Printemps de feu

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Couverture de Printemps de feu, 2003

Printemps de feu est un roman de Marc-Édouard Nabe, publié par les éditions du Rocher en septembre 2003.

Résumé

Marc-Édouard Nabe raconte son séjour en Irak fin mars 2003, au moment du déclenchement de la guerre contre ce pays par les États-Unis. Parti de Damas avec la danseuse Shéhérazade, il se retrouve dans un hôtel face à celui des journalistes dont il décrit le comportement. Sans être inféodé d’une quelconque façon à l’armée de Saddam Hussein attendant le siège de Bagdad, Nabe se mêle à plusieurs groupes d’Irakiens, de boucliers-humains et autres personnages pittoresques, explore la ville bombardée (qu’il avait connue l’année précédente intacte). Nabe également imagine (imagine ?) une rencontre avec Saddam Hussein qui réserve bien des surprises au narrateur et à son amie Shéhérazade. Des scènes érotiques avec la danseuse, la visite dans un couvent de nones, une autre à Babylone, et une tempête de sable mémorable constituent les principaux épisodes du récit.

À travers ce roman-reportage, beaucoup de réflexions politiques sur l’agression américaine de George W. Bush contre la dictature de Saddam Hussein sont développées. Printemps de feu constitue le deuxième volet d’une trilogie orientale menée par Nabe depuis Une lueur d’espoir (2001) jusqu’à J’enfonce le clou (2004). Certains ont pu noter que le livre était le premier écrit par Alain Zannini, héros d’Alain Zannini, libéré de son journal intime.

Nabe à Bagdad, 2003

Incipit

1
QUELQUES CENTAINES DE BANANES POUR COMMENCER

À Damas, il pleut. C’est vrai qu’on est encore en mars. La ville syrienne accroche la nuit à un croissant de lune. Dès que j’arrive en Orient, je me sens bien. Au Liban, déjà. En Syrie, ensuite. Ce sont des pays qui font trembler les « démocrates » de mon Hexagone gâteux. Moi, j’y respire ! Mes poumons sont heureux. Ici, des portraits partout du chef, mais aussi de feu son papa. Le fils, le père... Le père, le fils... Je ne sais pas pourquoi (ou plutôt si, je sais), mais ça m’émeut de les voir toujours ensemble sur tous les murs, en grand.
J’ai envie de m’installer dans cet hôtel, place des Martyrs... L’Orient Palace Hôtel. Bien vieux comme j’aime. Il a deux cents ans d’âge. Zut ! Complet. L’Orient Palace est loué à l’année par des Iraniens venus de Téhéran en pèlerinage. Toutes les chambres sont prises depuis cinquante ans. Le réceptionniste qui parlotte français me dit que seul le général de Gaulle a réussi à dormir ici. Ça doit être un sunnite, car il se plaint de ses clients chiites :
— Vous comprenez, ce téléphone est vert, ils vous diront qu’il est bleu. « Non, vert. — Non, bleu. » À la fin, vous dites : « Bon d’accord, il est bleu. »
C’est surtout l’hygiène qui laisse à désirer chez ces désirants d’Allah : ils font venir leurs « propre » viande d’Iran, en camion pour être bien sûr d’en manger de la bénite. Évidemment, une fois en Syrie, ils sont tous malades. Ils déglinguent les toilettes... Dans le hall, de grandes photos de l’ayatollah Khomeiny ravissent l’anti-Occidental primaire que je suis devenu. Il y a une sacrée agitation de barbus et de voilées, et le bar a été transformé en salle de prière. Beaucoup de bois et de tapis. Les mecs font leurs courbettes. Je me fous de l’islam en soi : c’est le principe de la foi que j’épouse. Où Dieu soufflera, je serai toujours.
Je vais quand même jeter un coup d’œil à la salle à manger avant de repartir. Elle est immense. Chaque table dressée a sur sa nappe quatre bouteilles de Pepsi et quatre bananes ! Il faut bien ça pour détruire dans les estomacs la barbaque décongelée-recongelée... Cette salle vide avec peut-être trois cents bananes dans des assiettes, recourbées comme des babouches mûres, ça fout le vertige, et si j’avais de l’humour, j’en rirais !
Je me rabats sur le Sémiramis, juste sous le pont de la Victoire. Un grand hôtel moderne... Sémiramis ! La reine de Babylone ! De la fenêtre de ma chambre, la ville s’étale sur les montagnes comme de la confiture sur une brioche. Les maisons sont des pépites incrustées dans la roche. Ça clignote de partout. Toute la banlieue brille dans le velours de la nuit. J’allume la télé. Je zappe comme en France, d’un débat d’experts incompétents en infos de journalistes hypocrites. Sauf qu’en Syrie il y a plus de chaînes et elles sont en arabe : ça passe mieux. Celles d’Oman, de Libye, Abou Dhabi TV, El Manar (la chaîne du Hezbollah), LBC et bien sûr Al-Jazira, celle qui a ringardisé CNN à jamais... Je n’en pouvais plus à Paris, c’est pour ça que je suis parti.
J’ai pris tout ça trop à cœur. Quelquefois, je ne comprends même plus pourquoi l’affaire d’Irak me ronge tant. J’y vois un symbole personnel, presque intime, de toute ce qu’un être humain a à souffrir aujourd’hui.
La planète entière s’est opposée à cette guerre, mais elle n’a pas été foutue d’empêcher qu’elle ait lieu. Alors à quoi ça a servi d’être contre ? C’est le résultat qui compte, pas la bonne conscience !
Ah ! J’ai beau m’écœurer tout seul dans mon coin, je suis bien obligé de constater que les hommes ont fini par accepter l’inacceptable. C’est ça, le pire des crimes : la résignation.
Aujourd’hui, 19 mars 2003, je suis à Damas... Comment aurais-je pu rester en Europe, au milieu des millions d’abrutis qui continuent à manifester leur « désapprobation » de la guerre, alors qu’on est à quelques heures d’un conflit cosmique ? Personne n’a rien pu faire, alors j’ai préféré venir en pleurer de rage ici.

[...]

Table

1. Quelques centaines de bananes pour commencer, p. 9
2. Shéhérazade, p. 13
3. Mauvais réveil, p. 19
4. La diligence de Staline, p. 25
5. Bienvenue à Bagdad, p. 33
6. La douceur des bombardés, p. 41
7. La Koumédie houmaine, p. 51
8. Le Tigre et la tigresse, p. 67
9. Le papillon de Nadjaf, p. 79
10. Le ticket de Saint-Étienne, p. 99
11. Le sable de Dieu, p. 117
12. Le chouchou du Baas, p. 131
13. Allah guerre comme Allah guerre ! p. 147
14. Babylone en chaussettes, p. 167
15. Irakontable, p. 195
16. Sodomie chez Saddam, p. 235
17. Le muezzin de l’information, p. 251
18. Duel en Mésopotamie, p. 261
19. Le chemin de Damas, p. 267
20. Un cheval pour finir, p. 291

À noter

La couverture de Printemps de Feu est tirée d’une photo prise au téléobjectif par un photographe de l’AFP présent à Bagdad, à l’insu des protagonistes (Nabe et « Shéhérazade »), marchant dans la ville. Avant même que Nabe ne rentre en France, le cliché avait déjà circulé sur Internet. L’écrivain le récupéra pour illustrer son roman par cette photo réelle.

Accueil critique

L'écrivain a été invité le 13 septembre 2003 par Thierry Ardisson, dans son Tout le monde en parle, pour défendre son livre face à Frédéric Beigbeder et Omar Sharif[1]. L’émission se présente à l’évidence comme le point de rupture définitif entre Beigbeder et Nabe.

Avis négatifs

En France

Nelly Kaprièlian, dans Les Inrockuptibles, critique le style du roman (Nabe « écrit comme un pied », à côté de lui, « Beigbeder passerait presque pour Chateaubriand ») et doute de la véracité de son voyage en Irak[2].

Dans Marianne, Olivier Maison parle du livre comme d'un « pétard mouillé »[3].

Pour Le Figaro, « l'indigne héritier de Jean-Edern Hallier fait l'effet d'un collégien onaniste et présomptueux qui voudrait en vain communiquer son plaisir au lecteur »[4].

À l'étranger

Pour le quotidien belge Le Soir, sous la plume d'Alain Lallemand, le style est jugé trop vulgaire et le point de vue de l'écrivain « ressemble à celui qu'aurait pu avoir un ethnologue dédaigneux au début du XXe »[5].

Magali Goumaz, du quotidien suisse La Liberté, s'en prend aux romans parus sur la guerre en Irak et affirme que Nabe est « allé en Irak par impuissance, anti-occidentalisme primaire et parce qu'on ne peut faire confiance à personne pour parler de choses sérieuses »[6].

Avis positifs

En France

Le 26 octobre 2003, Le Progrès (Lyon) publie une critique positive de Printemps de feu : « Mélange de formules pétillantes, d'incisivité joviale et d'emportements d'adolescent incurable, « Printemps de feu » est un roman-reportage comme lui seul peut en faire. Souvent irrésistible, jamais ennuyeux, à la fois agaçant et sympathique, l'enfant terrible des lettres françaises reprend avec un indiscutable brio le flambeau du regretté Jean-Edern Hallier. Avec autant de rosserie, mais plus de fraîcheur d'âme. »[7].

La Tribune, sous la plume d’Akram Balkaïd, signale le roman sur un article sur les récits sur le conflit irakien : « Enfin, il est aussi (un peu) question, de fort méchante manière d'ailleurs, des journalistes enfermés à l'hôtel Palestine dans le dernier roman du sulfureux Marc-Edouard Nabe. Seul écrivain à s'être rendu à Bagdad pendant la guerre, l'écrivain provocateur se met en scène, s'invente une compagne de voyage danseuse, Shérazade, rencontre Saddam, clame son amour pour les régimes arabes nationalistes et, mieux vaut ne retenir que cela, exalte d'une certaine manière la foi et le mysticisme. »[8].

Politique Magazine apprécie le roman dans l'ensemble, à l'exception des scènes sexuelles[9].

À l'étranger

Saskia Galitch, dans l'hebdomadaire suisse Le Matin Dimanche, parle d'un récit « drôle, farfelu et, oui, parfaitement jouissif »[10].

Couvertures alternatives

Passage médiatique

Tout le monde en parle (13 septembre 2003)

Échos

  • En mars 2009, dans le quotidien francophone libanais L'Orient-Le Jour, Printemps de feu est qualifié de « roman vécu de la guerre d'Irak »[11].
  • L'échange chez Ardisson entre Nabe et Beigbeder est raconté en détail (contexte, coulisses et conséquences) en 2017 dans un chapitre du premier tome des Porcs, « Frédéric Beigboudeur »[12].

Édition

Les droits de Printemps de feu ont été entièrement récupérés en 2008 par Marc-Édouard Nabe, qui peut anti-rééditer l’ouvrage. En attendant, le livre est disponible sur la plateforme de vente de l’auteur, faisant partie du stock de huit tonnes de retour récupéré par voie judiciaire par l’auteur en 2008.

Lien externe

Notes et références

  1. Ina.fr, « Débat entre Marc Edouard Nabe, Fredéric Beigbeder et Omar Sharif », voir : http://www.ina.fr/video/I08351643/debat-entre-marc-edouard-nabe-frederic-beigbeder-et-omar-sharif-video.html
  2. Nelly Kaprièlian, « Litté-réalité », Les Inrockuptibles, 10 septembre 2003.
  3. Olivier Maison, « Printemps de feu, de Marc-Edouard Nabe », Marianne, 23 septembre 2003.
  4. T. R., « Marc-Edouard Nabe », Le Figaro littéraire, 25 septembre 2003, p. 2
  5. Alain Lallemand, « Bagdad, de notre romancier très spécial », Le Soir, 17 octobre 2003.
  6. Magalie Goumaz, « Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à nous raconter la guerre ! », La Liberté, 4 octobre 2003.
  7. J.-PH.M., « Nabe à Bagdad », Le Progrès - Lyon », 26 octobre 2003.
  8. Akram Balkaïd, « Chroniques frustrées », La Tribune, 21 novembre 2003
  9. « Printemps de feu, Marc-Edouard Nabe », Politique Magazine, janvier 2004, p. 34.
  10. Saskia Galitch, « Explosions jubilatoires », Le Matin Dimanche, 9 novembre 2003.
  11. « Les œuvres de Nabe à l'Office du tourisme-Paris », L'Orient-Le Jour, 20 mars 2009
  12. Marc-Édouard Nabe, Chapitre XL « Frédéric Beigboudeur », Les Porcs tome 1, anti-édition, 2017, pp. 126-132.