Docteur Petiot

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Docteur Petiot à son procès, 1946

Marcel Petiot, dit le Docteur Petiot, est un médecin et assassin né le 17 janvier 1897 à Auxerre. En 1942, installé dans un cabinet à Paris dans le 17e arrondissement, Petiot propose discrètement des exfiltrations vers l’Amérique latine, en particulier à des Juifs, à qui il demande de venir chez lui avec tous leurs biens, dont il les dépossédera. En effet, le médecin, sous prétexte de vaccination, empoisonne ses « clients » et fait disparaître leurs corps en les brûlant à la chaux vive. Ses actions finissent par attirer l’attention de la Gestapo qui en 1943 l’arrête et l’emprisonne à Fresnes, puis le torture pour lui faire avouer ses liens (inexistants) avec la Résistance, avant de le libérer. Les voisins de Petiot, incommodés par l’odeur des cadavres que le docteur faisait disparaître dans sa cheminée, alertent les autorités. Petiot se fait pousser la barbe et s’engage alors dans la Résistance (Forces françaises de l’intérieur, certains disent pour se couvrir au cas où...), sous le nom du « capitaine Valeri » avant de faire l’objet d’un mandat d’arrêt à la Libération. Il est enfin arrêté et incarcéré en novembre 1944 à la prison de la Santé où, en attendant l’ouverture de son procès, il écrit un livre sur le hasard, Le hasard vaincu, qui a été publié en 1946. Petiot est condamné à mort en avril 1946 pour le meurtre de 24 personnes et est guillotiné le 25 mai 1946 à Paris.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Intéressé par la plupart des grandes figures de la criminalité, il était logique que Marc-Édouard Nabe insère le docteur Petiot dans le Panthéon de ses assassins passionnants. Bien avant que Michel Serrault incarne, avec talent, le personnage du docteur de la rue Le Sueur, Nabe imaginait qu’un film, en effet, aurait dû être tourné depuis longtemps sur le parcours, le caractère exceptionnel de Marcel Petiot (dont l’attitude ambivalente pendant l’Occupation allant jusqu’à aussi bien supporter les tortures de la Gestapo que les risques pris pendant son engagement dans la Résistance), et ses obsessions, qu’on pourrait qualifier de pré-lacaniennes (le choix du pays proposé à ses victimes en fonction du nom de la station de métro près de chez lui : « Argentine »), sans oublier ses recherches sur le hasard qui lui ont fait composer un livre sur la question pendant le temps de sa détention... Enfin, quand on aura signalé son jeu si théâtral que, pendant son procès, le public du tribunal comptait de grands comédiens professionnels venus l’écouter, ainsi que son exécution, où son comportement d’un détachement grandiose restera dans les annales judiciaires, on comprendra pourquoi tout cela ne pouvait qu’inspirer l’écrivain du Journal intime et de Patience (à propos, on notera la comparaison illustrée que Nabe fait entre le docteur Petiot et le docteur Pelloux dans Patience 2, p. 17).

Citations

Nabe sur Petiot

  • « Mardi 28 février [1984]. — [...] En nous promenant, nous achetons un disque de Mozart, la symphonie Jupiter, qu’Hélène adore. Beau boulot, même si je préfère Debussy. Plus romantique, je déniche un livre sur Petiot. Je termine presque dans la journée cette biographie illustrée du toubib de la cruauté (c’est vrai qu’il y a du Artaud chez lui : ils avaient eu d’ailleurs le même psychiatre...). Quelle histoire effrayante pleine de tiroirs que celle de Marcel Petiot, splendide physique de théâtre (on le compare lors du procès à “Le Vigan jouant Satan”), ironique et d’une aisance royale, lyrique, halluciné... C’est bien le personnage qui se fait juger, jamais le crime... Lacenaire, Landru, Weidmann, Petiot, Dominici, tous monstres lavés pour toujours grâce à leur personnalité unique. Les criminels n’ont pas toujours une allure terrible mais quand c’est le cas, il n’y a plus de crime. Plus de femmes dans les chaudières à Landru, pas une, rien, innocent, sanctifié ! L’horreur ne retient que la beauté et l’intelligence... La plus grande misère pour une victime, c’est de tomber sur un génie du crime. Au fond, pas un de ses “clients” ne vaut le rôle de Petiot. C’est triste mais c’est vrai. Ça en devient presque un honneur de mourir pour permettre à un tel caractère de sortir de l’ombre. Passionné d’éthique comme je le suis, misant le tiers de ma littérature sur ça, je ne peux être qu’intéressé par l’affaire Petiot. Toute criminalité originale attire mon attention : j’y vois une extension de la morale qui exalte la mienne : j’essaie de trouver dans les crimes des hommes la rhétorique du sens que mon écriture exige pour toucher, elle, le crime de la pensée. Comment écrire comme d’autres tuent ? Voilà la véritable question. » (Nabe’s Dream, 1991, pp. 297-298)
  • « Mercredi 29 février [1984]. — [...] Comme c’est tout près d’ici, je me rends sur place rue Lesueur pour terminer mon livre sur Petiot. J’aime lire dans les décors mêmes... Malheureusement, ils ont transformé l’immeuble, ravalé la façade et bouché l’hôtel du fond. Je compare avec la photo que j’ai sous les yeux, la cour est aujourd’hui plus sinistre encore, toutes fenêtres murées comme si on avait voulu fermer le souvenir, étouffer les murs, les empêcher de parler. Je m’installe sur une pierre comme un prisonnier dans sa cellule et je lis les derniers instants de Petiot, le plaisantin du couperet, les ultimes boutades de l’artisan juivicide, le Capricorne romantique à mort, charmeur de serpents, résistant collabo ? Collabo très résistant en tout cas lorsque la Gestapo le torture avant de le relâcher sans rien avoir pu en tirer... On dit que le Monsieur Verdoux de Chaplin, c’est Landru. D’accord, mais plus je revois le film, plus je retrouve du Petiot chez ce débrouillard cynique devenu criminel par la force des circonstances, ayant trouvé sa vocation dans la crise mondiale. Quel dommage qu’on n’ait pas retrouvé son mémoire de défense (cinq cents pages) : grand document psychologique de la criminologie baroque. L’entreprise de Petiot n’est antisémite que par hasard, comme sa vénalité d’ailleurs. C’est plus mystique que ça : meurtrier naturel, sans vice, médecin-assassin parce que ça rime, voleur sans besoin, Petiot m’apparaît comme un joueur hyperdostoïevskien. Dans le tripot de l’Occupation, il a joué seul à un jeu inconnu. Il ne pouvait que perdre. Je reconnais bien la le travers capricornier comme à Edgar Poe ou à Roussel, inventeurs maniaques et incompris de machines impossibles aux fonctionnements impénétrables. Le hasard vaincu, voilà le seul livre que Petiot ait écrit, ou “Comment j’ai brûlé certains de mes contemporains”. Les mobiles de Petiot sont plus proches de ceux de Calder que du criminel le plus déterminé. » (Nabe’s Dream, 1991, pp. 298-299)
Couverture du Hasard vaincu, 1946
  • « Il était chelou, ce Pelloux, à rester dans les vapes de l’horreur ! Il chevrotait, le regard perdu. Il était gras, vulgaire, puant... Je ne me ferais pas soigner par Pelloux pour un sou ! Dans le genre toubib flippant, je préfère le docteur Petiot ! Il fait moins peur... » (Patience 2, 2015, p. 17)

Intégration littéraire

Notes et références