Tohu-Bohu

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Couverture de Tohu-Bohu, 1993

Tohu-Bohu est le deuxième tome du journal intime de Marc-Édouard Nabe, publié par les Éditions du Rocher en octobre 1993.

Résumé

Tohu-Bohu s'ouvre là où Nabe’s Dream s'achève : les conséquence du passage de Marc-Édouard Nabe dans l'émission de Bernard Pivot, Apostrophes. Couvrant sa vie du 16 février 1985 au 13 juin 1986, on suit l’écrivain définitivement né publiquement. Journalistes, lecteurs, admirateurs, contempteurs, tous se bousculent pour connaître le « Monstre », sans oublier la Justice, puisque la Licra lui intente un procès. C’est Bernard Barrault l’éditeur, très embêté, qui soutiendra Nabe dans les attaques et le boycott médiatique qu’installe ses ennemis, notamment Bernard-Henri Lévy et la bande du magazine Globe dirigé par Georges-Marc Benamou, son agresseur. Pour changer d’air, Hélène et Nabe font un voyage rapide et raté en Italie. La palette des nouveaux « fans » de l’auteur du Régal est très large : elle va de Claude Nougaro à Véronique Rebatet, en passant par Claude Autant-Lara, Jacques d’Arribehaude, Willy de Spens, Pierre Monnier et autres céliniens d’un autre temps. Nabe déménage et change de quartier : de la Madeleine aux Épinettes, où avec Hélène ils adopteront le chat Pin-Up. L’écrivain continue ses visites rue des Trois-Portes à Choron (avec son factotum Albert Algoud) mais aussi son activité de guitariste avec Zanini, Rilhac et Woodyard au Petit Journal. Tohu-Bohu nous fait également participer à l’écriture du deuxième livre de Nabe, Zigzags, toujours chez Bernard Barrault (janvier), puis de son troisième Chacun mes goûts au Dilettante (mars), et de son quatrième L’Âme de Billie Holiday chez Denoël (mai). Toujours sur le plan littéraire, la fréquentation de Dominique Gaultier, de Jean-Edern Hallier et de Philippe Sollers, Patrick Besson et Denis Tillinac alimentent les réflexions de Nabe sur le monde des lettres qu’il continue d’observer. L’actualité du temps n’est pas non plus négligée : par exemple l’affaire Grégory qui offre au lecteur un grand passage très critique contre le fameux texte et la position de Marguerite Duras.

Mais le grand moment dramatique de ce tome est le suicide d’Odile, la femme de Choron, survenu le 21 juin 1985, et dont Nabe raconte toutes les conséquences sur la personne et la personnalité du professeur Choron ainsi que l’impact sur toute son équipe. La vie privée de l’auteur n’est pas épargnée non plus puisqu’on assiste en direct à la tromperie par le jeune écrivain maudit à succès d’Hélène (et à ses réactions). Le tome se conclut par l’invitation de Nabe et Hélène par Jean-Edern Hallier à venir le rejoindre en Corse...

À noter : parmi les flashbacks antérieurs à l’époque même du Journal, procédé qui sera récurrent par intermittence dans l’entreprise diariste générale de Nabe, on peut noter des souvenirs de son service militaire en 1980, son dépucelage avec Françoise en 1976 ou sa passion pour le premier écologiste Fournier de Charlie-Hebdo, mort en 1973.

Incipit

Samedi 16 février 1985.
— Allô, Nabe ? Bravo pour cet éblouissant suicide !
J’ai assez d’oreille pour reconnaître la voix de quelqu’un que je ne connais pas : Jean-Edern Hallier. C’est Sollers qui lui a donné mon numéro... Très sympathiquement, le grand druide borgne tient à me féliciter de ma prestation. Il a rarement vu quelqu’un d’autre « habité » à la télévision.
— Maintenant, c’est vous le Juif. En vous frappant, Benamou vous a judaïsé. Vous prenez un taxi, le chauffeur vous casse la gueule. Vous allez au restaurant, le garçon vous casse la gueule. Vous prenez l’ascenseur, le liftier vous casse la gueule...
Hallier voudrait absolument « connaître le pur-sang ». Il m’invite place des Vosges chez lui demain après-midi. Pas question.
C’est donc un certain Georges-Marc Benamou qui m’a agressé ? Jamais entendu parler. Un journaliste de Parispoche, proche de Bernard-Henri Lévy. C’est grâce à sa carte qu’il a pu entrer dans le studio de Pivot. Catherine Sinet me le confirme. Dans l’avalanche de coups de fil, c’est le sien qui me touche le plus. Maternelle juste ce qu’il faut, sincèrement attentionnée. À la fois en colère et admirative. Elle a quand même bondi quand j’ai traité Le Pen de démocrate. Évidemment, tout le monde a su que Benamou était venu me frapper... Elle m’appelle « jeune con » et me passe Bob rigolard et doux. Je le fais marrer en lui disant que je me suis retenu... Il me met en garde contre les méchants. Siné reçoit tous les jours des lettres de menace et La Tribune juive le désigne comme « SS notoire ». N’importe quoi.
Jauffret aussi appelle : il est prêt à me défendre physiquement contre toute nouvelle attaque ! Il me dit que « Sportès est une ordure », lui qui le louait tant... J’ai fait toutes les bourdes possibles. Je ne peux pas aller plus loin ! Si je veux, je peux aller me cacher quelque temps dans son appartement à Marseille. C’est Sollers, très impressionné et inquiet, qui lui a appris que je m’étais fait boxer.
Plus Luce : la vieille pocharde tient à me féliciter. Je suis drôlement gonflé. Elle m’a écrit une lettre. Elle connaît Lucette Destouches, toujours pimpante. Elle va essayer d’arranger une rencontre, bien que Lucette préfère les admirateurs de son mari plus classiques, moins sulfureux...

[...]

Accueil critique

Avis positifs

Dans le Figaro littéraire, Christian Charrière apprécie l'ensemble de l'ouvrage, regrettant néanmoins qu'il manque à l'écrivain « l'art du portrait », tout en résumant le second tome comme un « chant pur d'une intraitable liberté »[1].

Daniel Yonnet écrit dans Ouest-France que Tohu-Bohu « est plus qu'intéressant, il est nécessaire à la compréhension de notre monde littéraire »[2].

Pour Gilles Brochard, dans La Voix de France, « Nabe l'insoumis bouleverse tous les journaux intimes d'aujourd'hui, autant par son style syncopé (l'amateur de jazz n'est jamais loin !) que par l'insolence de ses propos »[3].

Avis négatifs

Michel Crépu considère, dans La Croix, que Tohu-Bohu est une « sorte de chronique journalière tenue au gré des fantaisies mégalomaniaques de l’auteur, qui sont fort nombreuses » et juge ridicule la présence d'un long index[4].

Dans L'Événement du jeudi, Michel Polac compare Nabe à Édouard Limonov, qu'il qualifie de « penseur des crânes rasés », pour juger un « objet invendable et illisible » sans « aucun intérêt littéraire ni même anecdotique » : « Ce Journal est une histoire (de pipelette) pleine de bruit (de couloir) et de fureur (de plumitif) racontée par un idiot, mais hélas, si on voit bien l'idiot on cherche encore le Shakespeare »[5].

Film

Le 23 novembre 1993, la réception organisée dans la maison de fonction (dans le jardin du Luxembourg) de la médecin du Sénat, Monique Contencin, que Nabe avait rencontrée grâce à Frédéric Bertet, à l'occasion de la sortie du livre, a donné lieu à un film réalisé par Fabienne Issartel. Cette soirée, où 400 personnes se sont rendues, sera donc immortalisée par ce documentaire d’une vingtaine de minutes, Tohu-Bohu, le film. On y croisera, entre autres, Willem, le Professeur Choron, Luis Rego, Marcel Zannini, Jean-François Stévenin, Jean-Edern Hallier, Jackie Berroyer, Catsap, Grégory Protche, Patrick Besson, François Angelier, François L’Yvonnet, Éric Mazet, Hector Obalk, Marc Dachy et Stéphane Zagdanski (hélas, pas Lucette Destouches ni Barney Wilen, qui pourtant étaient présents), sans oublier Nabe lui-même, doté de cheveux longs et d’une barbe de plusieurs mois, dont le rasage et la coupe seront photographiés par Arnaud Baumann et montés par Issartel en conclusion de son film.

Le film a été projeté le 1er juillet 1994, sur le lieu du tournage.

Invitation visionnage film tohu-bohu.jpg

Édition

Tohu-Bohu s’est vendu à 3 500 exemplaires, pour un tirage de 5 000 exemplaires[6].

Les droits de Tohu-Bohu ont été entièrement récupérés en 2008 par Marc-Édouard Nabe, qui peut anti-rééditer l’ouvrage. En attendant, le livre est disponible sur la plateforme de vente de l’auteur, faisant partie du stock de huit tonnes de retour récupéré par voie judiciaire par l’auteur en 2008.

Lien externe

Notes et références

  1. Christian Charrière, « Le retour du polémiste disparu », Le Figaro Littéraire, 17 décembre 1993.
  2. Daniel Yonnet, « Dans l'intimité d'écrivains, « Ouest-France, 11 janvier 1994
  3. Gilles Brochard, « Peut-on tout dire en littérature ? », La Voix de France, décembre 1993, p. 30.
  4. Michel Crépu, « Le boucan de Nabe », La Croix, 17 janvier 1994.
  5. Michel Polac, « Le penseur des crânes rasés », L'Évènement du jeudi, 27 janvier 1994.
  6. Alexandre Fillon, « Nabe le maudit ? », Livres Hebdo, 25 février 2000.