Clichés

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Cet article recense les clichés développés depuis les années 1980 sur Marc-Édouard Nabe.

L’antisémitisme

« Ils ont beau dire le contraire, les sionistes pensent que si on critique Israël, on est automatiquement antisémite. Mais il faudrait prendre le problème à l’envers. Qu’un sioniste critique, ne serait-ce qu’une fois, l’État ou la politique d’Israël, mais d’une façon sérieuse, pas sur un point ou deux anecdotiques, et on verra... »

(« Caca nerveux », J’enfonce le clou, 2004, p. 315)

Le cliché du Nabe antisémite est à la fois le plus ancien et le plus tenace colporté à son sujet. En effet, il est régulièrement associé au nom de l’écrivain lorsqu’il est mentionné dans les médias, et tend même à s’ancrer à mesure que l’on s’éloigne de la sortie de Au régal des vermines (1985), dont la réputation de « pamphlet antisémite » est basée avant tout sur la prestation de son auteur dans l’émission Apostrophes (15 février 1985). L’accusation a été régulièrement réactivée par des personnalités ou d’anciens amis de Nabe, vexés par des textes les concernant, pour mieux cacher les véritables raisons personnelles de leur fâcherie (Michel Polac, Albert Algoud, etc.). Pourtant, Nabe n’a rien d’un antisémite haineux et ne s’inscrit pas dans une tradition française de méfiance hostile ou de répulsion racialiste à l’égard des Juifs, basée sur des stéréotypes ou des clichés éculés. Il joue avec les sentiments de la société française qu’il estime obnubilée par la question antisémite, et s’intéresse davantage au regard que les non-Juifs portent sur les Juifs, en particulier les Français sur ceux qu’ils ont dénoncés allègrement pendant l’Occupation, plutôt sur le monde juif à proprement parler, dont l’expression artistique et la culture l’indiffèrent, sauf exceptions notables (Chaïm Soutine, Simone Weil, Marcel Proust, Franz Kafka, Jésus-Christ, etc.). Les accusations d’antisémitisme sont également portées à son encontre pour son antisionisme, hérité de son anticolonialisme nourri par sa passion pour Malcolm X, Siné ou Jacques Vergès.

Exposé du cliché

L’accusation d’antisémitisme naît le 15 février 1985, sur le plateau d’Apostrophes, lorsque Nabe défend son premier livre, Au régal des vermines, face à Anne Vergne, Louis Julien, Tabary, Jean-Marc Roberts et Morgan Sportès. Lorsque Bernard Pivot lui demande « Vous êtes antisémite ? », Nabe suscite la consternation sur le plateau en répondant « Je ne répondrai qu’en présence de mon avocat : maître Ben Cohen Solal de Schwarzenfeld », façon de dire que seul un juif peut convaincre de l’absence d’antisémitisme d’un individu soupçonné. De plus, sa sortie sur la Licra, ses éloges de Rebatet et de Céline, n’arrangent pas les choses. Et malgré son mépris affiché pour Jean-Marie Le Pen et sa défense d’André Suarès, sa prestation fait scandale au point que Georges-Marc Benamou, journaliste à Paris Poche, se rend en voiture, avec Bernard-Henri Lévy, jusqu’aux studios d’Antenne 2, entre dans les locaux grâce à sa carte de presse, et assène plusieurs coups de poing au visage de l’écrivain, une fois l’émission achevée.[1]. Dès lors, Nabe est systématiquement soupçonné ou accusé d’être antisémite lorsqu’il est interviewé[2] ou quand on critique ses livres.

Lui-même, dans ses propres ouvrages et dans ses articles (notamment dans L’Idiot international) répond à ses critiques d’une façon claire ou ambiguë, c’est selon. Beaucoup d’allusions au monde juif et à Israël, sans parler de sa défense continuelle de Céline et de ses pamphlets, parsèment de nombreux textes (voir les recueils Oui et Non, en 1998, et dans Coups d’épée dans l’eau, en 1999).

Le 17 mai 2000, quelques semaines après la publication du quatrième tome du journal intime, Kamikaze, Michel Polac consacre sa chronique hebdomadaire dans Charlie Hebdo au livre, en s’attaquant à des pages du Journal de Nabe consacrées à la profanation du cimetière juif de Carpentras[3] :

Un ami m’a joué un sale tour : il m’a envoyé la photocopie de pages du Journal de Nabe. J’ai passé une nuit blanche avec l’envie de vomir. Je ne devrais pas parler de cette raclure de bidet, il pourrait s’en servir pour sa pub, mais je suis ahuri qu’un éditeur paye ce type pour écrire ça : des milliers de ragots qui irritent – mais flattent – deux cents habitués du Flore. Je suis encore plus ahuri que ce Nabot soit interviewé complaisamment par la télé, France-Culture... et même France-Inter : est-ce que je peux rester sur une chaîne qui fait la promotion d’un machin pareil où on peut lire, si on atteint la page 3709 (!), mais personne ne s’est donné la peine de lire ces cochonneries à propos de la profanation de Carpentras : « On vient de révéler à la vieille marrante Madeleine Germon que son mari, en fait, n’a pas été empalé, il n’y a pas eu pénétration du trou du cul de Félix par le pieu... », etc., je passe. Le nabot est sournois : il place le pire dans la bouche des autres pour les mouiller. Il fait dire à Luchini qu’après avoir lu les pamphlets de Céline « on les aime un peu moins » (les Juifs, bien sûr, obsession du Céline au petit pied), mais le Nabe se trahit lorsqu’il écrit que « le génial Bagatelles pour un massacre transgresse le tabou », parce que, ça, c’est carrément le vocabulaire codé de Faurisson, des négationnistes et des lepénistes qui, entre eux, vitupèrent carrément les « enjuivés et les youpins » : comme Nabe au bistrot.

La phrase sur Madeleine Germon est sortie du contexte et tronquée pour en donner un sens différent de celui qu’en donne Nabe (voir plus de détails, Dans l’œuvre de Nabe). Tout lecteur du journal de Nabe sait qu’il ne fait rien dire aux gens qui y passent. Bien au contraire, à lire les propos qu'il rapporte on semble entendre le son de leur voix. C’est donc bien Fabrice Luchini qui dit « on les aime un peu moins ». Les propos de Nabe sur Bagatelles pour un massacre (Louis-Ferdinand Céline, 1937) ne se retrouvent ni page 3709, ni dans Kamikaze.

Le 17 octobre 2006, Gérard Miller, chroniqueur de l’émission de Laurent Ruquier, On a tout essayé, lit en face de Marc-Édouard Nabe, invité pour Morceaux choisis (une anthologie de citations de ses 27 premiers livres, classés par thèmes), un pamphlet contenant des citations du Régal des vermines tirées du contexte et réécrites. Il le traite de « salaud » et relance les accusations d’antisémitisme, puisque ses citations seront régulièrement reprises dans les médias (c’est notamment le cas en février 2014, dans On n’est pas couché, animée par Laurent Ruquier, où Frédéric Taddeï doit s’expliquer sur l’invitation faite à Nabe un mois plus tôt, face à Aymeric Caron, qui affirme que Nabe ne s’est jamais expliqué sur ses écrits, alors qu’on lui a lu ses passages en face[4]).

Le 10 janvier 2014, après l’interview de l'écrivain dans l'émission Ce soir (ou jamais !), en plein affaire Dieudonné, un débat se tient avec les invités de l’émission lorsque Frédéric Taddeï revient sur le plateau. Émilie Frèche lui reproche, avec Alain Jakubowicz, d'avoir invité un antisémite, en considérant que ses pages sont « très antisémites »[5].

Frédéric Taddeï : Quand quelqu’un dit que le vrai problème aujourd’hui, c’est le conspirationnisme, c’est le complotisme, qui englobe tous les autres problèmes...
Émilie Frèche : Alors moi, pardon... Alors pour moi, le souci, c’est que tout à l’heure, je vous ai dit que ce qui serait intéressant avec cette affaire, c’est de bouger le discours juridique sur un discours moral et d’éthique. Quelle est votre responsabilité de terminer un débat sur cette question de la liberté d’expression et d’inviter un antisémite sur ce plateau ?
F. T. : Non, je suis désolé...
É. F. : Parce que Marc-Édouard Nabe a publié... Il n’a même plus d’éditeur, tellement ses pages sont antisémites.
F. T. : Pardon, Émilie Frèche... Excusez-moi...
É. F. : Vous terminez l’émission...
F. T. : Je ne termine pas l’émission, je la termine avec vous. Il est venu à part...
É. F. : Il est venu et vous donnez une parole et une tribune, donc il y a une part de responsabilité, comme Soral, comme Renaud Camus, comme tous ces gens-là. Je ne peux pas ne pas vous le dire.
F. T. : Marc-Édouard Nabe a publié des dizaines de livres, des milliers de pages...
É. F. : Très antisémites !
F. T. : ... pour lesquelles il n’a jamais été condamné, excusez-moi.
É. F. : Malheureusement, je ne les ai pas sur moi, mais elles sont abjectes.
F. T. : Non, non, excusez-moi...
É. F. : Elles sont abjectes, les pages de Marc-Édouard Nabe ! Et moi, j’ai le sentiment de m’être faite avoir.
F. T. : Pardonnez-moi, mais ce n’est pas la volonté. Je voulais simplement rebondir sur ce débat, à savoir est-ce que, effectivement...
Alain Jakubowicz : La réponse est dans votre question. Est-ce que le problème n’est pas le conspirationnisme ? En fait, l’antisémitisme est quelque chose de tout à fait secondaire...
F. T. : Ah non, c’est pas du tout ce qu’il a dit !
A. J. : ... qui est parfaitement tolérable.
F. T. : Ce n’est pas ce qu’il a dit.
A. J. : Le seul vrai problème, c’est le conspirationnisme.
F. T. : Alain Jakubowicz, il n’a pas dit ça, il a dit que le vrai problème, c’était le conspirationnisme, qui englobait les autres, dont l’antisémitisme.
A. J. : Voilà, voilà. C’est-à-dire qu’il nie, parce que c’est toute sa thèse. Effectivement, nous n’avons jamais estimé devoir le poursuivre. Honnêtement, pas beaucoup d’intérêt. Franchement, ça serait apporter un intérêt démesuré à quelqu’un et à un pseudo écrivain, qui ne le mérite certainement pas.
Jean Bricmont : Qui décide qui sont les écrivains en France ?
A. J. : Cela étant, si cela vous a échappé, et je suis sûr que cela n’a pas échappé à votre sagacité, c’est que s’il met au sommet de tout le conspirationnisme, c’est bien pour happer tout le reste et pour nier tout le reste.
J. B. : Ça, c’est l’attitude des curés de ma jeunesse. Vous voyez de l’antisémitisme partout, même dans le fait qu’on fait venir Nabe, qui tape sur Dieudonné et Soral...
É. F. : Mais lisez ses livres, monsieur ! Lisez ses livres !
J. B. : Attendez, qui s’attaque au conspirationnisme, on dit qu’il s’attaque au conspirationnisme pour ne pas s’attaquer à l’antisémitisme.
É. F. : Il traite les Juifs de chiens.

Ayant quitté l’émission après son passage, Marc-Édouard Nabe ne répond pas, mais fera allusion aux propos d’Émilie Frèche dans Patience 2 (2015).

Dans une tribune publiée dans Le Monde le 23 janvier 2014, le journaliste Michaël Prazan cherche à inscrire Dieudonné dans l’histoire de l’antisémitisme français d’après-guerre, considérant qu’il passe par « un mode humoristique, parodique, bouffon, d'être toujours accompagné d'une forme de moquerie, de dérision et d'outrance », avant d’écrire que les « écrivains antisémites, de Céline à Marc-Édouard Nabe, n'échappent pas à cette règle »[6]. Interrogé le 30 janvier 2014 sur les invitations par Frédéric Taddeï de Dieudonné et de Marc-Édouard Nabe, Frédéric Haziza déclare : « Quant à Marc-Edouard Nabe, il a notoirement publié des écrits violemment antisémites. Frédéric Taddeï n'avait pas forcément besoin de lui accorder une sorte de place de Grand témoin dans son émission.[7] »

Le 12 septembre 2018, l’article Wikipédia consacré à Marc-Édouard Nabe est modifié par un contributeur inscrit le même jour (« ErfNarf ») et n’ayant modifié que ledit article, pour ajouter une section, « Accusations d’antisémitime » :

« Marc-Édouard Nave [sic], qui se présente comme un “antisioniste viscéral”, fait l'objet depuis la parution de son premier livre d'accusations non seulement de racisme, mais aussi et surtout d'antisémitisme. Cela lui a valu d'être ostracisé dans une partie des milieux culturels. Il a été défendu dès 1986 par Jean-Edern Hallier dont il a fait partie de l'entourage et qui l'a présenté comme un écrivain “marginalisé par une bande de cons de la critique littéraire”.
Malgré le boycott dont il a fait l'objet dans certains médias, Nabe a conservé l'appui de diverses personnalités, notamment l'animateur Frédéric Taddeï qui l'a reçu à diverses reprises dans son émission Ce soir (ou jamais !). L'animateur a fait régulièrement l'objet de critiques pour sa propension à inviter Nabe.
En 2011, quand Marc-Édouard Nabe publie L’Enculé, son roman consacré à l'affaire Dominique Strauss-Kahn, le critique littéraire Marc Weitzmann qualifie ce livre, dans Le Monde, de “pamphlet obscène et antisémite” et dénonce la “complaisance” dont son auteur fait l'objet de la part de “figures influentes du Paris littéraire”. Citant de nombreux passages insultants et scabreux contenant des allusions à la judéité d'Anne Sinclair et d'autres personnalités, le journaliste conclut que Nabe exprime dans ce livre une “abjection” qui confine “à la bêtise la plus foireuse, à la médiocrité littéraire la plus crasse, à la perversion la plus ordinairement suicidaire”. »

Dans l’œuvre de Nabe

Au régal des vermines (1985)

Marc-Édouard Nabe se présente davantage comme un antisioniste. Dans Au régal des vermines, il s'attaque à Israël :

« Israël est une erreur historique irréparable puisque Jésus lui-même avait considéré les Juifs comme apatride. Tout est là. C'est un peu gros que l'ONU ait renvoyé les condamnés du christianisme sur les lieux de leurs crimes. Cet Exodus est hitchcokien ! Comment supporter que le monde soit à feu et à sang pour trois millions de Juifs qui, sous prétexte que leurs ancêtres étaient là avant tout le monde, bafouent le blocus, occupent la Jordanie et colonisent un peuple sans intérêt. Ce n'est pas parce qu'ils avaient bénéficié de la civilisation occidentale pour y avoir vécu et habité et même parfois l'avoir dépassée qu'un désert doit se transformer soudain en terrain de chasse pour Palestiniens.[8] »

Dans le même livre, il consacre un court chapitre sur les Juifs, en appuyant sur le sentiment de culpabilité de la France quarante ans après le génocide des Juifs, organisé par l’Allemagne nazie, sentiment développé à partir de la fin des années 1970, quand ce génocide a pris une véritable place dans la mémoire dans la Seconde Guerre mondiale :

« Sous l’égide de Bloy, Céline et Rebatet, on m’attendait au tournant. J’y suis : je ne ferai pas l’économie d’un tel débat. Du moment que je vomis le monde entier, il n’y a aucune raison pour que les Juifs soient exclus de ma gerbe d’or... C’est ce que je croyais pouvoir dire. Hélas ! La France n’est pas prête pour ce genre de logique. Très instructif. Après quatre ans de honte bue, le pays du Déshonneur même se sent assez blanchi pour redouter les sarcasmes d’un petit illuminé ! Si je n’étais pas moi, je verrais ça comme un signal pertinent de démocratie ! Je ne vais pas me plaindre. La censure, je l’ai toujours bien enculée, et dans cette page mieux que jamais.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la littérature a ses limites. On tolère tout ce que je veux comme rhétorique odieusement cynique, toute ma machinerie d’ironie acerbe et mon alchimie des premiers degrés, mais sur des sujets dont tout le monde, après tout, se fout : Monk, les Noirs, mon corps, les livres, le Jazz, la vie... Tout sauf les Juifs ! Là ça coince, là je vais trop loin, je bave. C’est intéressant qu’en 1984 un garçon de vingt-cinq ans, appartenant à une génération qui revendique de n’avoir plus rien à foutre des horreurs de la guerre, n’ait pas le droit de plaisanter dégueulassement sur les Juifs. Le mauvais goût et les douleurs, ça ne discute pas[9] »

Suit un passage sur les Juifs dans le Régal, inspirée du Salut par les Juifs de Léon Bloy, publié en 1892 en réaction à La France juive d’Édouard Drumont[10], puis d’une exégèse des pamphlets de Louis-Ferdinand Céline.

Au printemps 1995, la revue Les Écrits de l'image publie un dialogue entre Marc-Édouard Nabe, Jackie Berroyer, Hector Obalk, Frédéric Taddeï et Stéphane Zagdanski qui tous les cinq regardent et analysent l'émission dix ans après. En se regardant, Marc-Édouard Nabe commente son passage : « Je sais que je viens de me suicider, mais je ne sais même plus comment. Avec une corde, du cyanure, un revolver ? Avec un peu d'habileté, j'aurais pu m'en sortir. J'étais à la fois trop innocent et trop coupable. Ça ne tient vraiment pas à grand-chose... Dix ans d'ostracisme pour trois phrases à côté, c'est cher payé, mais je ne regrette rien[11]. »

Kamikaze (2000)

En 2000, la publication de Kamikaze, quatrième tome du journal intime, donne lieu à une polémique autour du traitement réservé par Nabe à la profanation du cimetière juif de Carpentras (mai 1990). Le 17 mai 2000, Michel Polac attaque l’écrivain dans Charlie Hebdo (voir Exposé du cliché), prétendant que Nabe se moque des victimes de la profanation et leurs familles, en citant une phrase tirée de la page 3709, pour en tronquer le sens et faire croire que Nabe se moque des Juifs : « On vient de révéler à la vieille marrante Madeleine Germon que son mari, en fait, n’a pas été empalé, il n’y a pas eu pénétration du trou du cul de Félix par le pieu... ». En réalité, Nabe s’attaque à l’emballement médiatique autour de la profanation, dont aucune conclusion d’enquête n’était connue au moment de l’organisation de la grande manifestation, à laquelle François Mitterrand avait lui-même participé, fait rare pour un président en exercice :

« Lundi 14 mai 1990. - [...] La manif est ouverte par le président de la République himself, le Moïse socialo qui descend dans la rue, comme n’importe quel citoyen, entre Guy Bedos et Christophe Dechavanne, et escorté par Yvan Levaï et Jack Lang, pour exprimer son “indignation”, toute la honte d’une France qui ne se pardonne pas d’avoir collaboré pendant quatre ans et qui, pour blanchir ses pères responsables, va jusqu’au bout du sado-masochisme en punissant leurs enfants mal élevés à leur place. Je tombe à la renverse d’apoplexie. Même Bernard-Henri Lévy dans Le Figaro (sic !) fait savoir qu’il ne veut pas parler de Carpentras, il veut prendre du recul, c’est trop. Surtout depuis qu’on vient de révéler à la vieille marrante Madeleine Germon que son mari, en fait, n’a pas été empalé : il n’y a pas eu de pénétration du trou du cul de Félix par le pieu mais simplement simulacre de sodomie en plaçant l’objet pointu entre les jambes du macchabée exhibé... Je crois même que l’exploitation éhontée de « L’Outrage » (comme a titré Libé) ne peut que se retourner contre les grands orchestrateurs quels qu’ils soient de cette vile comédie, de cette opérette d’épouvante, de cette mascarade de sentiments...[12] »

Le cas de Félix Germon avait fait grand bruit dès la découverte de la profanation, le 10 mai 1990 : Laurent Fabius, en qualité de président de l’Assemblée nationale, avait évoqué, dans le journal de 20 heures de TF1, un fake news avant la lettre : « un manche de pelle enfoncé dans l'anus ». Dans son journal, Nabe consacre huit pages à l’affaire et à l’emballement médiatique qu’elle suscite.

Sauver Siné (2008)

En septembre 2008, dans son tract consacré à l’« affaire Siné », Sauver Siné, déclenchée après le licenciement du dessinateur par le directeur de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, Philippe Val, Nabe écrit :

« Il y en a marre de réfuter cette accusation d’antisémitisme, il faut l’accepter comme Jean Genet, le maître de Siné, le préconisait : répondre oui à tout ce dont on vous accuse même si c’est faux. Intéressante, l’amitié Genet/Siné… Lui aussi, j’en suis sûr, aurait fait partie de ces « mecs » qu’on préfère éviter à Siné Hebdo… C’est un honneur aujourd’hui, c’est même un devoir, d’accepter d’être accusé d’antisémitisme par des gens tels que Val, Askolovitch, Adler, Joffrin, Slama, Jean-Luc Hees, etc.
J’en ai marre de ces bourgeois qui pleurnichent parce qu’on risque de les prendre pour des gens qui n’aiment pas les Juifs ! Moi, j’aime les Juifs mais je les combats quand ils nient qu’ils sont tous pro-israéliens. Je ne fais ni semblant de les aimer en fermant ma gueule, ni semblant de ne pas les détester en l’ouvrant sur un autre sujet, technique que tant de faux-culs pratiquent. Au fait, c’est quoi être antisémite aujourd’hui ? C’est vouloir détruire tous les Juifs comme Hitler le voulait ? Ou bien c’est juste refuser de se plier au chantage à la Shoah martelé par certains Juifs culpabilisateurs et beaucoup de goys culpabilisés dans le seul but que tout le monde ferme sa gueule sur Israël ? Si être antisémite, c’est la seconde option, alors il faut être fier d’être traité d’antisémite.[13] »

Le Vingt-septième Livre (2009)

Dans la préface de la réédition du Régal en 2006, Le Vingt-septième Livre (publiée en plaquette séparée en janvier 2009 au Dilettante), Nabe revient sur son parcours, notamment sur ses débuts et son passage à Apostrophes. Comme dans le Régal, il parle d’une psychose française de l’antisémitisme :

« Sur ce sujet, tout le monde se sent obligé d’y aller de son petit couplet pleurnichard forcé, alors que la plupart n’en ont rien à foutre au fond, mais ça leur garantit le soutien et la “protection” des intéressés. J’espère que ceux qui ont vraiment souffert de l’Holocauste ne sont pas dupes de tous ces larbins hypocrites de la deuxième ou troisième génération qui ont sans doute un cadavre en chemise noire, brune ou vert-de-gris dans leur placard... Moi, je n’ai jamais eu peur, contrairement à beaucoup de goys zélés qui leur font toute la journée de la lèche, de dire aux Juifs ce que je pensais de leur histoire (et de leur géographie), de leur culture, de leur humour, de leur art, toutes sortes de choses que je suis tout à fait capable d’apprécier si on me laisse aussi les critiquer. À partir du moment où ça devient interdit, je mords. J’estime en avoir le droit parce que je ne suis pas d’un âge qui a quoi que ce soit à se reprocher. À peine français depuis deux générations, sans passif collabo dans ma famille, et né bien après la Seconde Guerre mondiale, je n’ai pas à me sentir coupable de ce que je n’ai pas vécu. Ça va cesser un jour, cette névrose “vrounzaise” ?[14] »

Les Porcs tome 1 (2017)

En 2017, dans le premier tome des Porcs, où Nabe finit de décortiquer l’affaire Siné (il le fera également, autrement, dans Patience 2, 2015), l’écrivain revient dans un chapitre (Chapitre XCII « Y a bon barbare ! ») sur le meurtre d’Ilan Halimi en 2006, par le « gang des barbares » dirigé par Youssouf Fofana[15]. Nabe raconte comment Halimi a été la victime de Fofana, pour extorquer de l’argent à la communauté juive. À côté des descriptions moqueuses sur la bêtise et la paresse de Fofana, qui avait envisagé dans un premier temps de kidnapper des personnalités juives connues (Jérôme Clément, Rony Brauman) avant de se rabattre sur un vendeur de téléphones portables, Nabe s’en prend à l’exploitation politique du fait divers :

« Une nouvelle vague énorme d’anti-antisémitisme, portée par les plus hypocrites hommes politiques et personnalités, déferla alors sur la France. Pour une fois qu’ils tenaient un véritable fait divers antisémite, les chevaliers franchouillards de la bonne conscience n’allaient pas se priver ! »

Nabe conclut son chapitre par ce paragraphe :

« Ilan Halimi était peut-être un Juif, mais c’était un martyr, et Youssouf Fofana était peut-être un Noir, mais c’était une ordure. C’est devant ce genre de problématique pourtant facile à résoudre que bientôt Dieudonné sècherait. »

L’apologie du terrorisme

« Je ne fais pas l’apologie du terrorisme, mais celle de la résistance, tant pis si les collaborateurs appellent ça du terrorisme. »

(Regarde les hommes changer, Europe 1, 5 janvier 2006)

Le cliché d’un Nabe apologiste du terrorisme islamiste se développe particulièrement avec la sortie de Patience 1, en décembre 2014. La concomitance de la publication du premier numéro de la revue, qui portait sur l’État islamique, avec les attentats à Charlie et à l'Hyper-Cacher de janvier 2015 a été exploitée par les ennemis de l’écrivain dans l’espoir de lui attirer des ennuis judiciaires. La sortie du numéro 2 de Patience « enfonçant le clou » en développant les réflexions autour de ces attentats n'a rien arrangé. La plupart des attaques contre Nabe venaient de la sphère complotiste visée dans son fameux pamphlet annoncé et à venir. Cependant, l’accusation a rapidement dépassée les cercles « complotistes » ou « dissidents » pour être récupérée par des journalistes (Conspiracy Watch), voire des universitaires (Gilles Kepel), qui sont devenus autant de sources pour l’article négatif de Wikipédia sur Marc-Édouard Nabe, stigmatisant l’écrivain comme « apologiste du terrorisme islamiste ».

Exposé du cliché

En décembre 2014, sur son site lelibrepenseur.org, Salim Laïbi, ancien webmaster de Marc-Édouard Nabe de 2004 à 2009, devenu depuis un de ses pires ennemis, évoque le contenu de Patience 1, sur l’État islamique, moins de quinze jours après sa sortie, en le mêlant à l’ exposition Hara-Kiri, organisée par Nabe[16] :

« Quant aux dessins, le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont choquants et qu’ils ne manqueront pas de heurter les regards pudiques, notamment ceux de Daesh dont il fait — allez comprendre pourquoi — l’apologie. Un bis repetita lamentable de son histoire abracadabrante du 911. Son délire est de plus en plus inquiétant et il est plus que jamais irrécupérable. Le talent n’excuse pas tout, le nabot, car un raisonnement imbécile restera toujours un raisonnement imbécile. On relève néanmoins de tout cela, qu’effectivement, dèche rime parfaitement avec Daesh. Il n’a qu’à leur demander de lui céder quelques dollars des 65.000 barils qu’ils vendent chaque jour à moitié prix ! D’ailleurs, on se demande bien qui achète du brut à une entreprise terroriste, si ce n’est les mêmes Occidentaux criminels, complices du 911… Malheureusement, cette évidence n’effleurera jamais le cerveau fatigué du nabot scato. »

Sans plus attendre, le 19 janvier 2015, profitant de l’émotion suscitée par les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, Salim Laïbi continue sur sa lancée en qualifiant Patience 1 d’« apologie du terrorisme »[17] :

« C’est extraordinaire, fabuleux, magique, ahurissant : Marc-Édouard Nabe, de son vrai nom Alain Zannini, dresse une apologie du terrorisme daechien la plus abjecte, sans conséquence aucune ! Alors qu’une soixantaine de personnes ont déjà été jugées en France pour de minuscules messages twités, le nabot scatophile fait dans l’apologie grandiloquente sur 80 pages grand format et n’est pas dérangé le moins du monde !!! Othman Dahouk, 16 ans, est jugé actuellement pour un simple avatar Facebook « Je suis Kouachi ». Pire encore, c’est les Inrocks du bankster Pigasse (depuis 2009) qui lui ouvre ses colonnes ! Comme de coutume, il aura sa petite émission chez F. Taddéi pour faire sa petite promo trenkil… sur Radio France ! Manque plus que FOG et feu Chancel… C’est à en perdre son latin ! »

Dans le même article, Salim Laïbi appelle à la délation, en invitant ses lecteurs à signaler Nabe aux autorités :

« J’invite les internautes exaspérés par ce malade mental scatophile, donneur de leçons à l’adresse des musulmans, de le signaler à #Pharos pour vérifier si l’État prévient oui ou non les discours exaltant le terrorisme ou seulement lorsqu’il est question de jeunes mineurs voire attardés mentaux alcoolisés. À vos claviers, on verra bien si le nabot gardera la langue aussi pendue en GAV. Je suis à la fois impatient et curieux de savoir comment il développera sa vision esthétique de la décapitation de milliers de civils désarmés, sans jugement… Qu’il explique s’il est toujours pro Daech après les attentats de Paris (car il se fait très discret aussi bien sur son site que son compte Twitter) ! Il prendra certainement pour avocat le très LGBT Emmanuel Pierrat et la boucle sera ainsi bouclée. Impatience quand tu nous tiens. »

En décembre 2015, l’universitaire Gilles Kepel évoque Marc-Édouard Nabe et sa revue Patience dans son livre sur l’islamisme en France, Terreur dans l’hexagone :

« Une autre apologétique de cette guerre psychologique djihadiste l’inscrit dans deux registres différents, mais qui convergent désormais dans une remise en cause de l’ordre du monde dominé par l’Occident. Les radicalismes d’extrême droite et d’extrême gauche y voient, pour le premier, la lutte victorieuse contre le “sionisme”, et, pour le second, la continuité de la “résistance anti-impérialiste” du dernier quart du siècle écoulé. On en a deux exemples éloquents, au moment même où Lunel se trouve sous les feux de la rampe, avec, d’une part, Marc-Édouard Nabe, auteur polémiste sulfureux, compagnon de route des “conspirationnistes” Soral et Dieudonné avant de les abjurer pour se faire le thuriféraire de Daesh, et, d’autre part, Illich Ramírez Sánchez universellement connu sous son pseudonyme de Carlos, auteur de nombreux attentats liés à la défense de la cause palestinienne pendant la décennie 1980.
En décembre 2014 paraît la première livraison de Patience, un périodique publié et rédigé par Marc-Édouard Nabe. Se revendiquant de l’héritage de Céline jusques et y compris Bagatelles pour un massacre, cet écrivain, musicien et dessinateur, fils du chanteur italo-gréco-ottoman Marcel Zanini (interprète du tube Tu veux ou tu veux pas en 1970), a été également caricaturiste pour Hara-Kiri Hebdo (le prédécesseur de Charlie) dans sa jeunesse. Un temps voisin de Michel Houellebecq, dont il envie le succès, se voulant enfant terrible d’un monde médiatico-littéraire parisien qui l’aurait marginalisé pour antisémitisme, il se rapproche de la mouvance antisioniste soralienne avant de participer à son implosion et de multiplie les effets d’annonce sur la prochaine parution d’un fort volume dénonçant les compromissions de la Dieudosphère et d’Égalité et réconciliation avec l’Iran et la Syrie de Bachar el-Assad.
Patience, dont le titre donne un avant-goût (le livre n’est pas paru à la rédaction de ces lignes), s’orne en couverture d’un photomontage provocateur reprenant l’image de l’exécution par égorgement de l’otage américain James Foley par le Palestino-Britannique Abdel-Majed Abdel Bary, où la tête de l’exécuteur est remplacée par celle de l’auteur, tandis que le visage de Dieudonné est substitué à celui de l’otage, et que l’effigie de Soral, vêtu de la combinaison orange, figure en cartouche. Mais par-delà les guerres picrocholines récurrentes propres à ce milieu, cette publication de soixante-trois pages se signale par un panégyrique de Daesh rédigé dans le style fleuri et ordurier qui est la signature de Nabe.
Mêlant à l’habitude de son auteur abjection et fulgurances, atteinte à la mémoire des morts et exaltation, Patience témoigne à sa manière des passerelles établies entre un salafisme auquel l’auteur ne comprend rien et les causes de toutes sortes dont il se fait le porte-voix pourvu qu’elles lui semblent lutter contre un “système” qui n’a pas reconnu son talent. Le texte est illustré d’une cinquantaine de photographies, dont la plupart sont des scènes d’exécution et d’égorgement dans leur moment le plus insoutenable, quasi pornographique, ainsi que des photos “de charme” qu’Hervé Gourdel, le guide de haute montagne décapité en Kabylie en septembre 2014 par les adeptes locaux de Daesh, publiait sur son site Internet, la reproduction de ces dernières étant destinée à se moquer de la victime.
En décembre 2014, le frère aîné du Lunélien Houssem, Hamza, arrêté à la fin du mois suivant, envoie à la famille de Raphaël un dossier JPEG reproduisant la première livraison de Patience, dont il a retiré, salafisme oblige, les clichés érotiques de l’infortuné guide niçois. Il entend ainsi justifier l’émigration et le “martyre” de Raphaël, en empruntant les mots éloquents d’un “Blanc” et d’un non-musulman dont la rhétorique en faveur de Daesh n’est pas religieuse et à qui il prête une force de conviction personnelle, qui dépasse les milieux islamiques.
Un passage a été coché par l’expéditeur. Nabe s’y donne d’abord, toutes proportions gardées, des accents hugoliens célébrant l’épopée dans la Grande Armée napoléonienne, avant de s’essayer à la sociologie bourdieusienne :
On n’imagine pas la variété des moudjahidines, convertis ou pas, autochtones ou immigrés, qui constituent cette vaste armée en marche ! Quels mélanges ! Le califat est un vivier aussi riche que la Légion Étrangère ! Baghdadi donne aux étrangers 1 000 dollars par mois [beaucoup moins selon la plupart des témoignages], et ils sont vingt mille personnes : faites le compte. C’est mieux que le RSA. [Passage tronqué par G. Kepel : « À Raqqa, il y a plusieurs quartiers de djihadistes : le Français, le Belge, l’Anglais, l’Allemagne, le Maghrébin, le Tchétchène, l’Autrichien ! Ça bavarde toute la journée, ça enregistre des clips de professions de foi dans toutes les langues !... C’est le terrorisme de Babel. Et arrêtez, avec les grottes ! Ils vivent dans des maisons réquisitionnées, piquées aux huiles bacharistes qui travaillaient dans le pétrole et qui ont fui. Il faut imaginer les djihadistes en effet dans leur village au bord de leur piscine, mais pas à Miami, à Alep ! Ça change tout ! »] C’est ça que ne comprennent pas les médias : il y a des idéalistes et des aventuriers. Aucun bourrage de crâne par Facebook ne donnera une explication satisfaisante à l’élan qui pousse ces hordes de jeunes à partir casser du mauvais musulman et du Yankee, son complice. [Passage tronqué par G. Kepel : « Les djihadistes de Daech croient en ce qu’ils ont à faire. La plupart sont convaincus par l’impérativité de quitter cet Occident vermoulu pour construire quelque chose de plus solide : le Califat. Ils n’ont eu besoin de personne pour s’autocoraniser... »] C’est mal connaître la jeunesse en soi que de ne pas pouvoir concevoir que, à quinze ans, on peut être idéaliste !
Ne jamais croire en la sincérité d’une action, c’est le point commun des officiels et des conspis [pour “conspirationnistes”, la mouvance Soral-Dieudonné]. Pour les gens du système, le djihadiste est forcément manipulé par les terroristes, et pour les antisystèmes, il est également manipulé, mais par l’Empire [en référence au livre homonyme d’Alain Soral qui désigne par là les forces du Mal-américano-sionistes]. [Passage tronqué par G. Kepel : « Dans les deux cas, personne n’envisage l’authentique conviction de l’homme ou de la femme de foi. »] C’est pourtant simple : ils ont vécu le désœuvrement et l’humiliation dans leurs barres sinistres, leurs écoles à se flinguer, leurs boulots minablissimes, et veulent échapper, grâce à Allah, à la tristesse de la vie en colonie : [Passage tronqué par G. Kepel : « Car la France est en effet une colonie maghrébine, mais pas dans le sens où l’entend Éric Zemmour ! Lui croit que les Français sont désormais colonisés par leurs ex-colonisés d’Algérie (ce qui ne serait que justice). Non,] les Arabes sont toujours colonisés par les Français, mais cette fois pas en Algérie : en France !
La prose de Nabe, dont on ne cite pas ici les envolées les plus obscènes, est congruente, dans ce court passage, avec la vision idyllique que s’est faite Raphaël de la vie à Raqqa une dizaine de jours avant son envol fatal.[18] »

Dans ce passage, Gilles Kepel multiplie les raccourcis, les contre-sens et les erreurs factuelles. D’abord, il oppose Marc-Édouard Nabe à Carlos, les rangeant dans des catégories politiques inadaptée (l’extrême-droite pour l’un, l’extrême-gauche pour l’autre) et ignore que Carlos a écrit dans La Vérité entre 2003 et 2004. Ensuite, Nabe n’a pas été le compagnon de route de Soral et Dieudonné, au sens donné à l’expression du temps de l’Union soviétique : un sympathisant du communisme, sans appartenir au parti. Nabe n’a adhéré ni à la liste anti-sioniste ni au complotisme de Soral et de Dieudonné. Aussi, ce n’est pas Nabe qui s’est éloigné d’eux, mais Soral qui, en 2010, après l'avoir attaqué dans un journal (Flash), a provoqué lui-même la rupture. La biographie est faussée : Nabe n’a pas été caricaturiste pour Hara-Kiri Hebdo : Nabe ne fait pas de caricature, à la manière d’un Cabu par exemple, et il avait 11 ans quand Hara-Kiri Hebdo a disparu (interdit le 17 novembre 1070 après la Une « Bal tragique à Colombey : un mort », pour plaisanter sur la mort du général de Gaulle) ! Nabe n’a jamais travaillé dans Charlie-Hebdo. C’est dans le mensuel Hara-Kiri que Marc-Édouard Nabe a publié des dessins d’humour entre 1974 et 1975. Sur Michel Houellebecq, Nabe a détaillé son rapport à son ancien voisin (rue de la Convention, entre 1991 et 1999) dans Le Vingt-septième Livre, paru en 2005 en préface de la réédition de Au régal des vermines, puis en 2009 en plaquette séparée.

En ce qui concerne l’extrait de Patience, Kepel prétend avoir expurgé lui-même le texte des « envolées les plus obscènes », alors qu’il ne s’agit que de quelques phrases qui restituent le véritable sens du passage. Nabe ne pousse pas les jeunes au djihad, mais explique pourquoi certains sont séduits. Kepel ne résume pas Patience, ni le place dans le travail de Nabe, auquel l’auteur ne comprend rien, contrairement ce que l’on pourrait attendre d’un universitaire (la pagination est fausse : le premier numéro de Patience ne fait pas 63, mais bien 80 pages). D’ailleurs, si Terreur dans l’hexagone fait référence aux attentats du Bataclan survenus un mois plutôt, il fait l’impasse sur Patience 2 pourtant paru en août 2015, sur J’enfonce le clou (2004) et Une lueur d’espoir (2001), c’est-à-dire des textes dans lesquels Nabe s’exprime sur le terrorisme et qui éclairent, même a posteriori pour les deux derniers titres, les positions tenues dans Patience 1.

Dans un article publié le 2 janvier 2018 sur le site Conspiracy Watch, Yann Barte dresse un portrait à charge du vidéaste Usul, en détournant une citation de ce dernier au sujet de Marc-Édouard Nabe[19]. Dans un débat enregistré durant l’été 2015, Usul faisait allusion à la conférence donnée par Nabe, avec Tariq Ramadan et Nabil Ennasri, à Lille, en mars 2012, portant sur le « printemps arabe », et déclarait son admiration pour son combat anti-complotiste :

« Marc-Édouard Nabe, je l’ai vu faire des trucs assez extraordinaires. Je l’ai vu aller voir des assoces de musulmans pour leur dire “Arrêtez, ce n’est tout de la faute des Juifs, il y a des problèmes sociaux”. [...] Il est allé voir des gens qui étaient plutôt mouvance soralienne, des associations musulmanes qui étaient assez antisémites, assez “tout est de la faute du complot juif, machin...” et il leur a dit “Mais arrêtez ! C’est une vision simpliste à la con” [...] J’ai pas mal de respect pour Marc-Édouard Nabe. »

L’auteur de l’article, Yann Barte, qualifie Marc-Édouard Nabe d’« écrivain d’extrême droite » et ramène le propos d’Usul, évoquant clairement la conférence de Lille en 2012, à Patience 1, publié en décembre 2014, et à ses positions sur le terrorisme, sans qu’il n’y ait de lien :

« Usul a donc du “respect” pour un écrivain qui rêve d’une réconciliation entre Daech et Al-Qaïda “contre la Coalition” et fait l’apologie du terrorisme, de l’État islamique et de la décapitation, au point de voir les écrits de son magazine Patience repris dans un numéro de la revue Dâr al-Islâm de Daech (dix pleines pages dans le n°7 du magazine djihadiste !). Le 7 janvier 2015, lors d’un vernissage, Nabe exulte à l’annonce de chacun des morts de la rédaction de Charlie Hebdo [allusions à la vidéo tournée par Nabe et son équipe le jour-même des attentats, voir Éclats de Nabe numéro 1]. Il saute même de joie quand il apprend l’assassinat de Charb, “j’aurais vécu ça, ici avec vous” lançait ce proche de l’animateur Frédéric Taddeï[20], encore tout émoustillé. “Respect”, en effet… »

En septembre 2018, l’article Wikipédia consacré à Marc-Édouard Nabe est modifiée par un contributeur inscrit le même jour (« ErfNarf ») et n’ayant modifié que ledit article, pour ajouter une section portant sur « Apologie du terrorisme » :

À compter des années 2000, Marc-Édouard Nabe fait publiquement l’éloge du terrorisme islamiste. Après les attentats du 11 septembre 2001, qui lui inspirent le livre Une lueur d’espoir, il se félicite de la “raclée apocalyptique” infligée aux “criminels de la civilisation de néoconservation“ et présente Oussama ben Laden comme un défenseur des opprimés.
Par la suite, Nabe fréquente pendant un temps Alain Soral et Dieudonné, mais il finit par se brouiller avec eux en raison de leur croyance aux théories du complot sur le 11 septembre, alors que lui-même glorifie ces attentats et les considére comme un acte de résistance. Il écrit ensuite le lire [sic] Les Porcs 1 pour dénoncer la mouvance conspirationniste.
Dans les années 2010, y compris après les attentats de janvier 2015 et ceux de novembre, il réitère son soutien au djihadisme. Il se félicite publiquement de l'attentat contre Charlie Hebdo, et notamment de la mort de Charb, fait l'éloge des décapitations commises par les djihadistes et dit rêver d'une réconciliation entre Al-Qaida et l'État islamique. Le politologue et spécialiste de l'islam Gilles Kepel le présente en 2017 comme un “thuriféraire de Daesh”. Dans sa revue auto-éditée Patience, il se livre à un panégyrique de l'organisation terroriste en célébrant son idéalisme, ses forces armées et la générosité de ses chefs. Ses textes sont accompagnés d'images d'exécutions et d'égorgement diffusées par l'État islamique. Il écrit notamment, dans Patience, “J’adore Al-Qaïda, et Al-Zawahiri ient magnifiquement la barre après l’exécution dégueulasse d’Oussama. Mais le projet de Baghdadi et de l'État islamique va naturellement dans le sens de l’histoire.” Sa prose est longuement analysée et mise en avant dans Dar Al Islam, le magazine en ligne francophone de l'État islamique. Kepel range les écrits de Nabe parmi les exemples de l'attrait que le djihadisme exerce sur certaines radicalités politiques de gauche ou de droite. Dans le cas particulier de Nabe, il analyse ses positions comme “des passerelles établies entre un salafisme auquel l'auteur ne comprend rien et les causes de toutes sortes dont il se fait le porte-voix pourvu qu'elles lui semblent lutter contre un "système" qui n'a pas reconnu son talent”.
Les écrits de Nabe lui valent de devenir populaire parmi les sympathisants français de l'État islamique. En juin 2017, il reçoit personnellement un communiqué signé par les “soldats du Califat en France” et menaçant la France de représailles, et le relaie ensuite sur Twitter. L'authenticité de ce communiqué est cependant mise en doute par les spécialistes, qui évoquent la possibilité d'une imposture. »

La fixation wikipédiesque sur une prétendue « apologie du terrorisme » tend à réduire Nabe à cet aspect déformé de son œuvre et ne peut qu’être malveillante puisqu’elle ne cite que des sources à charge (c’est d’autant plus vrai que l’authenticité du communiqué de 2017 a été établie dans les jours qui ont suivi l’attentat raté des Champs-Élysées). Malgré l’opiniâtreté de quelques contributeurs, les passages ont été maintenus et n’ont connu que des modifications de pure forme.

Dans l’œuvre de Nabe

Marc-Édouard Nabe se définit comme anti-colonialiste, dans la lignée de Jean Genet, Jacques Vergès ou Siné[21]. Si ses analyses sur le terrorisme islamiste en France lui ont valu d’être qualifié d’apologiste (mais jamais inquiété par la justice, malgré de nombreux signalements, en particulier de Salim Laïbi), Marc-Édouard Nabe fait du terrorisme un thème parmi d’autres de sa littérature, quand il apparaît dans l’actualité. Surtout, Nabe ne se limite pas au terrorisme islamiste, particulièrement développé au début du XXIe en Occident avec le 11-Septembre, mais s’intéresse à toutes ses formes, chrétien comme d’extrême-gauche, dans toutes les périodes de l’histoire (de l’anarchisme de la fin du XIXème aux années Baader dans le XXème). Dans ses textes et ses interventions, le souci du sens des attentats est omniprésent.

Journal Intime

Le question du terrorisme apparaît dans la littérature de Marc-Édouard Nabe avec la publication dans les années 1990 de son journal intime des années 1980. Dans Inch’Allah, il suit le procès de Georges Ibrahim Abdallah, défendu par maître Jacques Vergès[22]. Abdallah, arabe chrétien et militant communiste, membre du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), est emprisonné en France depuis 1984. Dans son journal, Nabe reproduit intégralement la déclaration d’Abdallah prononcée lors de l’ouverture de son procès, le 23 février 1987[23] :

« J’aurais bien voulu voir autrement qu’à la télévision l’entrée d’Abdallah en chemise blanche, bien barbu, lisant “d’une voix douce sa déclaration”... Le Nouvel Obs de cette semaine (que je trouve au village chez le marchand de journaux manchot) la publie en entier, “dans sa brutalité” comme disent les abrutis...
Quelle brutalité ? C’est une merveille, un chef-d’œuvre ! Aussi belle que celle de l’anarchiste Émile Henry à son procès en 1894, la déclaration de G. I. Abdallah est à apprendre par cœur. C’est la leçon politique de notre temps. C’est la salir que de l’avoir publiée dans ce torchon pour bien-pensants qu’est Le Nouvel Observateur. Elle n’a rien à foutre là. Je la recopie dans un vrai journal ! Digne de ce nom ! Au cas où elle s’envolerait dans le vent de l’histoire, il faut pouvoir la relire sans cesse.[24] »

À noter : Nabe reste certainement le seul à non seulement « donner la parole » aux terroristes mais à publier leurs déclarations pour la plupart du temps occultées ou tronquées par les médias officiels. Depuis le discours d’Abdallah, on pourra ainsi trouver dans les livres de Nabe les propos exacts des revendications de Ben Laden, des frères Kouachi et de Coulibaly, pour ne rien dire des lettres de Carlos adressées personnellement à Marc-Édouard Nabe.

Une lueur d’espoir (2001)

La question du terrorisme prend une véritable place dans l’œuvre de l’écrivain quand elle s’installe durablement dans l’actualité et le quotidien occidental, après les attentats du 11 septembre 2001, perpétrés par al-Qaeda sur le sol américain. Début novembre 2001, Marc-Édouard Nabe publie le premier livre d’écrivain sur le 11-Septembre, Une lueur d’espoir. Dans son texte, il tourne en dérision les commentaires médiatiques autour des attentats, qui tournent autour de l’attentat tout en échouant à en expliquer les raisons :

« C’est la Grande Masturbation médiatique ! Les superlatifs, pour une fois, ne sont pas de trop. Oui, il s’agit des attentats terroristes les plus meurtriers de l’Histoire ! Oui, les tours du “World” sont les plus hautes de l’univers ! Oui, le centre stratégique de la première puissance militaire du monde a été frappé ! Oui, il faut être le plus diabolique des pervers pour préméditer une telle opération ! Oui, les auteurs de ces actes totalement gratuits sont les plus dingues des criminels...
Oui ? Non. S’il y a un acte qui n’est pas “gratuit”, c’est bien celui-là. D’ailleurs, à la question “Pourquoi ?”, personne encore n’a répondu. Je répète : Pourquoi des hommes sacrifient-ils leurs vies au début des années 2000 pour abîmer le plus grand centre financier du monde ? La violence de l’attaque est à la mesure de l’énormité de l’audace. Inutile de compter sur les “commentateurs” pour avouer que le monde entier, Américains compris, est suffoqué par l’exploit technique de cette kamikazerie apocalyptique.[25] »

À la fin du premier chapitre, Nabe écrit : « Je veux penser l’événement plutôt qu’en pleurnicher[26] ». Cette volonté de comprendre se trouve au fil de la lecture : « Qu’est-ce qu’on attend pour parler ?...[27] », « Les journalistes “objectifs” ne peuvent pas comprendre et faire comprendre la portée d’un tel événement. Quant aux “sensationnels”, ils remplissent un trou de larmes, car le journaliste a horreur du vide. Sortez les mouchoirs ![28] », « Le dernier vrai tabou, c’est le sens...[29] ». Nabe attaque aussi l’émotion médiatique, qui ne s’indigne des attentats que lorsqu’ils ont lieu en Occident : « Avant, ils étaient tous pareils, les musulmans du monde entier. Lorsque c’étaient eux les victimes du terrorisme des autres (et du leur), personne ne parlait de “cataclysme international”. Combien de morts en Algérie, au Soudan, en Palestine, en Irak, en Indonésie, en Tchétchénie ?...[30] »

Dans Une lueur d’espoir, Nabe veut expliquer les attentats, en reproduisant notamment des propos de Ben Laden contre les États-Unis, « hautains » depuis la chute de l’Union soviétique[31]. Nabe s’en prend également aux « terrorisés », qu’il oppose aux « terroristes » :

« Les terrorisés n’ont pas l’air comme ça, mais ils en font des dégâts, eux aussi ! Une bande de pleutres et de veules, raisonneurs et obtus... Ils sont tellement conditionnés pour penser que la démocratie autoproclamée est un moindre mal (cliché), qu’ils ne peuvent pas imaginer qu’on puisse la remettre en question. Les plus cyniques font semblant cinq minutes de comprendre la frustration exacerbée de l’Orient parvenue à saturation. Mais ils achèvent très vite en professant un protectionnisme égoïstissime.[32] »

Si Nabe est un « apologiste », c’est avant tout de la révolte et de la révolution. Il n’est pas militant de cause islamiste, n’étant pas musulman, mais dit comprendre les raisons du terrorisme. Loin d’« applaudir » à chaque attentat, Nabe veut systématiquement en restituer le sens, qu’il estime enfoui sous les commentaires compassionnels des journalistes et les interprétations qui ne tiennent pas compte des revendications « terroristes » qui font état d’actes profondément réfléchis et politiques, presque toujours fondés sur un sentiment d’injustice littéralement irrépressible, préférant leur attribuer un sens différent (haine de la civilisation occidentale, détestation de la liberté, anti-démocratisme primaire, oppression de la femme...).

Deux ans plus tard, dans l’émission de Thierry Ardisson, Tout le monde en parle, face à Frédéric Beigbeder venu présenter son roman Windows on the world, Nabe lui reproche son apologie de l’Amérique et appelle à la compréhension des motivations des terroristes le 11 septembre 2001[33] :

« Ce 11-Septembre n’est pas un crime, au sens propre du mot, c’est un châtiment. Les Arabes ont voulu punir l’Amérique. Ce n’est pas un acte gratuit, c’est ça qu’il faut comprendre. Il y a tout un passé. L’histoire n’a pas commencé seulement le 11-Septembre. On ne peut pas justifier, mais on peut l’expliquer. Ce que je voudrais, et ça c’est quand même un de mes combats depuis longtemps, c’est qu’on arrête à un moment donné de pleurnicher, de faire des romans à l’intérieur de la tête de ceux qui sont des victimes des “vilains arabes” et des “méchants arabes” qui assassinent tout le monde et qu’on essaye de comprendre pourquoi il y a des actes pareils. Pourquoi le désespoir a poussé des êtres humains à se crasher avec des avions dans des immeubles et en faire périr d’autres ? Eh bien, cette réponse-là, elle existe dans la politique. »

Printemps de feu (2003)

Dans son roman sur la guerre en Irak, Printemps de feu, Nabe revient sur les attentats du 11-Septembre : « Rumsfeld, Wolfowitz, Cheney, et les autres “Faucons” cherchent à se venger, à tout prix et n’importe comment, des attentats du World Trade Center... Ils oublient que l’Amérique n’a pas été attaquée pour rien, mais à cause de son ignoble politique anti-arabe. Le 11 septembre n’était pas un crime, c’était le châtiment d’un crime.[34] ». Il compare la résistance irakienne à l’invasion américaine à la résistance française durant la Seconde Guerre mondiale :

« Les Américains ont déclaré la guerre à une certaine façon de concevoir l’existence. Une existence fondée sur la résistance, non pas au progrès en soi (on a vu la modernité technologique dont ont fait preuve les plus efficaces kamikazes de Ben Laden), mais à la collaboration que leur impose depuis des siècles l’Occident. En Occident, on n’aime les résistants que lorsque ce sont les fantômes de la Deuxième Guerre mondiale, qui faisaient sauter des ponts dans le Vercors et se laissaient torturer par des SS dans des geôles sordides sans lâcher un seul nom de camarade... Bref, le jean-moulinisme arrange tout le monde, mais quand les résistants ont un keffieh, une ceinture de dynamite et que, dans une lueur d’espoir, ils vont se faire exploser dans des endroits symboliques pour exprimer leur volonté de ne pas être des esclaves, alors ce sont des “fanatiques”, des “monstres”, des “assassins”. [...] Ce ne sont pas les kamikazes qui dévoient l’islam, c’est la situation au Moyen-Orient qui extrémiste les Arabes. Le catholicisme s’était dévoyé en barbarie à l’époque des croisades, et encore n’avait-il pas l’excuse d’avoir subi la colonisation ! Au lieu de vanter (avec des regards de faux culs terribles) les vertus de “tolérance” et d’“amour sympa de l’Autre” qui sont dans le Coran “si mal lu”, les Arabes feraient mieux de reconnaître que, oui, c’est vrai, en ce moment, l’islam est en train de venir une religion de haine et de violence, mais c’est dû uniquement à la politique occidentale, et ça ne remontre pas à hier.[35] »

La Vérité (2003-2004)

En novembre 2003, Marc-Édouard Nabe lance un mensuel avec Anne-Sophie Benoît, La Vérité, dans lequel il publie des articles sur la guerre en Irak déclenchée huit mois plus tôt (et sur laquelle il a publié en septembre 2003 un roman, Printemps de feu). Dans le premier numéro, il publie un article, « Crève occident », dans lequel il écrit : « Qu’on déplore les morts du World Trade Center je veux bien, mais qu’on les transforme en trois mille héros, victimes spécifiques d’un attentat inexplicable, non.[36] ». Dans le second numéro, il publie la traduction du denier discours de Saddam Hussein, prononcé le 6 janvier 2003, à l’occasion du 82ème anniversaire de l’armée irakienne[37].

J’enfonce le clou (2004)

Dans la préface de J’enfonce le clou, Nabe s’interroge sur la poursuite de l’écriture (un thème que l’on retrouve dans Le Vingt-septième Livre en 2009, puis en 2010 dans L’Homme qui arrêta d’écrire) : « Comment se fait-il qu’un artiste se sente aujourd’hui plus proche d’un poseur de bombes que de n’importe quel intellectuel ? Ça, c’est une vraie question, et dont on ne peut pas trouver la réponse uniquement dans mon parcours et dans ma nature. C’est toute l’époque qui est concernée. [...] L’évolution naturelle pour un artiste, c’est le terrorisme. Chaque écrivain doit trouver sa forme pour terroriser... Quoi ? La Culture, bien sûr ! D’abord et avant tout...[38] » En toute cohérence, on retrouve dans le recueil cette volonté de restituer le sens des attentats arabes (islamistes comme chrétiens), plusieurs chapitres sont consacrés à la guerre en Irak, à la situation en Palestine et aux attentats perpétrés le 11 mars 2004 à Madrid. L’article « Intelligence du terrorisme », initialement publié en janvier 2004 dans le numéro 3 de La Vérité[39], s’ouvre par une interpellation du lecteur[40] :

« Réfléchissez au lieu de hurler. Depuis l’Attentat des attentats (comme on dit le Cantique des cantiques) du 11 septembre 2001, aucun acte de terrorisme dans le monde n’est idiot, insensé ou incompréhensible. C’est ça qu’a inventé Ben Laden : l’attentat intelligible. La moindre bombe explosera pour une bonne raison ! C’est toujours pour punir les collabos qui aident les Yankees à enculer les Arabes que les attentats ont lieu. »

Dans le recueil, avec une Élégie à Yassine (poème écrit à l’occasion de l’exécution du Cheikh Yassine, figure en effet considérée comme terroriste du combat palestinien contre Israël), Nabe publie « Toute l’histoire d’Israël sur une seule page » qui la raconte en un paragraphe de la déclaration Balfour (1917) jusqu’à la deuxième Intidafa (2000), en passant par l’établissement de l’État d’Israël (1948) :

« Ça commence comme un roman de Kafka. Un matin, sans que vous n’ayez jamais rien fait, on tape à votre porte. C’est un type qui affirme avoir habité dans votre appartement à l’époque où l’immeuble n’était même pas construit. Il vous explique que le propriétaire le lui avait promis, et que la mairie lui a donné l’autorisation d’y “retourner”. Vous lui dites qu’il n’en est pas question, mais il s’est déjà installé dans la chambre d’amis. Le lendemain, vous appelez votre voisin de palier pour qu’il vous aide à l’expulser, mais votre “hôte”, qui s’est servi dans le Frigidaire et a mis les pieds sous la table, se défend. Bientôt, ses cousins, neveux, oncles et tantes arrivent à leur tour en occupant toutes les chambres. Votre femme et vos enfants sont obligés de quitter l’appartement et de se réfugier plus loin dans le quartier. Mal à l’aise à cause de tous les voisins qui vous soutiennent (même si l’un d’eux en a profité pour vous piquer votre garage), votre hôte, grâce à la concierge qui lui est tout acquise, s’empare de tout le reste de l’immeuble, de la cave au grenier, afin de se sentir davantage en sécurité. Comme vous vous fâchez, votre hôte, qui est plus fort que vous, vous enferme dans les WC, sans vous donner à manger et sans jamais vous laisser sortir. Il vous hurle à travers la porte que le Syndic est d’accord. Au bout d’un moment, vous êtes tellement en colère que vous mettez le feu aux toilettes. Les pompiers viennent éteindre l’incendie qui a ravagé une partie de l’appartement et où des membres de la famille de votre hôte ont péri aussi. Quand les pompiers sortent sur une civière votre corps carbonisé, votre hôte crache dessus en vous traitant de “terroriste”.[41] »

À noter : cette page, scannée à maintes reprises, ne cesse depuis sa parution (2004) de tourner sur les réseaux sociaux, de Twitter à Facebook. Dernier en date, Myra, le 28 janvier 2020, a posté « Toute l’histoire » : 288 retweets, 471 « jaime ».

L’Homme qui arrêta d’écrire (2010)

Dans son roman, publié en janvier 2010, L’Homme qui arrêta d’écrire, Marc-Édouard Nabe aborde la question du 11-Septembre, dans un dialogue entre le narrateur, Jean-Phi et Zoé, à travers le développement dans les années 2000 des théories du complot, soutenues dans le roman par « Le Libre Penseur » :

« — Ça fait bientôt vingt ans qu’Al-Qaïda existe, dis-je, et le 11-Septembre est l'apothéose logique de son combat. Les conspirationnistes croient que c’est une affaire américaine alors que c’est une affaire arabe. Ils replaçent le 11-Septembre dans une série de complots américains alors qu’il doit prendre sa place dans une série d'opérations terroristes arabes réelles planifiées par des types organisés, rationnels, et politisés. Les Occidentaux ne peuvent pas admettre que des têtes en électroniques, en informatique, en médecine commettent quand même des actes de barbarie. Ils continuent à imaginer que tous les musulmans sont des demeurés qui ne pensent qu’à leur religion. Pour moi, l’imposture majeure, c’est de faire passer le geste du 11-Septembre pour un acte religieux alors qu’il est politique. Quel rapport entre la religion islamique et la détermination de certains Arabes à punir ceux qui commettent des saloperies à l’encontre des peuples fiables ? Les kamikazes n’ont pas agi au nom de Dieu, mais avec le nom de Dieu. “Allah Akbar !” dans la bouche de Mohamed Atta au moment où il se fracasse dans la tour, ça veut dire aussi “Hourra !”.
— Et même “Eurêka !”, dit Zoé, “j’ai trouvé”. “J’ai trouvé le moyen de frapper dans leur soi-disant sanctuaire les plus prétentieux des criminels !”
— L’aspect psychologique est toujours négligé... dis-je. La grande opposition à la thèse du complot, finalement c’est Charlotte Corday qui l’a donnée plus de deux cents ans avant le 11-Septembre. Après son acte terroriste, tous les révolutionnaires étaient persuadés qu’elle n’avait pas agi seule, que c’était impossible qu’elle soit venue de Normandie à Paris de son propre élan, et qu’elle ait eu le cran de planter un couteau de la poitrine de Marat sans trembler. Les partisans de la thèse conspirationniste de 1793 auraient mis leur tête à couper que la jeune fille avait été armée par un complot girondin. À son procès, quand on lui affirmait que son geste ne pouvait pas être un acte isolé, Charlotte disait : “C’est mal connaître le cœur humain...”
— Oui, il y a une jubilation de la vengeance, approuve Jean-Phi, Mohamed Atta n’était pas le rigoriste qu’en ont fait certains, pas plus le “dépravé” qu’en ont fait d’autres parce que la veille il aurait bu une bière dans un bar à putes. C’est la moindre des choses quand on sait la journée qui l’attendait le lendemain... C’était un combattant politique, par un illuminé suicidaire.
— C’est vrai, dit Zoé, il y en a marre de ces clichés racistes du musulman abruti moyenâgeux. Les musulmans sont présentés comme des superrigides qui ne se permettent rien, et qui soi-disant appliquent le Coran en se suicidant pour assassiner les autres et avoir le droit à 70 vierges au Paradis...
—Les Occidentalistes, dis-je, en sont encore à rabâcher que les “terroristes islamistes” du 11-Septembre ont agi pour des motifs religieux... Qu’ils avaient le culte de Dieu, ou celui de la mort, variante, alors qu’ils n’avaient que le culte de la justice ! Quand le pouvoir vous “balade” en permanence, détourne vos questions et vous fait vous cogner contre un mur d’indifférence, vous détournez des avions, et vous les cognez contre ce même pouvoir. C’est tout simple. Le 11-Septembre est une goutte d’eau qui a débordé d’un vase d’exaspération. Pas besoin d’être salafiste pour être outré par le comportement des Américains. Les terroristes ne sont pas des Martiens. Ils n’ont pas puni n’importe quel peuple, n’importe quel gouvernement, mais précisément celui qui a fait le plus de mal sur terre. Point. Et personne d’autre que les principaux intéressés n’a à se sentir visé. On répète aux plus jeunes que les kamikazes en frappant les tours ont frappé le monde entier, parce qu’ils ont la haine de l’homme en général, et gnagnagna...[42] »

Oumma.com (7 avril 2012)

Le 26 mars 2012, Marc-Édouard Nabe est invité par Hicham Hamza (actuel animateur du site Panamza), journaliste du site oumma.com, pour exprimer ses positions sur le complotisme et sur l’« affaire Merah », déclenchée quelques jours plus tôt[43]

Hicham Hamza : Vous êtes apparemment insurgé contre le complotisme. Vous semblez penser que le complotisme, quelque part, dessert les Arabes, car ça leur enlève le travail, l’acte héroïque d’après vous, de résistance contre les Américains.
Marc-Édouard Nabe : C’est l’évidence !
H. H. : Pourquoi ?
M.-É. N. : C’est presque une auto-trahison. On fait courir le bruit que les Arabes non seulement ont été incapables de faire le 11-Septembre, mais qu’il faut encore qu’ils se soumettent à un pouvoir qui est celui des Américains, qui aurait fait le boulot à leur place et qui est leur papa encore, leur maître ! C’est encore une position de se retrouver comme des esclaves et de participer à cet esprit de post-colonisation, qui a fait des désastres dans l’esprit des musulmans. C’est contre ça que je m’insurge, en dehors de mon propre cas. Évidemment que ça ne me fait pas plaisir, mais moi, c’est pas grave, j’ai été attaqué toute ma vie, à la fois par des sionistes, puis maintenant par des anti-sionistes, et ça a été des anti-Américains, des pro-Américains, des gauchistes, des gens de droite, de féministes, des homosexuels, enfin, il y en a eu des gens très différents qui m’ont attaqué, ça va, j’ai l’habitude. Mais là je trouve désolant pour eux de m’enferrer dans cette erreur. C’est une profonde erreur dont ils auront à s’expliquer plus tard. Vous savez, ça s’entraîne, il n’y a pas que le 11-Septembre. Après ça va « il n’y a eu d’Américains qui sont allés sur la Lune ». Après « Lady Di a été assassiné par le Mossad », « Beregovoy s’est tiré deux balles dans la tête dont on l’a assassiné », etc. Que vont dire ces gens qui ont une trentaine d’années maintenant, parce que souvent ils sont assez jeunes, ils peuvent se permettre encore d’être dans une espèce de post-adolescence, de dire n’importe quoi pour frimer ou pour avoir l’air révolté contre le système, le fameux système, auquel ils participent, parce que dans leur semaine, ce sont bien des moutons qui travaillent pour le système et le week-end, ils sont derrière Internet en jouant les révolutionnaires. Qu’est-ce qu’ils vont dire quand ils auront 30-35 ans à leurs enfants ? Quand ils auront des petits enfants de 4 ans ou de 10 ans ? Ils leur diront « tu sais, le 11-Septembre, eh bien, ce n’est pas Ben Laden, ce n’est pas un Arabe qui a fait le coup, c’est un méchant Américain, qui lui-même a sacrifié 3 000 personnes pour avoir juste le prétexte d’aller attaquer d’autres Arabes, et ça c’est pas grave, le principal c’est ça, nous sommes soumis aux Américains, mon petit garçon » ? C’est ça qu’il va lui dire ? Il va lui dire qu’il n’y a pas eu d’alunissage en 1969 ? C’est tout ce genre de conneries dans lesquels les musulmans d’aujourd’hui, ou les complotistes musulmans, ou pas musulmans d’ailleurs, vont élever leurs enfants ? Je trouve ça extrêmement navrant.
H. H. : Vous voulez dire que les musulmans devraient être fiers de l’action de Ben Laden ?
M.-É. N. : Bien sûr ! Ça, je l’a toujours dit, bien sûr.
H. H. : Encore maintenant ?
M.-É. N. : Mais bien sûr, encore maintenant, exactement. Malgré les morts et la souffrance que ça a engendré sur les victimes, je vous rappelle, et aussi sur les Arabes par riposte, et par les amalgames qu’on a fait et qu’on continuera à faire, c’est un acte fondateur du XXIe siècle, et qui a été fait justement par cette organisation qui a existé et qui existe encore ! Même dans les esprits et dans les actions, on l’a vu récemment.
H. H. : Mais en disant ça, vous risquez de passer pour certains comme un porte-parole des va-t-en-guerre américains, européens, israéliens, qui ont tendance à vouloir gonfler la menace terroriste. Est-ce que vous ne craignez pas vous-mêmes d’être devenu, entre guillemets je dis bien, l’idiot utile des va-t-en guerre américano-sionistes ?
M.-É. N. : Non, mais l’appellation d’idiot ne me gène pas pour des raisons dostoïevskiennes. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tout fonctionne sur une photo, une phrase. Alors, la grande phrase, c’est « à qui profite le crime ? ». Eh bien je dis que répondre à la question « à qui profite le crime ? » ne désigne pas le criminel. C’est le b.a.-ba des romans policiers. Il suffit pas dire « à qui profite le crime » pour que ce soit forcément celui à qui profite le crime qui a fait le crime. C’est de la simple logique, répondez-moi à ça !

Patience 1 (3 décembre 2014)

En décembre 2014, en pleine montée de l’État islamique, Marc-Édouard Nabe publie le premier numéro de son magazine Patience, État de Grâce, dans lequel, de la même manière que dans Une lueur d’espoir en 2001, il analyse l’EI, ses racines historiques, ses intentions, son rôle au Proche-Orient, ses alliances, les réactions des États arabes et occidentaux, à sa manière, en mêlant le respect des faits, une forme d’excès dans le langage et un humour noir certain[44]. Dans la lignée de son livre contre les complotistes annoncé en janvier 2014, il inscrit son texte dans sa lutte contre le conspirationnisme en mettant en scène en couverture, dans un photo-montage, Dieudonné et Alain Soral en otages d’un État islamique dont ils nient l’authenticité, le prenant pour une nouvelle manipulation de l’« Empire américain-sioniste », du Mossad et de la CIA. Ce premier numéro apparaît trois mois après la décision de la France d’intervenir militairement contre l’État islamique et un mois avant que les frères Kouachi ne fassent irruption dans la salle de rédaction de Charlie Hebdo.

Dès les premières pages, Nabe fait l’historique de l’État islamique, en remontant à l’invasion américaine de l’Irak (2003) et en analysant les relations avec Al-Qaïda, en passant par le développement de la guerre civile en Syrie, après la répression imposée par le régime de Bachar el-Assad[45]. L’écrivain relie également l’intention de l’EI d’établir un califat au contexte de la Première Guerre mondiale, expliquant que la révolte arabe de 1915 a été négociée par les Britanniques en échange de l’établissement d’un État arabe, qui a finalement été divisé en plusieurs États sous domination française et britannique, épisode historique qui traverse le destin de Lawrence d’Arabie que Nabe dans son texte prend en référence[46]. Au fil du texte, Nabe décrit l’EI, son financement, son fonctionnement, ses combattants, et la place des décapitations[47]. Dans Un État de Grâce, sur quatre pages, Nabe analyse également le contenu des théories complotistes en en démontrant leur incohérence, mais aussi en ce qu’en dit le « Système », pour arriver à la conclusion que les deux ne parviennent pas à la compréhension du phénomène[48]. Il décrit en détail le sort réservé à Hervé Gourdel, en révélant qu’il réalisait des photos de femmes nues et, en en imprimant 4 sur quatre pleines pages, au milieu de celles de têtes coupées par Daech[49]. Nabe établit un parallèle dans la campagne médiatique « Not in my name », qui consistait à entendre des musulmans se désolidariser de l’État islamique, avec des personnalités juives qui n’ont pas condamné à leur tour les exactions de l’armée israélienne sur des civils durant la guerre à Gaza entre juillet et août 2014[50] :

« Est-ce qu’on a demandé à tous les Juifs de France de défiler avec des pancartes “not in my name” pendant l’opération “Bordure de sécurité” ? Non. Pourtant ça n’aurait pas été forcément absurde. En revanche, beaucoup de people Juifs encouragent, ou se frottent carrément les mains, de voir tous ces Arabes, recolonisés par la peur d’être mal vus, suivre le cortège émotionnel des directeurs blancs de l’opinion occidentale. Évidemment, toute la smala du souk du mea culpa est là au garde-à-vous, de Boubaker à Chalghoumi, en passant par tous les imams possibles. Not imam name ! »

Le magazine est illustré par de nombreuses photographies de décapitations, issues pour la plupart de captures d’écran des vidéos produites par l’État islamique, comme pour appuyer la réalité de l’État islamique. Il y a également des juxtapositions : après un développement sur le sort des Chrétiens d’Orient, Nabe met côte à côte une statue en plâtre de la Vierge Marie et de l’enfant Jésus dans une église chaldéenne détériorée par Daech et un enfant palestinien gravement blessé, amputé d’une jambe, après un bombardement israélien en pleine opération « Bordure de sécurité », en août 2014[51]. Nabe critique également le rôle des Kurdes, leur place au Proche-Orient et la ville de Kobané[52].

Dans sa conclusion, Nabe évoque à nouveau le complotisme, diffusé en France par Alain Soral et Dieudonné, en insistant sur la réalité de l’État islamique, dont il a démontré la véracité sur 80 pages de textes et d’illustrations[53] :

« Beaucoup d’Arabes s’aperçoivent que Daech, c’est vrai. Ils vont sur internet comme le leur ont enseigné les gourous de la Dissidence, mais cette fois, ils ne marchent plus aux montages bidons américains ou russes, ils ne bouffent plus sans réfléchir les désinformations des complotistes blancs... Ils vont directement sur des sites arabes. Ils délaissent ceux qui nient l’authenticité de l’EI. C’est le critère ! Ils savent maintenant voir la différence avec la réinformation qui regorge, déborde de partout, même sur les médias “dominants”. Car au moins, dans la presse officielle, les faits sont exacts, ce sont les analyses qui sont fausses : tandis que sur les sites conspi, les faits sont faux et les analystes aussi : ça fait deux fois plus de boulot pour parvenir à la Vérité !
Elle est à nouveau en marche, la Vérité ! Comment ne pas s’en réjouir ? Les escrocs du faux ne font plus recette. Beaucoup de Beurs en reviennent peu à peu, de l’arnaque complotiste... Je ne croyais même pas que ça puisse exister, un Beur qui abandonne la quenelle pour la kalach’. C’est vrai que, comme acte d’insoumission, brandir une tête coupée, c’est autre chose qu’un ananas ! Quand un Arabe de l’EI pointe le ciel avec son index, ce n’est pas pour dire qu’“au-dessus, c’est le soleil !” mais qu’“au dessus, c’est Allah” ! »

Patience 2 (septembre 2015)

Le 7 janvier 2015, le soir du décrochage de son exposition Hara-Kiri, Nabe assiste en direct avec des amis dans sa galerie aux réactions médiatiques à l’attentat perpétré par Chérif et Saïd Kouachi contre la rédaction de Charlie Hebdo. Pour avoir connu le premier Charlie Hebdo (1970 - 1982), dont l’esprit devait beaucoup au professeur Choron, Nabe considère que la seconde version, lancée par Philippe Val en juillet 1992, a détruit l’esprit initial de l’hebdomadaire satirique, abandonnant l’anarchie originale pour un militantisme politique et un engagement anti-arabe. Dès le soir des attentats, il considère que les frères Kouachi ont involontairement vengé le professeur Choron de la trahison opérée par ses amis qui l’avaient abandonné pour travailler avec Philippe Val. En août 2015, Nabe publie le second numéro de Patience, sous-titré « La vengeance de Choron », dans lequel il raconte en détail les attentats, en expliquant les motivations des frères Kouachi. Il retranscrit les conversations entre un journaliste de BFM TV et Chérif Kouachi[54], et avec Amedy Coulibaly, terroriste de l’Hyper Casher[55]

Dans Patience 2, Nabe analyse les discours médiatiques, en particulier ceux des journalistes et anciens proches de Charlie Hebdo, en parlant de volonté de ne pas comprendre les événements :

« On dirait que le boulot des commentateurs est désormais d’occulter tout contenu à la moindre action. On en est à donner la parole aux journalistes pour leur demander comment ils ont ressenti leurs propres émissions. Après la désinterprétation du réel, l’analyse de ceux qui désinterprètent le réel !
Plus grave : ça ne semble pas les intéresser... Tout ce que les terroristes ont dit devrait être pris en compte pour pouvoir comprendre ce qui s’est passé, mais non ! Les médias préfèrent foutre tout ça sous leur tapis de non-prière. Je prétends que pour résoudre le problème du terrorisme en Occident, il suffirait de montrer en boucle pendant vingt-quatre heures au peuple les images non floutées des saloperies qu’ont commises les “coalisés” en Irak, en Syrie, en Palestine, au Mali, telles que les “terroristes” les ont vues, eux ; peut-être les “Je suis Charlie” prendraient alors conscience qu’il n’y a rien de “religieux” à ce que des Arabes réagissent à ces massacres. Mais comme on ne montre rien, on ne peut rien comprendre...[56] »

Considérant que seule la chronologie permet de lutter efficacement contre le complotisme, en restituant l’enchaînement des faits, Nabe a consulté les archives de Charlie Hebdo entre 1992 et 2015, pour lire l’intégralité du journal, et non se restreindre à l’analyse des couvertures, comme l’ont fait les sociologues Jean-François Mignot et Céline Goffette dans Le Monde, en se limitant aux dix ans précédant les attentats[57]. Nabe en tire un chapitre d’une quarantaine de pages, dans lequel il démontre le parti-pris anti-arabe de l’hebdomadaire pendant 23 ans, en analysant année par année les éditoriaux de Philippe Val, les articles de Caroline Fourest, Gérard Biard, Bernard Maris, les reportages et les dessins de Charb, Luz, Riss, Jul et bien sûr Cabu[58]. Ce chapitre se distingue par l’absence d’illustration, à l’exception de la dernière page qui, comme un point final, montre la conséquence des pages précédentes : une capture d’écran de la vidéo prise la caméra de surveillance installée face à la porte de la rédaction de Charlie Hebdo, dans laquelle les frères Kouachi, armés, s’apprêtent à entrer le 7 janvier 2015 vers 11 heures. S’en suit un portrait de leurs principales victimes : Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Bernard Maris, mais aussi Michel Houellebecq et Philippe Lançon, ainsi qu’une analyse de la marche du 11 janvier.

Nabologie du terrorisme (25 novembre 2015)

En septembre 2015, Nabe s’installe dans une nouvelle galerie située rue Frédéric Sauton, toujours à Paris, où il expose ses tableaux et inaugure avec David Vesper à la caméra une série de courts-métrages le montrant notamment échanger avec des visiteurs (les Éclats de Nabe). Après les attentats du 13 novembre 2015, il diffuse une vidéo d’une heure vingt minutes, intitulée « Nabologie du terrorisme », qui atteint en quatre ans 80 000 vues avant d’être censurée par YouTube[59]. Nabe prolonge ses analyses sur le terrorisme, déjà amorcées dans Une lueur d’espoir, en remettant l’acte dans un contexte politique, appuyant le châtiment et la responsabilité de la France, rejetant ainsi l’explication de l’attentat aveugle, perpétré par fanatisme religieux ou haine de la civilisation occidentale. La vidéo s’ouvre sur Marc-Édouard Nabe, hors champ, expliquant que les attentats de novembre 2015 sont une réponse aux frappes françaises décidées contre les bases de l’État islamique en Syrie en septembre 2015, en prolongement des frappes lancées un an plus tôt en territoire irakien. Son commentaire est accompagné d’articles de presse (LCI, Le Monde), d’extraits de journaux télévisés (TF1), de tweets de l’Élysée, et d’une allocution de François Hollande... Puis, la vidéo montre Nabe qui discute avec des visiteurs (dont certains lui opposent leurs désaccords) autour des attentats de novembre, comparés à ceux de janvier contre Charlie Hebdo (anonymat des victimes et des terroristes, dépouillement de l’acte), mais aussi sur la cible de l’attentat (le Bataclan, le rock) et les commentaires fautifs des attentats (attaque contre la liberté et la vie en France), avant de réclamer que les Français manifestent, à l’image des Espagnols en 2004, pour obtenir leur démission de leur président (François Hollande), responsable des attentats après avoir attaqué l’État islamique en 2014 puis 2015. Après de vives discussions avec divers intervenants (musulmans ou pas), Nabe termine sa vidéo en petit comité où lui et ses amis écoutent le message de revendication des attentats par les frères Clain illustré sonorement par des nasheeds (chants religieux) qui dure quatre minutes.

À noter : à ce jour, Nabologie du terrorisme est le seul « média » à avoir diffusé, pour information, la revendication en français des attentats du 13 novembre 2015.

Le 30 novembre 2015, la revue francophone de l’État islamique, Dal al-Islam, reprend sur dix pages des extraits de Patience 1, publié un an plus tôt, et rendent hommage à son auteur, tout en fustigeant au passage le « complotiste » Alain Soral[60]. Pour la revue, « cette analyse bien que non dénuée d'erreurs, n'en demeure pas moins plus réaliste que l'écrasante majorité de ce qu'écrivent journalistes spécialisés et autres analystes »[61]. Cette reconnaissance par l’État islamique de la véracité des textes de Nabe fait réagir une partie de la presse[62].

Après le retrait de la « Nabologie » par YouTube en 2019 après quatre ans de diffusion sans aucun problème, Nabe’s News reprend La « Nabologie du terrorisme » dans le numéro 19 du 1er mars 2019.

Nabe’s News (juin 2017)

En juin 2017, après avoir été sollicité par un mail signé Abou Madhi al Roumi appartenant aux « Soldats du Califat en France », Nabe relaye sur Twitter un communiqué de presse, dont la véracité est remise en doute par des spécialistes du djihâd (Romain Caillet, Wassim Nasr, David Thomson)[63]. Mi-juin, Nabe créé Nabe’s News, sa gazette virtuelle et collective, et reproduit d’autres documents remis par « les Soldats du Califat en France ». Fin juin, la presse française admet que le texte était véridique et était signé par l’auteur de la tentative d’attentat le 19 juin, aux abords des Champs-Élysées (voir toute l’affaire dans Nabe’s News).

La scatophilie

« Je n’aime pas ma merde, j’aime la merde que je fous dans la tête des autres, et pas n’importe quels autres ! Dans celle des déjà merdeux. »

(Les Porcs tome 1, 2017, p. 494)

Le cliché d’un Nabe scatophile est esquissé par Stéphane Zagdanski en 2000, avant d’être entièrement récupéré par Salim Laïbi qui, sans connaître Zagdanski, complète dans les années 2010 les accusations de l’ennemi de son ennemi. La « scatophilie » revient donc régulièrement dans les articles et les interventions de Salim Laïbi sur l’écrivain, ainsi que chez ses suiveurs, notamment « Joe le Corbeau ».

Quant à Zagdanski, comme pour boucler la boucle, et inspiré par la charge que lui-même avait initiée, aggravera la diffamation en écrivant dans sa propre fiche Wikipédia (dont il est le principal contributeur et rédacteur) : « Zagdanski insiste dans ce portrait filmique sur la coprophilie symbolique et littéraire de Nabe ; ce dernier réagit en publiant en mars 2014 dans la revue de Sollers L'infini, un texte de trente pages, intitulé L’Eunuque raide, dans lequel il s'en prend à Zagdanski et mêle son propos d'invectives racistes. »

À noter, que par un phénomène bien connu de projection, Zagdanski, notamment dans le bonus du Procès Céline (Arte, 2011), compare, mais d’une façon « positive », le style de Céline à une « défécation chimique ». Expliquant avec admiration l’utilisation que Céline fait de la merde dans son écriture (il aurait pu très bien dire la même chose sur Nabe), l’auteur de Pauvre de Gaulle ! y reviendra encore en 2019 sur France-Culture cette fois, dans l’émission Grande traversée.

Prendre au sérieux, ou faire semblant de prendre au sérieux, la scatophilie d’un Nabe, serait aussi malhonnête que d’ignorer la puissance drôlatique et subversive que cette « matière » a inspirée à un nombre impressionnant de créateurs dans l’histoire de l’art, de Rabelais à Marcel Duchamp en passant par Pierre Louÿs, James Joyce, Céline donc, mais également Pasolini, Manzoni, sans oublier Wolfgang Amadeus Mozart.

Exposé du cliché

En février 2000, Zagdanski publie donc son Pauvre de Gaulle !, dans lequel on peut lire un long portrait de Marc-Édouard Nabe qu’il a fréquenté dans les années 1990 (Nabe en avait déjà fait un personnage de son roman, Lucette, paru chez Gallimard en février 1995). Pour Zagdanski, « Marco Banana » est un écrivain superficiel, à la pensée absente, un personnage prétentieux et grotesque. Au détour d’un chapitre, il dépeint un Marc-Édouard Nabe scatophile :

« Il suffit de parcourir quelques pages de lui au hasard pour récapituler les faits : haine énamourée du vagin tantôt emphatiquement accusé de toutes les immondices, tantôt emphatiquement porté aux nues, associée à une fascination avancée pour l’anus, la merde, les viscères et ce qui relève généralement de la décomposition, du déchet, du carnage, le tout fusionné en une exaspération viscérale vis-à-vis de l’homosexualité. [...] Mon fantasme, me dit-il un jour, c’est de chier un gros étron, de le congeler, puis de le sortir du congélateur et d’enculer une femme splendide avec. »

Le 17 octobre 2011, invité sur Europe 1 dans l’émission Des clics et des claques, Marc-Édouard Nabe est interrogé par Guy Birenbaum sur un passage de son roman sur l’« affaire Dominique Strauss-Kahn », L’Enculé : 

Guy Birenbaum : Marc-Édouard, il n’y a pas que le titre. On va prendre un extrait du texte qui m’interroge. Vous racontez une scène, alors là pour le coup on est dans le récit que vous faites, où Anne Sinclair vient à la prison de Rikers Island et elle apporte un cadeau à Dominique Strauss-Kahn. Elle lui apporte La Nuit d’Elie Wiesel, le bouquin dans lequel le Nobel raconte son récit de déportation à Auschwitz. Je voudrais lire un passage.
Marc-Édouard Nabe : Allez-y.
G. B. : Dominique Strauss-Kahn a la diarrhée, il a très mal au ventre, on peut dire les choses comme ça, parce qu'il a bu de la flotte dégueulasse et qu’on lui a filé des macaronis pourris.
M.-É. N. : Détail exact.
G. B. : Détail exact, il a mangé des macaronis, je sais pas s’il a eu la diarrhée. « À peine revenu dans mon trou, je me précipite sur le trône et je chie tout ce que je peux. Ma parole, c’est une gastro au minimum ! De la dysenterie au pire ! Une diarrhée comme jamais je n’en avais eu, même après que Ségolène Royal m’a baisé la gueule aux primaires de 2007… Je souffle comme un bœuf et click : un mauvais œil me regarde en train de faire de la merde. Je me serais bien passé de ce regard sur mon intimité la plus humiliante, mais après tout, je m’en fous… Je n’en suis plus là. Je savais que j’allais en chier, mais je ne pensais pas comme ça ! Je cherche du papier pour m’essayer. Fini, j’ai usé tout le rouleau. Putain comment vais-je faire ? Je sais ! Le livre de Wiesel ! Il tombe bien celui-là. Au moins que sa prose serve à quelque chose. Je prends La Nuit, édition de Minuit, et je déchire les premières pages. Oui, je me torche avec ! Crime contre l’humanité ! Je risque quoi ? Le texte est bien illisible, c’était déjà le cas. Les mots plein de douleur du rescapé d’Auschwitz sont maculés d’une couleur vert-de-gris, et parfois rouge-brun selon les paragraphes, tellement j’ai les intestins malades. Mais en deux chapitres, je suis plus ou moins propre. Merci Elie ! ».
M.-É. N. : Oui, c’est ma littérature, c’est mon humour.
David Abiker : Humour ?
Laurent Guimier : Humour ?
M.-É. N. : Il y a déjà 1 600 personnes qui roulent par terre de rire en lisant ces passages-là. Vous, vous le lisez d’une façon solennelle.
D. A. : Vous n’allez pas invoquer l’audimat ?
L. G. : Non.
M.-É. N. : On m’a déjà fait le coup de lire des extraits sortis du contexte humoristique, satirique, de certains passages. Je l’accepte tout à fait, vous avez votre lecture, mais d’autres auront la leur.
L. G. : C’est aussi la liberté du lecteur que de, voilà…
G. B. : Marc-Édouard !
M.-É. N. : Tout à fait, c’est aussi la liberté de l’écrivain, car vous imaginez bien que de prendre conscience d’écrire des passages pareils dans un livre, c’est une expérience de liberté éditoriale.

Pour avoir demandé la restitution du tableau représentant Charles Mingus, offert par Nabe en avril 2005, Salim Laïbi, proche de l’écrivain entre 2004 et 2009, mis en scène dans L’Homme qui arrêta d’écrire (2010) sous le pseudonyme « Le Libre Penseur », se lance en juillet 2013 dans une campagne de dénigrement contre l’écrivain. D’abord, en brûlant ledit tableau, filmant l’acte et le diffusant sur YouTube, puis en publiant une série de vidéos, « Naboscopies », dont le numéro 9 est titré « Coloscopie #9 - Nabe, le scatophile mystique »[64]. Dès lors, il n’aura de cesse de faire référence à la supposée scatophilie de Marc-Édouard Nabe[65] ou en citant sans raison apparente la phrase tirée du livre de Zagdanski[66]. En juillet 2017, Salim Laïbi créé, avec l’aide de Paul-Éric Blanrue et d’un de ses disciples un blog, cacasdenabe.wordpress.com, qui contient 54 articles diffamatoires et insultants, dont un recommence à accuser Nabe de scatophilie comme en 2013[67], sujet récurrent dans d’autres articles de « cacasdenabe ». Les auteurs anonymes recensent sans aucune distance les œuvres de Nabe dans lesquelles il est question d’excréments : dessins de jeunesse et roman photo avec le Professeur Choron pour Hara-Kiri, le journal intime, le recueil de poésies Loin des fleurs et celui de contes, K.-O. et autres contes et le « Courrier des lecteurs » de La Vérité.

Dans l’œuvre de Nabe

Les accusations ne tiennent pas compte de la définition de la coprophilie, nom formel de la scatophilie, qui est classée parmi les paraphilies par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Par conséquence, celle-ci implique une excitation sexuelle à la vue des excréments. Si Marc-Édouard Nabe parle de la « merde » et en joue littérairement, rien ne permet de dire qu’elle suscite chez lui une excitation d’ordre sexuel. Durant l’été 1974, à l’âge de quinze ans, il réalise une série de dessin qu’il soumet à Hara-Kiri, qui accepte de les publier. Quarante ans plus tard, ils font l’objet d’une exposition rue Pierre-le-Grand, à Paris, au pied de l’église orthodoxe Alexandre-Nevsky.

Au régal des vermines (1985)

Dans son premier livre, Au régal des vermines, publié en janvier 1985, Marc-Édouard Nabe fait le portrait des parents : dans celui de sa mère, Suzanne Zannini, « La locomotive de verre » (11 pages), il parle de sa constipation :

« D’ailleurs, tout vient de là. Moi le premier. C’est le caca la base de son corps, les fondations. C’est son caca à elle qui l’occupe avec angoisse. Elle aurait aimé qu’une Fée du Caca lui exauce ce Vœu : chier tous les matins après son café ! C’est le rêve de sa vie, la merveilleuse chose ! C’est une constipée chronique : ça se voit sur son visage renfrogné. Il y a comme ça une antipathie qui se dessin sur les faciès des constipés. Leurs boyaux s’expriment dans les rides, ils s’envoient... Ça leur monte à la tête, leurs matières les lancinent : c’est la migraine des selles rentrées... La Vieille Sartan, ça lui arrive de tant forcer parfois des heures que la saucisse reste coincée. Elle peut ni la remonter ni la redescendre en plein : il lui faut alors s’aider des doigts ; elle finit le travail de l’anus avec ses propres mains, elle coupe les bouts, ça fait comme de la véritable pierre, dur comme des morceaux de ciment qui s’effritent...[68] ».

Chacun mes goûts (1986)

En 1986, dans sa première plaquette publiée au Dilettante, Chacun mes goûts, Marc-Édouard Nabe écrit :

« On m’a trouvé scatologue. On me le redira. On n’a encore rien vu. La merde, splendide et sculpturale, résout bien des problèmes. J’y trouve le symbole exact de toutes relations humaines. La vue d’un étron me calme comme le bruit de la mer »[69]

Nabe’s Dream (1991)

Dans Nabe’s Dream, premier tome de son journal intime publié en mai 1991 aux Éditions du Rocher, Nabe raconte sa participation le 25 octobre à la réalisation d’un « Jeu de con du professeur Choron » pour Hara-Kiri[70] :

« Je me laisse volontiers diriger par Choron dont j’ignorais encore les vrais talents de metteur en scène. Flanellisé de chic, j’ai trois poses à tenir : le type qui déballe sa grosse merde sur la table du restaurant, qui appelle ensuite le garçon, et qui la lui montre, outré. Ce sera très beau. Keaton scatologique ! Le garçon goûte l’excrément : deux solutions. Il se délecte, ma merde est comestible, j’ai gagné. C’est dégueulasse, ma merde n’est pas bonne, j’ai perdu... Quel joli jeu, professeur Choron !... En une demi-heure, les clichés sont dans la boîte. Pier Paolo Bernier se décontracte. [...] En revenant au bureau, il reste une photo à faire : celle où je sors des chiottes en exhibant amoureusement dans un papier journal le fameux étron qui servira le soir. Nous nous disposons à la sortie des toilettes. Je suis en tricot de peau. Pour faire plus matinal, ma “femme” doit faire semblant de se maquiller. Choron convainc la maquilleuse d’enlever son bustier. Chénard prend bientôt Marc-Édouard Nabe en liquette, son gros caca dans la main avec une épouse qui n’est pas Hélène, torse nu...»

Loin des fleurs (1998)

En 1998, le Dilettante publie son recueil de poésie, Loin des fleurs, avec une « Prière blasphématoire »[71] :

Je ne vous salue pas Marie, pleine de foutre.
Le Sans-Coeur est avec vous.
Vous êtes enculée entre toutes les femmes.
Et Jésus, l’étron de vos tripailles, est maudit.
Sale Marie, merde de Dieu, branlez-vous pour nous, fauves baiseurs
Maintenant et à l’heure de notre amour.
Ah, merde !

K.-O. et autres contes (1999)

En 1999, il fait publier aux Éditions du Rocher un recueil de 27 contes, K.-O. et autres contes, dont un, Premier amour, raconte l’histoire d’un jeune homme puceau, Hervé, tombant amoureux d’une vieille femme de 83 ans, madame Haleine, qui en fait son prostitué, le faisant notamment avaler par surprise un long étron[72]

Alain Zannini (2002)

En 2002, dans son roman Alain Zannini, Marc-Édouard Nabe imagine une scène se déroulant à Patmos, où il s’est exilé entre septembre 2000 et avril 2001, où une de ses anciennes maîtresses, Delphine, se rend sur l’île pour revoir l’écrivain. En pleine engueulade, les deux personnages tombent dans du fumier[73] :

Paniquée, elle tourna autour du tas de caca. Je bondis d’un coup et la poussai dessus.
— AHHHHHHHHR !!! hurla-t-elle.
Je me vautrai sur mon insupportable bêcheuse. Elle éclata en sanglots en se débattant sur le fumier. Sa belle rose était déjà toute tachée. Le cheval morbide nous regardait sans bouger. Sous nos poids, le monticule d’immondices fructifiante s’affaissa. Il y avait même un peu de fumée qui en sortait. Ça sentait aussi énormément la pisse. Delphine faisait de grands gestes de ses grands bras. Je dus les lui maintenir dans la merde. Des mouches excitées tournaient autour de nous comme des hélicoptères superpuma recherchant un navire abîmé en mer. Abîmée, ma donzelle diabolique l’était. Son châle n’était plus qu’un long papier hygiénique usagé et sa seule chaussure valdingua sous les mouvements de ses jambes révoltées.
— Ouvre-toi, mon ange..., lui dis-je, sans la moindre once d’érection.
— Au secours, papa ! cria-t-elle.
J’essayais de l’embrasser, mais elle bougeait trop pour que j’y parvienne ! Ce serpent fuyard me mordit une première fois très méchamment, puis hurla :
— Je ne suis pas né pour jouir ! Je maudis le jour de ma naissance et la nuit de ma conception ! J’ai fermé les portes de mon ventre, nul cri de joie n’y pénètre !
Alors je la bâillonnais en lui foutant une poignée de pailles merdeuses dans sa jolie bouche... Elle recracha, manqua s’étouffer. J’avais moi aussi de l’excrément chevalin plein le visage, à force de me rouler avec elle sur cette petite colline fécale !

La Vérité (2003-2004)

Entre 2003 et 2004, dans son mensuel La Vérité, Nabe publie un dessin de Vuillemin titré « Après Paris-Match, Stéphane Bern pose nu pour La Vérité » qui montre Bern nu, de dos, penché en avant, écartant ses fesses et laissant sortir de son anus un excrément ceint d’une couronne[74]. Dans le quatrième et dernier numéro, en février 2004, pour illustrer le « courrier des lecteurs », une photo de Catsap, prise par sa mère, le montre déféquant dans une assiette[75].

L’Homme qui arrêta d’écrire (2010)

Le narrateur, après avoir acheté plusieurs farces et attrapes dans un magasin, en dépose une, symboliquement, sur un des livres étalés dans la librairie bien-pensante Delamain : il s’agit d’une fausse crotte en plastique...[76]

— Mais qu’est-ce que c’est que ça ? s’exclame alors Caroline, une des libraires-conseils derrière nous.
— Quoi ? fait la librairie en se retournant.
— Quelle horreur ! hurle un autre vendeur.
— Qui a fait ça ?
— Ça doit être un chien... me hasardé-je à glisser dans l’indignation générale.
— C’est un honte ! dit la libraire. Sur le nouveau roman d’Annie Ernaud, en plus. Pourquoi pas sur le dernier Echenoze, tant qu’il est est... Ravel, personne n’a écrit sur la musique ainsi.
— Quelqu’un l’a vu monter sur la table des nouveautés ? demande un des vendeurs.
— Non, je n’ai rien vu, Madame, dit une autre vendeuse.
— On parlait, on parlait, dis-je, je n’ai pas vu non plus le chien venir faire ses besoins sur les chefs-d’œuvre du mois...
— Oh, ça va ! me tance-t-elle. Vous, ça vous amuse évidemment.
— Attendez, Madame, dit Bastien, un des vendeurs, je vais l’enlever.
Et sans même s’apercevoir qu’il s’agit d’une fausse, Bastien s’amène avec un Sopalin et dans un geste de pédé saisit la merde... Dégoûté, il sort jeter mon bel étron en plastique à 4 euros 30 dans le ruisseau.

L’Enculé (2011)

Dans son roman sur l’affaire Dominique Strauss-Kahn, L’Enculé, anti-édité en octobre 2011, Marc-Édouard Nabe imagine DSK dans sa cellule de la prise de Rikers Island, malade après avoir mangé des macaroni et bu de l’eau croupie :

« À peine revenu dans mon trou, je me précipite sur le trône et je chie tout ce que je peux. Ma parole, c’est une gastro au minimum ! De la dysenterie au pire ! Une diarrhée comme jamais je n’en avais eu, même après que Ségolène Royal m’a baisé la gueule aux primaires de 2007… Je souffle comme un bœuf et click : un mauvais œil me regarde en train de faire de la merde. Je me serais bien passé de ce regard sur mon intimité la plus humiliante, mais après tout, je m’en fous… Je n’en suis plus là. Je savais que j’allais en chier, mais je ne pensais pas comme ça ! Je cherche du papier pour m’essayer. Fini, j’ai usé tout le rouleau. Putain comment vais-je faire... Je sais... Le livre de Wiesel ! Il tombe bien celui-là. Au moins, que sa prose serve à quelque chose. Je prends La Nuit (édition de Minuit) et je déchire les premières pages... Oui, je me torche avec. Crime contre l’humanité ! Je risque quoi ? Le texte est bientôt illisible (c’était déjà le cas). Les mots plein de douleur du rescapé d’Auschwitz sont maculés d’une couleur vert-de-gris, et parfois rouge-brun selon les paragraphes, tellement j’ai les intestins malades. Mais en deux chapitres, je suis plus ou moins propre. Merci Elie ![77] »

Les Porcs tome 1 (2017)

Dans le premier tome des Porcs, Nabe réagit à l’accusation de scatophilie, dans un chapitre où il raconte une conversation avec Paul-Éric Blanrue, qui lui avoue pratiquer l’urophilie[78] :

« Puis on parle de sa Maud, sur laquelle Paul-Éric aimait pisser... Un aveu à ne pas me faire, malheureux ! Pour surenchérir et le dévoiler dans son analité mal cachée de plouc brutal, je le fis passer de la pisse à la merde. Je lui rappelai ce que Reiser disait : qu’on ne peut jamais vraiment bien connaître une femme tant qu’on ne lui a pas chié dessus. Et j’expliquai à Paul-Éric comment il était doux de lâcher son étron sur le ventre d’une femme, fécond de préférence. Il me regardait avec des petites étoiles dans les yeux. Il n’y avait jamais pensé, et je le poussai à réaliser ce fantasme. C’était autre chose que d’uriner sur le sexe qu’il croyait bien trop faible. Quasiment décidé à pousser au plus vite son colombin sur sa “meetic” girl, il ne s’aperçut pas que bien entendu,je n’avais jamais moi-même pratiqué l’exercice. Ça sentait peut-être le cul, mais pas le vécu... Que je ne m’étonne pas par la suite d’être pris pour un scatophile (cette rumeur me suivrait longtemps) ! Elle était fondée sur un malentendu lexical majeur : je n’aime pas ma merde, j’aime la merde que je fous dans la tête des autres, et pas n’importe quels autres ! Dans celle des déjà merdeux. »

Le racisme

« Comme moi aussi j’étais très sympathique, je leur donnai rendez-vous dès le lendemain au Madrigal, un de mes QG sur les Champs. Pas question de les convoquer dans un bouiboui de Barbès sous prétexte qu’ils étaient Arabes. C’est à ça qu’on reconnaît un vrai antiraciste. »

(Les Porcs tome 1, 2017, p. 196)

Accusation souvent assimilée à celle d’antisémitisme, le cliché d’un Nabe raciste s’est ancré d’une façon tenace depuis le debut de sa carrière. Nabe ayant vécu toute sa vie dans la vénération des musiciens noirs américains, et ayant été bouleversé par la découverte de l’Afrique à l’âge de neuf ans, sans oublier de rappeler qu’il a évolué dans un quartier très mixé (arabes, noirs et gitans) de Marseille dans les années 1960, la question raciste pour lui ne s’est jamais posée autrement que pour en faire grincer les rouages chez ceux qui, antiracistes ou pas, ne maîtrisent pas leurs pulsions. Sa liberté de langage et son auto-éducation politique l’ont fait au contraire aller beaucoup plus loin que certains combattants du racisme beauf à la française. Ce qui n’a pas empêché Nabe d’être l’objet d’attaques de la part de victimes de ce racisme même, en particulier dans la nouvelle génération des « Beurs » complotistes que Nabe dans un célèbre texte avait taxés de « collabeurs ». Évidemment, sa littérature à la fois complexe et comique, ne pouvait pas faire l’économie d’un tel thème.

Exposé du cliché

Le 15 février 1985, sur le plateau d’Apostrophes, Morgan Sportès interrompt un développement de Marc-Édouard Nabe sur les Noirs, en prétendant qu’il parle des « Noirs Banania » :

Bernard Pivot : Alors les noirs, parce qu’ils ont inventé le jazz surtout ?
Marc-Édouard Nabe : Oui. Enfin non. Ce sont les négriers qui ont inventé le jazz, alors merci aux négriers d’avoir apportés les Noirs en Amérique, sinon il n’y aurait pas de jazz, c’est le seul exemple de métissage qui ait réussi. Alors les Noirs, je suis tellement négrophile, que je mets dans le même sac (j’ai tort d’ailleurs), les Noirs de jazz et les Noirs africains qui sont des sorciers merveilleux, les boxeurs...
Morgan Sportès : C’est un peu les Noirs Banania, je dois dire qu’il aime...
M.-É. N. : Prouvez-le !
M. S. : Je vais vous le prouver immédiatement : “Les Africains sont des gosses préhistoriques, des singes qui ne peuvent progresser que très maladroitement et très lentement perdant en route tout leur génie, et c’est en gardant leur simiesque génie cosmique que les nègres peuvent se défendre et nous enculer, car moi je ne rêve que ça... l’enculage.” Mais je ne crois tellement que les nègres aient envie de vous enculer, vous n’êtes pas assez sexy !
M.-É. N. : Donc je suis raciste, c’est ça ?
M. S. : Vous avez dit que vous ne saviez pas ce qu’est la vie. Vous ne vivez pas. Vous ne savez pas ce qu’est un Noir. D’abord les Noirs, ça n’existe pas, il y a dix mille sortes de Noirs...[79]

En octobre 2006, dans l’émission de Laurent Ruquier, On a tout essayé, Gérard Miller lit un texte dans lequel il cite des extraits tronqués du premier livre de Nabe, Au régal des vermines dans lequel avec son langage l’auteur déplore la mauvaise influence que le monde blanc a eue sur les immigrés venus poursuivre, sans toujours le savoir, leur esclavagisation sur le continent blanc après la décolonisation : « Depuis toujours je suis raciste » ou « J’espère que les Noirs vont finir par enculer tous les blancs. L’Afrique est pleine de ces sales nègres, de tous ces Noirs mal blanchis qui me font penser à ces travelos hermaphrodites horribles, à ces transsexuels immondes qui après l’opération se retrouvent ni hommes ni femmes ni bêtes, ni rien. »

Caroline Fourest s’est également posée en contempteur de Nabe, en l’attaquant sur le thème du racisme, toujours dans le sens du cliché. En novembre 2010, sur le plateau de l’émission de Franz-Olivier Giesbert, Semaine critique, Caroline Fourest s’immisce dans une discussion entre Marc-Édouard Nabe et Rama Yade :

Marc-Édouard Nabe : Ah oui, c’est la fin d’un monde. Ça c’est vrai, on est obligé de le reconnaître, voyez la tristesse de notre époque.
David Abiker : Ah, arrêtez !
Franz-Olivier Giesbert : C’est une émission très gaie.
D. A. : Ça va, vous êtes gai.
M.-É. N. : Moi, bien sûr, parce que je me bats.
F.-O. G. : On s’amusait bien jusqu’à présent.
M.-É. N. : Je me bats contre cette détresse.
Rama Yade : Vous avez pas l’air gai.
M.-É. N. : Voilà, on sent l’Africaine, on sent le…
R. Y. : Comment ça ? En quoi ? Expliquez-moi ?
M.-É. N. : Moi, je connais bien les Africains et vous avez vu tout de suite que ma gaieté…
R. Y. : Vous avez un ministre français en face de vous. Vous avez oublié ça ?
M.-É. N. : Je ne l’oublie pas, mais pour moi, c’est un immense compliment. Si vous m’aviez lu, vous le sauriez.
Fabrice d’Almeida : Les Africains, les hommes, tout à l’heure, il ne faut pas dire les jeunes, mais là vous dites les Africains.
M.-É. N. : Vous avez vu quelque chose qui est typiquement africain, j’ai le droit de le dire.
R. Y. : On enchaîne ?
F.-O. G. : Rama Yade veut enchaîner.
Caroline Fourest : Madame la ministre, si vous aviez lu les pages de Marc-Édouard Nabe, sur l’exotisme avec lequel il parle des Noirs, il faut pas se vexer.
M.-É. N. : Mais allons, mais arrêtez… me cherchez pas là-dessus…
C. F. : La façon dont il parle des homosexuels, la façon dont il parle des femmes, la façon dont il parle des Juifs, est à peu près de ce niveau-là.
M.-É. N. : Vous recopiez ce que dit Gérard Miller, vous en êtes là ?
R. Y. : Vous n’avez pas l’air d’être un grand humaniste.
M.-É. N. : Ah, je suis pris entre deux feux !
C. F. : C’est quelqu’un qui pense qu’être subversif…
M.-É. N. : Mais non, vous n’y connaissez rien…
C. F. : …c’est dire « youtre » à la place de « juif », c’est dire « nègre » à la place de « noir » et c’est dire « pédé » à la place d’« homo », il y en a plein vos livres !
M.-É. N. : Vous répétez ce que Gérard Miller dit, vraiment…
C. F. : Non, j’ai vu juste ce que j’ai lu dans votre dernier livre.
M.-É. N. : On est loin de la psychanalyse que nous combattons, n’est-ce pas ?
F. A. : Vous avez un ennemi commun, Gérard Miller.

En juillet 2018, dans sa chronique pour Marianne, Caroline Fourest reprend ses accusations quasiment mot pour mot : « Cet écrivain se croit “subversif” parce qu’il imite Céline et ne sait pas finir une ligne de littérature sans ajouter “crouille” ou “pédé”. Enfant du mauvais siècle, il pond des romans interminables et auto-édités sur la vie d’animateurs télé adorant les partouzes et les prostitués »[80].

Dans l’œuvre de Nabe

Au régal des vermines (1985)

Les extraits d’Au régal des vermines lus par Gérard Miller en 2006 tendent donc à faire croire que le livre n’est qu’un pamphlet raciste, violemment anti-noirs. Cependant, les citations du Régal lues par Miller sont fausses et tronquées exprès pour en donner le sens opposé de ce que veut dire Nabe dans son livre. Pourtant, il suffisait de le lire [81] » :

« Je suis très raciste. J’espère que les Noirs vont finir par enculer tous les Blancs et les assombrir pour toujours. Le métissage n’est pas une solution pour empêcher le racisme mais pour l’accroître. C’est sa seule vertu... »
« La plus belle race du monde, ce sont les nègres ! Sans discussion possible ! Race de splendeurs, d’élégance, de magie. Race des rites et de possessions. Les Noirs sont la race la plus noble, celle qui se fait le moins chier, celle qui contient les plus beaux spécimens de merveilles physiques, la race esthète par excellence, celle qui pue la force et la santé, la gaieté et la sagesse, la grâce et le bonheur. Je suis tellement fanatique de pannégrisme que j’ai tendance à mettre tous les nègres dans le même sac. »

Plus loin, dans le même livre, Nabe regrette la perte de l’identité africaine par une occidentalisation mal assimilée :

« L’Afrique est pleine de ces sales nègres qui ne sont pas deux mille à avoir saisir qu’un seul accord d’harpe fourchue nous baise bien plus la gueule que toute l’assimilation bâtarde des plus néfastes chapitres de notre culture ; que la faute repose entière sur ces présidents qui font des alexandrins, tous ces culpabilisateurs qui finalement désamorcent sourdement toute révolte efficace et légitime et tuent la tradition nègre... »

L’Éternité (1997)

Dans l’éditorial du second numéro de L’Éternité, paru en mars 1997, et intitulé « La désobéissance des moutons », Nabe évoque le mouvement des sans-papiers en 1996, symbolisé par l’occupation de l’église Saint-Bernard, à Paris, et se moque de leurs soutiens : « Pas un “antiraciste” “scandalisé” par l’expulsion des sans-papiers de l’église Saint-Bernard qui sache faire la différence entre un Dogon et un Massaï, entre un Algérien et un Tunisien, entre un Cantonais et un Pékinois, et même entre un Japonais et un Chinois ! Pourtant c’est facile, un Japonais a un teint de savon pourri, alors que le Chinois ressemble à un poisson en plastique.[82] »

L’Enculé (2011)

Marc-Édouard Nabe transpose l’affaire DSK en construisant le personnage de Dominique Strauss-Kahn à partir d’éléments authentiques (son poste au FMI, son procès, Anne Sinclair, la présidentielle de 2012) qu’il mêle à des traits de caractères inventés (antisémitisme, amour des singes). Nabe imagine une scène qui se passe à TriBeCa, dans l’appartement loué par Anne Sinclair après la libération sous caution de son mari de la prison de Rikers Island[83] :

— Tu regardes un reportage sur les babouins ?
— C’est pas des babouins.
— C’est quoi, alors ?
— Des nasiques, voyons, ça ne se voit pas ?
Elle rit.
— C’est rigolo en tout cas !
— Qu’est ce qu’il y a de rigolo ?
— Ben, l’animal.
— Quoi, l’animal ?
— Avec son gros nez qui pend. Grotesque !
— Tu te moques des singes !
— Je ne me moque pas des singes, mon amour...
— Tant mieux, parce que s’il y a un truc que je ne supporte pas, c’est bien ça. Un que je déteste, c’est ce cabot de Jean Rochefort quand il fait le singe !
— D'accord, mais tu avoueras que ceux-là sont particulièrement laids avec leur énorme nez, ce front bas, ces yeux perçants et en avant de la face, on ne peut pas les louper.
— C’est sûr que pour être identifiés, eux n’ont pas besoin d’étoile jaune accrochée à leur pelage...
— Oh ! Comment peux-tu faire la comparaison !
— C’est toi qui ne te rends pas compte de ce que tu dis... Tu parles des nasiques comme les nazis parlaient des Juifs. Oui, ils ont un gros nez, c’est comme une trompe...
— Moi, ils me rappellent plutôt les Noirs que les Juifs, tu m’excuseras. Ta Nafitassou devait être comme ça... Je comprends mieux pourquoi tu lui as sauté dessus...
— Ce que tu peux être raciste !
— Et toi antisémite !
— Oh, mamy Shoah, ça va ! D’abord, les nasiques n’ont rien à voir avec l’Afrique. Ce sont des singes asiatiques. Ils vivent sur l’île de Bornéo, figure-toi. J’aime beaucoup les gibbons, comme tu sais, mais les nasiques sont mes préférés.
— Ah bon ?
— Tu vis avec moi depuis plus de vingt ans et tu ne connais pas mes singes favoris ?
— Excuse-moi, non.
— Ah, la légèreté des femmes, leur indifférence, leur manque de curiosité pour toute autre chose que leur foutu utérus et la sacro-sainte queue reproductrice à laquelle elles ont permis d’y élire domicile ! On s’aperçoit qu’une épouse, finalement, n’a rien ressenti, n’a rien compris de ce qui anime réellement son mari. Qu’est-ce que tu crois ? Que c’est le FMI qui me fait bander ? Et la présidentielle jouir ? La femme vit dans un brouillard d’“amour” romantico-pragmatique dont elle ne veut jamais sortir.
— Stop, le misogyne !
— Je ne suis pas misogyne mais blessé que tu ne palpites pas avec moi, en parfaite communion, pour ma passion simiesque.
— Oh, toi et tes singes !
— Oui, je suis fou des singes, et alors ? C’est un crime ? Des mandrills aux capucins, des ouistitis aux macaques... C’est la noblesse de notre race, on descend d’eux, je te rappelle...
— Mon pauvre chéri, la prison ne t’a pas arrangé. Tu crois encore à ces sornettes de Darwin ? Même pas un Juif : il ne peut que se tromper.
— Ah bon ? Et de qui, selon toi, descend l’homme alors ?
— De Dieu voyons ! Enfin, de Yahvé, de D-ieu, si tu préfères !
— Si toi, tu préfères ! Espèce de bibleuse ! Pour expliquer notre évolution terrestre, moi j’aurais plus tendance à prendre un chimpanzé d’Afrique équatoriale qu’une abstraction céleste de Judée...
— C’est plutôt les guenons de Guinée que tu as tendance à prendre en ce moment !
— Oh, ça va ! Merde à la fin ! Laisse-moi regarder...

« L’eunuque raide » (2014)

En mars 2014, Marc-Édouard Nabe publie dans L’Infini (revue littéraire dirigée par Philippe Sollers) « L’Eunuque raide », une suite au portrait de Stéphane Zagdanski publié treize ans plus tôt dans la même revue, « Mon meilleur ami ». Dans dans un récit de 33 pages, Nabe met en scène Zagdanski en cadavre eunuque installé au « Cimetière des Amis pour la Vie », qui sort de sa tombe à l’occasion de la visite d’un ami corse, Julien, avant de voir passer de nombreux personnages de son entourage du temps où il était « vivant ». Il imagine notamment une scène où son épouse Viviane est sodomisée par Olivier, le frère de « L’Eunuque »[84] :

Tout à coup, Julien entendit des cris ! Exactement ceux qu’on entend dans la jungle. Une jungle de tombes ? Pas de doute, c’était des cris de singes hurleurs ! Ils avancèrent tous les deux un peu plus loin. L’Eunuque s’arrêta, se pencha et fit se pencher son ami pour mieux voir, entre deux tombes, une drôle de scène. Une femme noire était prise par derrière, debout, par un homme. Elle s’agrippait à une stèle comme au rebord d’un grand lit. Elle n’était pas nue, mais l’homme avait relevé sa jupe et lui bourrait le cul. Il devait avoir une cinquantaine d’années, c’était un Blanc.
— C’est donc de là que viennent les cris de singe, dit Julien à voix basse.
— D’une singe ! rectifia l’Eunuque.
— Toujours aussi raciste, à ce que je vois ! Je croyais que tu n’aimais que les Noires...
— Oh, tu sais, les Noires, j’en suis revenu. J’ai beau bander, sans couilles c’est moins marrant. Triste est l’érection !
— Mais c’est l’homme qui crie comme un singe !
— Elle, c’est ma femme, dit d’un ton blasé l’Eunuque. Et lui, c’est mon frère.
— Comment ? Ton frère ?
— Oui, Serge, le psychanalyste lacanien. Mon frère aîné. Il a toujours voulu se taper ma femme en particulier, et une Noire en général. Il sait bien qu’il peut la trouver ici.
— Et ils sont morts, eux aussi ?
— Pas du tout, aussi vivants que toi et moi, enfin toi !
— Et tu donnes ta femme, comme ça ?
— Elle ne me demande pas mon avis. Et en plus, Viviane est une pute. Tu sais bien où je l’ai rencontrée, je l’ai assez raconté dans mes livres...
— Oui, au Saphir.
— Oui, enfin, au Ruby’s.
— Avec Oliver Kahn, ton personnage galerie exubérant de Noire est la beauté.
— Oui, enfin, avec Marco... Finalement j’ai un seul personnage masculin dans tous mes livres, et c’est lui. Tu le reconnais bien à chaque fois malgré les oripeaux dont je l’affuble. Un peu mon frère, un peu mon double, un peu d’autres amis qui se transforment en lui... Je ne peux m’exprimer qu’à travers lui. Il devient mon moyen d’expression !
Ils avaient du mal à se parler à cause des cris du frère. Un vrai orang-outang qui n’arrêtait pas de défoncer le cul de Viviane, il faisait des grimaces épouvantables.
— Il te ressemble.
— C’est un abruti ! Comme les autres... Vivi croit me faire plaisir en se donnant à quasiment tous les visiteurs du cimetière. Toi-même tu pourrais te la taper, si tu voulais.
— Non merci, j’ai eu une seule expérience avec une Noire, et j’ai eu du mal à m’en remettre.
— Pourquoi, c’était si bien que ça ?
— Non, au contraire, elle avait le sida ! Je ne sais pas par quel miracle j’ai échappé à la maladie. En plus, c’était même pas une vraie Noire mais une métisse, c’est les pires.
— Fais attention, mon ami ! dit l’Eunuque soudain inquiet. Je n’aimerais pas te voir arriver trop tôt dans ce cimetière, car toi aussi tu y auras ta place...
— C’est quoi cette cicatrice que ta femme, enfin ta veuve, a sur la joue ?
— Le coup de rasoir d’une autre Banguissoise avec laquelle elle s’était crêpée le chignon, enfin, le postiche...
— Est-ce qu’elle fait payer ton frère pour la sauter ? dit Julien.
— Oui, bien sûr, c’est un psychanalyste. Il adore payer pour des séances qui ne sont pas les siennes. Elle est toute contente, après, de venir sur ma tombe et déposer les billets. Comme si j’avais besoin d’argent !
— Toi et l’argent !...
— À ce propos, tu sais que ces salauds ont eu le toupet de faire payer à ma famille la balle avec laquelle ils m(ont exécuté ?
— Comme en Chine...
— Chut ! Tu entends les mélodieux miaulements de Vivi qui jouit de la queue de mon frère ?
En effet, Julien entendait des sortes de “Niams-Niams”...

Les Porcs tome 1 (2017)

Dans le premier tome des Porcs, paru en 2017, Nabe continue de faire grincer les rouages des clichés racistes concernant différentes communautés, en particulier sur les Arabes, les Noirs et les Kabyles. En novembre 2017, il explique dans Nabe’s News son procédé stylistique : « quand je dis “(pléonasme)”, c’est un gimmick qui revient sans arrêt dans le livre avec deux termes collés dont je simule humoristiquement l’évidence pléonastique alors que pour l’esprit commun, ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. C’est mon humour rhétorique dans Les Porcs. »[85] :

  • « Les Américains l’avaient capturé, et pas tout seuls bien sûr, mais aidés par des traîtres kurdes (pléonasme) » (Chapitre XLV « Arrestation de Saddam », Les Porcs tome 1, 2017, p. 145)
  • « Mais il commençait à exprimer un révisionnisme stupide (pléonasme) que je m’efforçais de démonter, avec patience, par égard pour mon webmaster si dévoué. » (Chapitre CXV, « Où l’on voit Yves et Salim se renifler le cul », Les Porcs tome 1, 2017, p. 376)
  • « Je voyais que le gros transpirait, alors je libérai mon musulman incompétent (pléonasme ?) et on se retrouva, ma femme et moi, tout seuls à minuit. » (Chapitre CLXII « Où l’on voit Salim Laïbi pousser un scooter dans la nuit », Les Porcs tome 1, 2017, p. 499)
  • « Par gaffe, cet imbécile napolitain (pas pléonasme !) aurait été bien capable de tout lui balancer, à ce Robin ! J’essayais toujours de tenir Loffredo loin de tous ces personnages glauques. » (Chapitre CLXXI « Beaucoup de jazz pour des E&Riens », Les Porcs tome 1, 2017, p. 531)

Notes et références

  1. Georges-Marc Benamou, « Pourquoi j'ai bondi... », Le Quotidien de Paris, 18 février 1985, p. 18.
  2. Bernard Pivot, Apostrophes, Antenne 2, 8 janvier 1988. ; Antoine Spire, Les Voix du silence, France-Culture, 24 février 1988 ; Thierry Ardisson, Lunettes noires pour nuits blanches, Antenne 2, 4 décembre 1989 ; Pierre Assouline, RTL-Lire, RTL, 15 juin 1991 ; Philippe Lesaulnier, Polyptyque, RTBF, 31 mars 1995 ; Pierre Bouteiller, Quoi qu'il en soit, France Inter, 26 novembre 1996 ; Jamel Debbouze, Le Cas X, Radio Nova, 23 février 1998 ; Thierry Ardisson, Rive-Droite, Rive-Gauche, Paris Première, mars 1998 ; Jacques Chancel, Figure de Proue, France Inter, 31 janvier 1999 ; Thierry Ardisson, Tout le monde en parle, France 2, 17 novembre 2001 ; Guillaume Durand, Campus, France 2, 27 janvier 2006
  3. Michel Polac, « À vomir », Charlie Hebdo, 17 mai 2000.
  4. On n’est pas couché, France 2, 22 février 2014
  5. Frédéric Taddeï, Ce soir (ou jamais !), France 2, 10 janvier 2014
  6. Michael Prazan, « Le rire et l’outrance : la tradition française de l’antisémitisme », Le Monde, 23 janvier 2014, lire : https://www.lemonde.fr/idees/article/2014/01/22/le-rire-et-l-outrance-caracterisent-la-tradition-francaise-de-l-antisemitisme_4352256_3232.html
  7. Renaud Revel et Anne-Yasmine Machet, « Frédéric Haziza: "Inviter Dieudonné à la télé, c'est se faire son complice" », Lexpress.fr, 30 janvier 2014, lire : https://www.lexpress.fr/actualite/medias/frederic-haziza-inviter-dieudonne-a-la-tele-c-est-s-en-faire-son-complice_1318938.html
  8. Marc-Édouard Nabe, Au régal des vermines, anti-édition, 2012 (1985), pp. 162-163.
  9. Marc-Édouard Nabe, Au régal des vermines, anti-édité, 2012 (1985), p. 160.
  10. « Très tôt à Paris où je découvre la réédition opportuniste du tome IX des œuvres de Bloy (Le Salut par les Juifs) : volume un peu caché qui ressort en semi-douce pour les découvreurs de lune ! Si en relisant ce chef-d’œuvre, les types comprennent mieux le passage de Nabe’s Dream [un des premiers titres du Régal] consacré aux Juifs, c’est gagné… » : Marc-Édouard Nabe, Nabe’s Dream, Éditions du Rocher, 1991, p. 36
  11. Emmanuel Leclerc, « Apostrophes now », Les Écrits de l'image, numéro 6, printemps 1995, repris dans Coups d’épée dans l’eau, Éditions du Rocher, 1999, pp. 285-295.
  12. Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, p. 3709.
  13. Marc-Édouard Nabe, Sauver Siné, tract, 20 septembre 2008.
  14. Marc-Édouard Nabe, Le Vingt-septième Livre, Le Dilettante, 2009, pp. 33-34.
  15. Marc-Édouard Nabe, Chapitre XCII « Y a bon barbare ! », Les Porcs tome 1, anti-édité, 2017, pp. 290-293.
  16. « Nabe en quête de fric pour son pavé de 2000 pages que personne ne lira... », lelibrepenseur.org, 17 décembre 2014, lire : https://web.archive.org/web/20150403102549/http://www.lelibrepenseur.org/2014/12/17/nabe-en-quete-de-fric-pour-son-pave-que-personne-ne-lira/
  17. « Charlie Hebdo : Nabe ou l’apologie du terrorisme légale ! », lelibrepenseur.org, 19 janvier 2015, lire : https://web.archive.org/web/20150122101311/http://www.lelibrepenseur.org/2015/01/19/charlie-hebdo-nabe-ou-lapologie-du-terrorisme-legale/
  18. Gilles Kepel, Terreur dans l’hexagone, Gallimard, 2015, pp. 210-213.
  19. Yann Barte, « Usul : du combat contre la « mythologie républicaine » à la tentation complotiste », conspiracywatch.info, 2 janvier 2018, lire : https://www.conspiracywatch.info/usul-du-combat-contre-la-mythologie-republicaine-a-la-tentation-complotiste.html
  20. Sans rapport ni avec Usul, ni avec sa citation, Yann Barte cite le nom de Frédéric Taddeï, pour lui reprocher, dans une longue note de bas de page, d’avoir invité Nabe le 10 janvier 2014, dans Ce soir (ou jamais !) : « Marc-Edouard Nabe et Frédéric Taddeï se connaissent de longue date. L’écrivain est d’ailleurs le parrain de l’un des enfants de l’animateur et ses livres ont régulièrement été présentés à “Ce soir (ou jamais !)” (CSOJ). A l’annonce d’une émission consacrée à l’affaire de l’interdiction du spectacle de Dieudonné M’Bala M’Bala le 10 janvier 2014, Frédéric Taddéï offrira à Nabe un dispositif sur mesure, sans aucun contradicteur, occasion inespérée de le faire passer pour une autorité morale et un indéfectible opposant de Dieudonné. »
  21. Éclats de Nabe, « Regarde toutes les flèches qu’ils m’ont envoyées, tes frères… », 8 novembre 2015, voir : https://www.youtube.com/watch?v=e_HtP3T1gy0
  22. Marc-Édouard Nabe, Inch’Allah, Éditions du Rocher, 1996, pp.2030-2032, p. 2035, p. 2041, p. 2043.
  23. Marc-Édouard Nabe, Inch’Allah, Éditions du Rocher, 1996, pp.2030-2032.
  24. Marc-Édouard Nabe, Inch’Allah, Éditions du Rocher, 1996, pp.2030.
  25. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, pp. 18-19.
  26. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, p. 24.
  27. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, p. 29.
  28. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, p. 31.
  29. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, p. 53.
  30. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, pp. 40-41.
  31. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, p. 55.
  32. Marc-Édouard Nabe, Une lueur d’espoir, Éditions du Rocher, novembre 2001, p. 81.
  33. Tout le monde en parle, France 2, 13 septembre 2003
  34. Marc-Édouard Nabe, Printemps de feu, Éditions du Rocher, 2003, p. 15.
  35. Marc-Édouard Nabe, Printemps de feu, Éditions du Rocher, 2003, p. 145.
  36. Marc-Édouard Nabe, « Crève, Occident ! », La Vérité n°1, novembre 2003, pp. 8-9. ; repris dans J’enfonce le clou, Éditions du Rocher, 2004, pp. 27-36.
  37. Saddam Hussein, « “Malheur à vous, petits nains !“ », La Vérité n°2, décembre 2003, p. 12.
  38. Marc-Édouard Nabe, « Préface », J’enfonce le clou, Éditions du Rocher, 2004, p. 11.
  39. Marc-Édouard Nabe, « Intelligence du terrorisme », La Vérité n°3, janvier 2004, p. 3.
  40. Marc-Édouard Nabe, « Intelligence du terrorisme », J’enfonce le clou, octobre 2004, p. 55.
  41. Marc-Édouard Nabe, J'enfonce le clou, Éditions du Rocher, 2004, p. 221.
  42. Marc-Édouard Nabe, L’Homme qui arrêta d’écrire, anti-édité, 2010, pp. 512-514.
  43. Hicham Hamza, « “Le complotisme est une maladie mentale” : entretien avec Marc-Edouard Nabe », oumma.com, 7 avril 2012, lire : https://oumma.com/le-complotisme-est-une-maladie-mentale-entretien-avec-marc-edouard-nabe/
  44. David Doucet, « Avant la sortie de son livre contre Soral et Dieudonné, Nabe sort un magazine », Les Inrocks, 4 décembre 2014, lire : https://www.lesinrocks.com/2014/12/04/actualite/sortie-livre-contre-soral-dieudonne-nabe-sort-magazine-11539453/
  45. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 7-10.
  46. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 10-12.
  47. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 16-34.
  48. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 36-42.
  49. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 42-52.
  50. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, p. 52.
  51. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 64-65.
  52. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 66-72.
  53. Marc-Édouard Nabe, Patience 1, anti-édité, décembre 2014, pp. 74.
  54. Marc-Édouard Nabe, Patience 2, anti-édité, septembre 2015, pp. 33-34.
  55. Marc-Édouard Nabe, Patience 2, anti-édité, septembre 2015, pp. 35-36.
  56. Marc-Édouard Nabe, Patience 2, anti-édité, septembre 2015, p. 39.
  57. Jean-François Mignot et Céline Goffette, « Non, “Charlie Hebdo” n’est pas obsédé par l’islam », Le Monde, 25 février 2015, lire : https://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/24/non-charlie-hebdo-n-est-pas-obsede-par-l-islam_4582419_3232.html
  58. Marc-Édouard Nabe, Patience 2, Paris : anti-édité, 2015, pp. 48-89. ; Éclats de Nabe, « "C'était pas à moi de faire la chronologie de Charlie Hebdo !" », 8 octobre 2015, voir : https://www.youtube.com/watch?v=OL_HthLILH8
  59. « YouTube censure “Nabologie du terrorisme” (2015) ! », Nabe’s News numéro 19, 1er mars 2019, lire : http://www.nabesnews.com/youtube-censure-nabologie-du-terrorisme/
  60. Soral est ainsi décrit : « Il est important que les musulmans de France prennent conscience qu'en suivant Soral et consorts, ils exposent leur foi et leur Islam à un grand danger. Ces derniers étant inféodés aux régimes syriens et iraniens poussent leurs lecteurs et auditeurs à soutenir, ne serait-ce que par les mots, l'Iran rafidite et la Syrie noussayrite dans leur guerre contre les musulmans sunnites de l'État Islamique. Or, comme cela est bien connu, ceci est une apostasie claire exposée dans la Parole de notre Seigneur. »
  61. « L’État Islamique dans les mots de l’ennemi », Dar al-Islam n°7, novembre 2015, p. 35.
  62. Anne-Laure Debaecker, « La 7e édition du magazine français de l’État islamique menace l’école », Valeurs actuelles, 2 décembre 2015, lire : http://www.valeursactuelles.com/societe/la-7e-edition-du-magazine-francaise-de-letat-islamique-menace-lecole-francaise-57671 ; Robin Verner, « Le magazine en français de Daech déclare la guerre à l'école républicaine », Slate.fr, 1er décembre 2015 ; lire : http://www.slate.fr/story/110885/magazine-francais-ei-complotisme ; Marie-Estelle Pech, « La propagande de Daech s'en prend à l'école française », Le Figaro, 2 décembre 2015, lire : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/12/02/01016-20151202ARTFIG00158-la-propagande-de-daech-s-en-prend-a-l-ecole-francaise.php ; Vincent Coquaz, « Après Onfray, la propagande de Daech enrôle Marc-Edouard Nabe », Arrêt sur images, 2 décembre 2025, lire : https://beta.arretsurimages.net/articles/apres-onfray-la-propagande-de-daech-enrole-marc-edouard-nabe ; « N° 7 de "Dar al Islam", le magazine en français de l'#EI. MàJ : Appel à tuer "les professeurs qui y enseignent la laïcité" », Fdesouche, 2 décembre 2015, lire : http://www.fdesouche.com/675581-sortie-du-numero-7-de-dar-al-islam-le-magazine-en-francais-de-lei-consacre-aux-attentats-de-paris ; « Marc-Édouard Nabe, Michel Onfray, stars de l’État islamique », Jeune Nation, 2 décembre 2015, lire : http://www.jeune-nation.com/societe/24662-marc-edouard-nabe-michel-onfray-stars-de-letat-islamique.html
  63. Mathieu Dejean, « Daech a-t-il vraiment fait appel à Marc-Édouard Nabe pour relayer son ultimatum à la France ? », lesinrockuptibles.com, 7 juin 2017, lire : https://www.lesinrocks.com/2017/06/07/actualite/daech-t-il-vraiment-fait-appel-marc-edouard-nabe-pour-relayer-son-ultimatum-la-france-11952131/
  64. Salim Laïbi, « Coloscopie # 9 – Nabe, le scatophile mystique ! », lelibrepenseur.org, 6 novembre 2013, lire : https://web.archive.org/web/20131222025003/http://www.lelibrepenseur.org/2013/11/06/coloscopie-9-sauver-nabe-il-est-dans-la-merde
  65. « scatophilie nabienne », 13 novembre 2013, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20131219075838/http://www.lelibrepenseur.org/2013/11/13/naboscopie-10-nabe-le-jet-setteur-christique ; « En à peine 3 min d’ITW, il ne peut s’empêcher de parler de caca !!! », 10 décembre 2013, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20131213105845/http://www.lelibrepenseur.org/2013/12/10/itw-de-nabe-dans-le-mouv/ ; « clown scatophile », 12 janvier 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20140130012850/http://www.lelibrepenseur.org/2014/01/12/cabale-anti-dieudonne-quand-le-nain-venerait-saint-dieudonne/ ; « scatophile Marc-Édouard Nabe », 12 janvier 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20140216204303/http://www.lelibrepenseur.org/2014/01/12/cabale-anti-dieudonne-captain-iglo-veut-combattre-dieudonne-sans-pitie ; « scatophile hystérique (Nabe pour ceux qui ne suivent pas) », 7 février 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20140209180700/http://www.lelibrepenseur.org/2014/02/07/le-vrai-visage-hideux-de-f-taddei/ ; « nabot scato », 17 décembre 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20150403102549/http://www.lelibrepenseur.org/2014/12/17/nabe-en-quete-de-fric-pour-son-pave-que-personne-ne-lira/ ; « nabot scatophile », 19 janvier 2015, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20150122101311/http://www.lelibrepenseur.org/2015/01/19/charlie-hebdo-nabe-ou-lapologie-du-terrorisme-legale/ ; « nabot scatophile », 18 mars 2015, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20150322105037/http://www.lelibrepenseur.org/2015/03/18/hassan-nasrallah-letat-islamique-est-avant-tout-wahhabite-chaque-musulman-doit-le-combattre/ ; « nabot scatophile, M.-É. Nabe », 19 mars 2015, lire : https://web.archive.org/web/20150321181533/http://www.lelibrepenseur.org/2015/03/19/charlie-hebdo-dieudonne-condamne-nabe-court-toujours/
  66. « « Avertissement » : Tremblez, mortels, devant le jugement dernier du dieu Nabe, par LLC », 12 janvier 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20140213051329/http://www.lelibrepenseur.org/2014/01/12/avertissement-tremblez-mortels-devant-le-jugement-dernier-du-dieu-nabe-par-llc ; « Cabale anti-Dieudonné : Quand le nabot adorait le « génial » Dieudonné », 12 janvier 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20140216204340/http://www.lelibrepenseur.org/2014/01/12/cabale-anti-dieudonne-quand-le-nabot-adorait-le-genial-dieudonne ; « Cabale anti-Dieudonné : Quand le nain vénérait « Saint Dieudonné » », 12 janvier 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20140130012850/http://www.lelibrepenseur.org/2014/01/12/cabale-anti-dieudonne-quand-le-nain-venerait-saint-dieudonne/ ; « Cabale anti-Dieudonné : Captain Iglo (alias Nabe) veut combattre Dieudonné, « sans pitié » », 12 janvier 2014, lelibrepenseur.org, lire : https://web.archive.org/web/20140216204303/http://www.lelibrepenseur.org/2014/01/12/cabale-anti-dieudonne-captain-iglo-veut-combattre-dieudonne-sans-pitie
  67. « #36 - La love story la plus con du rat Nabe : le CACA ! », cacasdenabe.wordpress.com, 2 août 2017, lire : https://cacasdenabe.wordpress.com/2017/08/02/36-la-love-story-la-plus-con-du-rat-nabe-le-caca/
  68. Marc-Édouard Nabe, Au régal des vermines, anti-édité, 2012 (1985), pp. 206-207.
  69. Marc-Édouard Nabe, Chacun mes goûts, Paris : Le Dilettante, 1986, pp. 19-20.
  70. Marc-Édouard Nabe, Nabe’s Dream, Éditions du Rocher, 1991, pp. 652-654.
  71. Marc-Édouard Nabe, Loin des fleurs, Le Dilettante, 1998, p. 37.
  72. Marc-Édouard Nabe, « Premier amour », K.-O. et autres contes, Éditions du Rocher, 1999, pp. 189-195.
  73. Marc-Édouard Nabe, Alain Zannini, Éditions du Rocher, 2000, p. 582.
  74. La Vérité n°1, novembre 2003, p. 15.
  75. La Vérité n°4, février 2004, p. 15.
  76. Marc-Édouard Nabe, L’Homme qui arrêta d’écrire, anti-édité, 2010, p. 393.
  77. Marc-Édouard Nabe, L’Enculé, anti-édité, octobre 2011, p. 49.
  78. Marc-Édouard Nabe, Chapitre CLXI, « Paul-Éric Blanrue, l’homme qui aimait pisser sur les femmes », Les Porcs tome 1, Paris : anti-édité, 2017, p. 494.
  79. Apostrophes, Antenne 2, 15 février 1985, retranscrit dans « Le scandale absolu », Coups d’épée dans l’eau, Éditions du Rocher, 1999, p. 16.
  80. Caroline Fourest, « Frédéric Taddeï enfin sur Russia Today », Marianne, 20 juillet 2018, lire : https://www.marianne.net/debattons/editos/frederic-taddei-enfin-sur-russia-today
  81. Marc-Édouard Nabe, Au régal des vermines, anti-édité, 2012 (1985), p. 83.
  82. Marc-Édouard Nabe, « Éditorial », L’Éternité, mars 1997, p. 1, repris dans Non, Éditions du Rocher, 1998, p. 278.
  83. Marc-Édouard Nabe, L’Enculé, anti-édité, 2011, pp. 83-85.
  84. Marc-Édouard Nabe, « L’Eunuque Raide », L’Infini n°126, printemps 2014, pp. 69-70
  85. « On ne brûle pas Charlie Mingus impunément », Nabe’s News n°8, 26 novembre 2017, lire : http://www.nabesnews.com/on-ne-brule-pas-charlie-mingus-impunement/