanini, le clown prêtera même son saxophone soprano au jazzman qui l’utilisera pour imiter Roland Kirk, c’est-à-dire le musicien qui jouait de trois saxos à la fois, ce qui faisait hurler de rire jusqu’à se pisser dessus, Bob Siné, lui aussi présent lors de ces mémorables soirées à La Grande Ourse. Le dessinateur immortalisera, dans un dessin toujours conservé chez les parents de Nabe, Zanini en Roland Kirk avec clarinette, ténor et soprano de Zavatta donc, dans la bouche en train de défoncer le plancher à force de faire swinguer la boîte. Tout cela n’échappera ni à la mémoire précise ni à la fidélité intrinsèque du futur Marc-Édouard Nabe qui reviendra par-ci par-là sur sa rencontre avec Zavatta, « celui qui m’a appris à faire du ski » (interview par Jérôme Béglé, Encore, 1998), et l’enfant le reverra souvent à la télévision dans l’émission La Piste aux étoiles, à l’époque de sa gloire totale en tant que clown le plus célèbre du monde, ayant créé un empire (le Cirque Zavatta). Mais, c’est à l'occasion du suicide du clown, dans son jardin, à l’âge de 75 ans que Nabe parlera encore d’Achille, suicide qui ébranla davantage l’auteur de Rideau que celui de Guy Debord (voir Citations dans la fiche Guy Debord).

La confusion permanente dans les années 1970, lorsque son père devint célèbre, entre Zavatta et Zanini, Nabe en jouera et même la mettra en scène dans son roman Le Bonheur où il fera de son père une sorte de Zavatta, mélangeant les deux figures. En effet, Andrea, le héros du Bonheur, se rendra au cirque « Ringar », pour annoncer la mort de sa grand-mère à ce clown-père qui ne porte pas de nom dans le roman, et pour cause, puisqu’il s’agit en filigrane de la figure de Zavatta, fondue dans celle de Zanini. Cela donne l’occasion à l’écrivain de développer une fois de plus ses réflexions ambiguës vis-à-vis du cirque et des clowns, faites de dégoût pour le sentimentalisme qu’ils véhiculent et de compassion pour le sacrifice christique que leurs numéros souvent réincarnent. Les tableaux de clowns de Georges Rouault, de Gen Paul et de Bernard Buffet, très admirés par Nabe toute sa vie, ont certainement joué dans cette appréhension. Dans Le Bonheur donc, mais aussi dans les Zigzags précédents, où il écrit une Dénigration du clown, Nabe ne supportera pas que certains musiciens soient traités de clowns, comme par exemple ceux de l’orchestre Art Ensemble of Chicago, ou même Roland Kirk (encore lui, voir Citations).

Enfin, il rectifiera chaque fois qu’il pourra l’utilisation ignominieuse du nom de Zavatta pour désigner les « clowns du Système », injure facile et récurrente chez les malveillants et ignorants de la Dissidence, Dieudonné et Laïbi en tête. Alors que ce sont eux, ces porcs, qui sont clownesques au mauvais sens du terme et qui se permettent de se servir de Zavatta comme insulte !

Zavatta et Nabe (à cinq ans), à Val d'Isère, 1964

Citations

Nabe sur Zavatta

  • « Les amateurs font bien la fine bouche naturellement : “Clowneries !” Certes j'ai horreur du cirque, mais si le cirque c'est l'Art Ensemble, alors vive le cirque ! Un cirque noir d'abord, ça devrait prêter à dévotion déjà : les clowns blancs ils peuvent tous aller se démaquiller ! Moi je n'ai jamais vu Zavatta jouer du soprano comme Joseph Jarman. » (Zigzags, 1986, p. 162)
  • « Lundi 30 mars 1987. — […] Bonheur. Chapitre 22 (suite). Ça se corse dans les sphères symboliques. Andréa va annoncer à son père (qu’on croyait aussi invisible que Z.) que sa mère (Paraskevi) est morte. Le clown (très toto) du cirque Ringar fait rire tout le monde sauf son fils. Les deux héros assistent au numéro clownesque. Il s’agit de la passion du Christ à peine déguisée : le père christique se fait crucifier pour rire (à un grand X en bois puisqu’il n’a pas de nom). Je pense à Lon Chaney bien sûr et le clown est à mi-chemin de Zavatta et de Zanini : c’est exactement Zanini lorsqu’il est pris pour Zavatta (comme c’est arrivé souvent). Je prends la méprise et je l’incarne en troisième être fictif ! Moi qui ait connu Zavatta enfant, et qui suis fils de Zanini ! J’avoue que je suis pervers. » (Inch’Allah, 1996, p. 2077)
  • « Le clown écarquillait sa figure de joie. Ça faisait presque un bouquet qui giclait du vase blanc de son col démesuré. Non, il n’était pas en train de se démaquiller : c’était un des rares clowns qui restaient en permanence fardés de leurs accents clownesques. La clownerie pour le père était une sainteté vécue sans relâche. Le soir il se décontractait en liquette de satin blanc et n’ôtait son nez rouge qu’au moment de dormir le faisant alors tremper dans un verre d’eau sur sa table de nuit. (...) Athénée appuyée contre la « boîte pailletée » regardait son beau-père : ce petit homme malingre aux cheveux jaunes, cette grimace permanente béate humanité douloureuse, ce cou décharné de poulet pendu et rependu, ce regard humide… Depuis qu’elle le connaissait, jamais Athénée n’avait réussi à surprendre l’air de famille entre Andréa et son père. Le visage était aussi étoilé qu’une nuit blanche : comètes de sourcils, astres des yeux entourés de nébuleuses bleues, narines filantes, météore-verrue s’écrasant sur le menton de la tranquillité, petites ourses de mouches, éclipse de paupières, trou noir de bouche… Autant de circulation astronomique intense sur la figure de l’Auguste, des configurations cosmiques qui font oublier qu’un clown comme tout un chacun possède un nez, deux yeux et une bouche. Le maquillage savant des clowns appartient aussi à l’ordre ésotérique des alphabets archaïques : chaque trait, chaque soulignement, chaque mise en parenthèses est là pour que le visage parle de lui-même dans la langue secrète des galaxies hilares. Tout était sauvage, rebelle et fou chez Andréa alors que la figure fameuse de son père était si ordonnée, si écrite qu’on pouvait y lire entre les rides le message de bonté mégalomaniaque que le vieil homme grimé délivrait chaque soir. » (Le Bonheur, 1988, p. 426-427)
  • « Dieudonné aimait bien traiter les autres de Zavattas, mais s’était-il vu lui-même ? Et quelle insulte à mon grand Achille ! » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 799)
  • « Qu’est-ce qu’ils avaient donc tous contre mon Achille ? Parce que Dieudonné aussi se servait de Zavatta comme figure négative ! Quelle honte, d’ailleurs, pour ce comique pro de Dieudo assis sagement derrière le si sérieux prétendant député amateur Salim Laïbi de le laisser utiliser Achille Zavatta pour définir les pitres politiques dont LLP était la plus pathétique incarnation ! Dieudonné devait bien se rendre compte qu’il était tombé bien bas pour être désormais la caution “artistique” d’un nullard pareil qui se permettait ainsi de “zavattiser” à tout-va. Ah, décidément, le cirque Laïbi ne valait pas un clown ! » (Les Porcs tome 2, 2020, p. 767)

Intégration littéraire

Notes et références