Ce soir (ou jamais !)

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Marc-Édouard Nabe et Laurent Fabius sur le plateau de Frédéric Taddeï, 27 septembre 2010

Ce soir (ou jamais !) est une émission présentée par Frédéric Taddeï, diffusée sur France 3 en quotidienne entre septembre 2006 et juin 2011, puis en hebdomadaire jusqu’en février 2012, avant de changer de chaîne en mars pour basculer sur France 2 et disparaître en juin 2016.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Durant l’été 2006, la productrice Rachel Kahn propose à Frédéric Taddeï d’animer une quotidienne culturelle. D’abord réticent, l’animateur de Paris Dernière est poussé par Marc-Édouard Nabe à accepter la proposition, qui le fera passer en face de la caméra alors que pour l’émission précédente dont il était l’animateur (Paris Dernière), Taddeï était derrière. L’écrivain conseille l’animateur, lui suggérant notamment de faire se rencontrer des invités atypiques choisis dans le milieu artistique et dans différentes disciplines. Entre 2006 et 2010, période durant laquelle l’écrivain feint d’arrêter d’écrire, il est invité une dizaine de fois sur des sujets divers, sans rapport avec ses livres. En 2014, il sera reçu par Taddeï sept minutes à part dans une émission consacrée à Dieudonné, qu’il attaque, avec Alain Soral, sur son conspirationnisme. Son propos n’est pas compris par les autres invités, dont Émilie Frèche, qui dénonce les milliers de pages « très antisémites » de l’écrivain.

La conception et la création de Ce soir (ou jamais !), avec le rôle que Nabe y a joué, sont largement racontées dans le premier tome des Porcs (2017), ainsi que ses différents passages chez Taddeï.

Ce soir (ou jamais !) dans Les Porcs

Chapitre C - Taddeï fait sa chochotte

Les Porcs tome 1, 2017, pp. 314-315

« Taddeï hésitait, faisait sa chochotte. Ce que voulait France 3, c’était faire un nouveau Droit de réponse, mais Frédéric avait peur. Pourtant, la configuration était excellente. Franz-Olivier Giesbert avait été viré. Voilà pourquoi Rachel Kahn cherchait un nouveau cheval sur lequel remonter. Ne parlons pas d’Ardisson, qui venait de faire sa dernière de Tout le monde en parle, une émission d’une beaufferie inimaginable. Il avait invité toute la troupe de bas étage, les plus vulgaires représentants de la peoplerie des dernières années.
Ça dura plusieurs jours de discussion. J’essayai de convaincre Frédéric mais ça ne suffit pas. Ses sœurs aussi le poussaient, rien à faire, ça faisait trop pour lui. Deux quotidiennes par jour, plus Paris Dernière auquel il s’accrochait comme à un lambeau, un bout de nuit même plus noire qui flottait en vieux chiffon au bout de sa légende.
J’avais beau lui dire que je l’aiderais à trouver des idées pour construire l’émission, que c’était une tribune fantastique, un nouveau tremplin, un prodigieux plongeoir duquel tant de champions allaient pouvoir exercer leur art, et même qu’il avait une responsabilité politique qui ne lui donnait pas le droit de refuser, rien n’y faisait. La veille du jour où il devait remettre sa décision, soir fatal, on resta longuement au téléphone, et j’épuisai tout ce que j’avais comme stock d’arguments. En vain ! C’était désespérant, Taddeï me dit qu’il allait décliner l’offre le lendemain matin, à neuf heures. C’était plié. Rachel Kahn pouvait penser ce qu’elle voulait, il ne se sentait pas prêt.
Tant pis. Moi aussi je renonçai à le secouer. Très énervé, je me couchai avec Audrey vers une heure du matin. Il faisait une chaleur orageuse en cette fin juin 2006. J’avais éteint la lumière quand un moustique me piqua. On pourra lui donner plus tard le prix Nobel de la télévision, à celui-là ! Sans lui, rien ne se serait fait. Comme je n’arrivai pas à me rendormir, Audrey me souffla un dernier argument pour Frédéric, il fallait que j’essaye, le dernier avant d’abandonner. J’avais la flemme de me relever pour le rappeler et il était tard mais elle insista. “Si tu lui dis ça, c’est sûr qu’il va accepter.”
Alors je m’exécutai. Tout nu dans mon salon, je rappelai Fréderic et lui dis :
— Tu vois cette belle petite blonde sur M6 à qui on a proposé de présenter le journal télévisé de 20 heures sur TF1, eh bien elle a refusé cette conne. Quelle que soit la raison, on dira toujours que c’est par coquetterie ou par snobisme. Crois-moi, elle n’a pas fini de le regretter !
À l’époque, la “petite blonde” n’était pas encore maquée avec celui que les Américains appelleraient son “macaque”, Jamel Debbouze. Elle avait peut-être cherché quelqu’un à qui il manquait les doigts qu’elle s’était mordus de ne pas avoir accepté d’être la nouvelle Claire Chazal ! Bref, Taddeï m’écoutait. Je conclus :
— Ne fais pas ta Mélissa Theuriau !
Piqué au vif comme par un moustique, Frédéric ricana brièvement et je repartis me coucher.
Le lendemain, à neuf heures, il acceptait la proposition de Rachel Kahn. Le titre, c’est France 3 qui l’avait trouvé : Ce soir (ou jamais !). »

Chapitre CX - Taddeï’s Coaching

Les Porcs tome 1, 2017, pp. 352-353

« Un soir, à 21 heures 30, il vint me chercher. On passa à Europe 1 où il avait des papiers à photocopier, l’ambiance de nuit était épaisse, la station déserte. Puis on alla dîner à la Fermette Marbeuf, la discussion fut claire et franche, j’étais enthousiaste sur son émission, mais je m’aperçus qu’à quelques jours de la première, il était moins avancé que je ne l’aurais cru. Tout était encore à faire, il pataugeait...
On passa au Deauville. Bien entendu, il ne pouvait pas faire autrement que de m’inviter à la première, je m’étais suffisamment investi dans son projet ! Rachel Kahn, qui m’avait boycotté à l’époque où elle produisait l’émission de Giesbert sur la Deux, n’y vit aucun inconvénient. C’était pourtant la femme de Jean-François Kahn ! Je viendrais présenter mon tract sur Zidane, puisque c’était mon “actualité”.
Sur un bout de papier, je lui esquissai quelques plateaux possibles, sur les thèmes Kampusch, Liban, Foot, etc. Il repartit tout content...
Le lendemain, tard dans la soirée, Taddeï nous rejoignit, Audrey et moi, chez nous, pour faire le point. Il nous sortit de telles conneries sur son émission qu’Audrey s’en alla dehors fumer une cigarette pour se désénerver. Frédéric (en gabardine et sac en bandoulière, très plouc) et moi sortîmes et marchâmes sur les Champs, jusqu’au Deauville encore. Discussion âpre, épuisante, j’avais du mal à respirer tellement je gueulais et m’exaltais. Il m’avait apporté une liste d’invités potentiels, mais elle n’était constituée que de gens en promo dans les deux mois suivants ! Et il n’avait rien compris au dispositif en jeu, je lui donnais des idées, il notait, je lui faisais des colonnes de paramètres à mélanger (connus, pas connus, thèmes, pauses piano, rencontres, personnalités, etc.).
Le principe, c’était de faire parler des gens qu’on n’entendait jamais, et qu’on ne connaissait pas. Pas seulement moi, mais Houria Bouteldja (une Algérienne anticolonialiste grande gueule que j’avais repérée plusieurs fois chez Giesbert), Tariq Ramadan, l’islamologue distingué, mais aussi Romain Bouteille, ou Pierre Péchin, dans le genre acteur comique oublié, et mélanger. Frédéric avait l’air paumé et s’accrochait à ses deux réflexes : la promo et le people ; il tenait absolument à inviter Jamel Debbouze pour le film Indigènes et le traiter de “collabo” (tu parles !). Je le laissai à trois heures du mat’, au Rond-Point, à sa moto, avec son imper à la Goebbels et son casque, et je rentrai.
Audrey ne dormait pas. On rit beaucoup de notre influence sur un Taddeï complètement à la ramasse, d’une stupidité palpable. Elle se sentait presque coupable de m’avoir poussé à l’influencer. Audrey nous imaginait dans les cauchemars de Taddeï, tous les deux en mages à chapeaux pointus sous l’orage, entourés de hiboux, de chauve-souris, visibles une fraction de seconde le temps qu’en un éclair, la foudre illumine la lande !...
— On a peut-être poussé Taddeï à sa perte ! »

Passages

Zinédine Zidane et Oscar Wilde

Invité de la première émission, Marc-Édouard Nabe parle de son premier tract, diffusé le 24 juillet 2006, intitulé « Zidane la Racaille ». Il y évoque notamment les raisons qui ont poussé le joueur de foot à frapper d’un coup de tête le joueur italien Matteo Matterazzi. Il est également question dans la même émission d’Oscar Wilde.

L’exposition « Écrivains et Jazzmen »

Le 12 février 2007, Marc-Édouard Nabe parle de sa nouvelle galerie de portraits, qui se tient à Galerie Vies d’artiste.

Le nucléaire iranien

Après la sortie de son tract, La Bombe de Damoclès, fin octobre 2007, sur la question du nucléaire iranien et les tensions provoquées par les doutes américains, européens et israéliens sur sa finalité (militaire contre civile), Marc-Édouard Nabe est invité le 12 décembre à débattre de l’éventualité d’une guerre en Iran aux côtés de Roland Dumas et Sara Yalda et face à Frédéric Encel, François Heisbourg, Yann Richard et Bruno Tertrais.

L’Arche de Zoé et l’annulation du Paris Dakar

Présent en Mauritanie fin décembre 2007, Marc-Edouard Nabe est interviewé par La Tribune de Nouakchott début janvier 2008, au sujet de l’annulation du Paris-Dakar. De retour à Paris, l’écrivain est invité par Taddeï dans un débat sur l’Arche de Zoé (l’enlèvement de 103 enfants tchadiens par une association humanitaire) et sur le Paris-Dakar (face à Thierry Sabine).

La découverte du Rêve de Bismarck d’Arthur Rimbaud

En mars 2008, le cinéaste Patrick Taliercio découvre chez un bouquiniste de Charleville-Mézières un inédit d’Arthur Rimbaud, Le rêve de Bismarck, publié dans le Progrès des Ardennes sous le pseudonyme de Jean Baudry. C’est d’abord par une notule signée Jérôme Dupuis parue dans L’Express le 1er mai que l’information apparaît[1]. Le 20 mai, Marc-Édouard Nabe est invité avec Jean-Jacques Lefrère, biographe de Rimbaud, et donne une lecture orale du texte. Deux jours plus tard, Le Figaro publie enfin un article[2]. Les réactions fleurissent : Jean Teulé minimise la valeur de la découverte, quand Jean-Dominique Pochard (sous le pseudonyme de Raphael Zacharie de Izarra) prétend être l’auteur du texte et par là même de ce qu’il déclare être une supercherie.

Invité par Benoît Poelvoorde

Le 12 janvier 2009, Nabe est invité dans l’émission à la demande du comédien Benoît Poelvoorde.

Les 30 ans de la mort de Jacques Mesrine

À l'occasion des 30 ans de l’exécution de Jacques Mesrine, survenue le 2 novembre 1979, Taddeï invite à part Nabe pendant une dizaine de minutes pour évoquer la figure de « l'homme aux mille visages ». L’écrivain en profite pour critiquer sévèrement le biopic sur Mesrine avec Vincent Cassel dans le rôle titre.

La sortie de L’Homme qui arrêta d’écrire

Le 22 mars 2010, Frédéric Taddeï consacre une partie de son émission Ce soir (ou jamais !) au vingt-huitième livre, et premier anti-édité, de Nabe : L’Homme qui arrêta d’écrire[3].

Takashi Murakami au château de Versailles

Le 27 septembre 2010, Marc-Édouard Nabe est invité dans l'émission pour évoquer l'art contemporain, et en particulier l'exposition Takashi Murakami et les installations de Jeff Koons à Versailles, en présence de Jean-Jacques Aillagon (président de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles), Nicolas Bourriaud et Laurent Fabius.

La mort d’Oussama Ben Laden

Le 2 mai 2011, à peine rentré de Tunisie où il a passé un mois sur le terrain des révolutions arabes, Marc-Édouard Nabe apprend la mort, survenue la veille, d’Oussama Ben Laden. À l’initiative de Frédéric Taddeï, l’auteur de Une lueur d’espoir est invité le soir même dans Ce soir (ou jamais !), à évoquer la vie du leader d’al-Qaeda face à Jean-Pierre Filiu, Percy Kemp, Bassma Kodmani, Norman Spinrad, Dominique de Villepin et Marc Weitzmann. Lors d’une altercation, Nabe surnomme ce dernier « Petit Weitzmann » et s’accroche avec la plupart des autres invités. Dans La Croix, Jean-Yves Le Priol critique Ce soir (ou jamais !) et vise particulièrement Marc-Édouard Nabe, « écrivain intarissable et passablement agressif »[4].

Contre le complotisme de Dieudonné et Soral

Invité 7 minutes à part pour parler du complotisme de Dieudonné et d’Alain Soral, Marc-Édouard Nabe suscite un « scandale », non sur les propos tenus, mais sur sa simple présence qui oblige Frédéric Taddeï à s’expliquer de longues semaines après la diffusion de sa séquence. Une rumeur donne Ce soir (ou jamais !) deprogrammé ou déplacé à un horaire plus tardif à cause de cette émission[5]. Les réactions et conséquences sont nombreuses. Beaucoup de lecteurs de Nabe mais aussi fans de Dieudonné ne comprennent pas cette attaque anti-complotiste par le futur auteur des Porcs contre l’ennemi public n°1 du « sionisme régnant » et lâchent Nabe. Dans le clan des bien-pensants, l’affaire est commentée, aussi bien par Alain Finkielkraut sur France-Culture que par Frédéric Haziza qui affirme que Nabe « a notoirement publié des écrits violemment antisémites » et que « Frédéric Taddeï n’avais pas forcément besoin de lui accorder une sorte de place de Grand témoin dans son émission. »[6]

Notes et références

  1. Jérôme Dupuis, « Rimbaud reporter ». L’Express n°2965, 1er mai 2009, lire : https://www.lexpress.fr/informations/rimbaud-reporter_722769.html
  2. Françoise Dargent, « Rimbaud : l’incroyable découverte ». Le Figaro, 22 mai 2008, lire : http://www.lefigaro.fr/livres/2008/05/22/03005-20080522ARTFIG00333-rimbaud-l-incroyable-decouverte.php
  3. Marc-Édouard Nabe, Chapitre CCXCII « L’Homme qui s’arrêta d’écrire », Les Porcs tome 1, anti-édition, 2017, pp. 904-907.
  4. Jean-Yves Le Priol, « C’est n’importe quoi », La Croix » n°38962, 4 mai 2011.
  5. Yann Faucher, « Ce soir ou jamais : le changement d’horaire, c’est maintenant ?, lexpress.fr, 4 février 2014.
  6. Renaud Revel, « Frédéric Haziza : “Inviter Dieudonné à la télé, c’est se faire son complice“ », lexpress.fr, 4 février 2014.