Jean-Paul Enthoven

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Jean-Paul Enthoven, 2012

Jean-Paul Enthoven est né le 11 janvier 1949 à Mascara (Algérie française). Il a été directeur éditorial des Éditions Grasset depuis 1986 et membre du comité de lecture jusqu’en 2019.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Alors que l’un (Jean-Paul Enthoven) traitait l’autre (Marc-Édouard Nabe) de « pâle canaille qui, l’autre soir, a comparé Rebatet à Cervantès[1] », et l’autre (Nabe) traitait l’un (Enthoven) de « larbin bellâtre vieillissant [...] avec sa coiffure cendrée vulgarissime et son allure de mac ringard.[2] », le directeur éditorial des Éditions Grasset se vit plus que surpris de recevoir le manuscrit d’Alain Zannini que Nabe avait envoyé en avril 2002 à tous les éditeurs de Paris pour jauger leur sentiment à son endroit. À peine le roman reçu, Enthoven adresse une lettre enthousiaste à Marc-Édouard Nabe, mais ne parvient pas par la suite à convaincre Grasset de le publier, et Alain Zannini sort en septembre aux Éditions du Rocher. Comme il est raconté dans L’Affaire Zannini, le « making-of » révélant toutes les coulisses de l’écriture et de la publication d’Alain Zannini, Jean-Paul Enthoven ayant été le seul dans le milieu littéraire à avoir réagi favorablement à la réception du manuscrit envoyé, Nabe organise, cette même année, un déjeuner avec les deux Jean-Paul éditeurs, Bertrand et Enthoven, qui sympathisent. Nabe reverra, cette fois seul, Enthoven à diverses reprises où une complicité s’instaurera entre eux à base de ce que Nabe constate chez Enthoven : une lucidité drôle et cynique sur le petit monde de l’édition.

Entre autres rencontres, en 2004 a lieu celle, fortuite et chaleureuse, avec Nabe, à la terrasse d’un café en face du Lutétia en présence de Yann Moix. La réaction du futur auteur d’Orléans sera narrée dans Les Porcs.

Marc-Édouard Nabe appréciera aussi l’absence volontaire d’Enthoven lors de la célèbre marche du 11 janvier 2015 en hommage à Charlie, sous le prétexte, dit Enthoven, que c’était le jour de son anniversaire[3]. Des connivences astrologiques lieront également les deux hommes capricorniens.

En mai 2017, faisant partie des rares personnalités auxquelles Nabe a envoyé son nouveau livre, Les Porcs, Enthoven, qui depuis le visionnage de l’Éclat « Nabologie du terrorisme » cherchait à reprendre ses distances, « craque » en adressant en août un SMS de félicitations au sujet du premier tome de sa saga anti-complotiste[4]

En janvier 2020, interviewé par Simon Collin[5], Enthoven révèle avoir été informé pour la première fois du passé antisémite et révisionniste de Yann Moix par la lecture des Porcs, et poursuit par un dégagement approximatif sur Nabe, Moix et les assertions de ce dernier qu’il n’a pas vérifiées (voir Le Roman du menteur 3, Nabe’s News).

Enfin, il est manifeste que Jean-Paul Enthoven compte parmi les « ambivalents » envers Nabe. Mieux que Weitzmann, Viviant ou Assouline (et même Benamou), c’est Enthoven qui aura le plus maintenu cette ligne un peu « schizophrénique », alternant textos off, rencontres inopinées et autres signes de relative affection ou de réelle admiration pour l’écrivain toujours associés à des marques d’hostilité publiques :
« Qu'on consulte Bagatelles pour un massacre (Céline), Les décombres (Rebatet) ou, quelques degrés en dessous, Au régal des vermines (Nabe). D'une manière générale, Léon Bloy fut le véritable maître de ces agités emphatiques.[6] » (24/09/2017)
« Il m’est pénible de l’admettre, mais les pages déjà lues de tes “Porcs” m’ont paru drôles, subtiles, informées, joliment scandaleuses.[7] » (23/08/2017)

Citations

Enthoven sur Nabe

  • « J’ai été surpris, cher Nabe, de recevoir le manuscrit de votre roman. Et plus surpris, encore, d’avoir envie de m’y plonger aussitôt. Et franchement ahuri, enfin, de ne pas pouvoir m’en détacher... Oui, je suis bien obligé de reconnaître que vous avez écrit un livre dément, lumineux et assez génial... Vous sentez bien, au ton que j’emploie, que mon propre enthousiasme m’encombre – et que, pour mille raisons et préjugés, j’aurais préféré de ne pas aimer votre livre. Mais qu’y puis-je ? Ce “A-Z” – à mon avis, “Rédemption” serait un meilleur titre — m’a tout l’air d’un sacré bouquin... Je le défendrai donc avec plaisir et conviction devant mon comité de lecture – où mon zèle en votre faveur en surprendra plus d’un... De tout cela, bien sûr, je vous tiendrai au courant... » (lettre adressée à Nabe, 8 avril 2002, reproduite en fac-similé dans L’Affaire Zannini)
  • « Un jour, je reçois un livre de ce sinistre personnage qui s’appelle Marc-Édouard Nabe, je reçois ce livre-là qui s’appelle Les Porcs. C’est un garçon qui a du talent mais qui est pervers, incroyablement pervers. Dans ce livre, je vois qu’il était le condisciple de Yann, je ne sais où, et que Yann avait fait des dessins où il décrivait Bernard dont le ventre était picoré par des corbeaux qui avaient des brassards nazis. Alors je convoque Yann, je lui dis : “Mais c’est quoi cette histoire ?”. Il me dit : “Oh, c’est horrible ! C’est invraisemblable ! C’est un dessin que j’ai fait pour choquer le Professeur Choron. Comment est-ce que je pouvais le choquer ? Il s’était déjà attaqué à Sœur Emmanuelle, à l’abbé Pierre, aux Ethiopiens morts de faim, etc. La seule façon que j’avais de le choquer et d’entrer à Hara-Kiri Hebdo, c’était de m’attaquer aux Juifs. J’ai fait un dessin, mais là où Nabe a été dégueulasse, c’est que tous les textes qu’il y avait autour, c’est pas de moi, c’est des textes abjects, des textes révisionnistes, etc., etc.” Je lui dis “Écoutez, franchement, c’est pas très très bien, commencez par aller vous excuser auprès de Bernard et puis on va continuer...” Et quand j’ai découvert, à la suite de l’enquête de Dupuis dans L’Express, qu’il était l’auteur des textes, j’ai été stupéfait. Donc j’ai cessé de le défendre effectivement. » (entretien avec Simon Collin, YouTube, 21 janvier 2020)

Nabe sur Enthoven

  • « Yann était en train d’essuyer les larmes de rire de sa face de ouistiti triste, lorsque passa devant nous à vélo Jean-Paul Enthoven ! Son éditeur ! Si elles avaient pu, toutes les larmes seraient remontées dare-dare sous ses paupières, au Yann pétrifié de confusion à la pensée que le grand Enthoven, n°2 de chez Grasset, made in BHL, le voie à mes côtés... Enthoven rangea son vélo et avant qu’il ait pu nous dire un mot, Moix se dédouana auprès de son patron :
— Bonjour Jean-Paul... dit Yann dans un petit sourire gêné de pute prise en flagrant délit de sécher le trottoir... Je tombe toujours sur Marc-Édouard Nabe devant le Lutetia... C’est là où les nazis avaient leur QG, comme vous savez.
Je n’eus même pas le temps de rappeler à cette petite crapule (sous-sous-saint Pierre en train de renier son maître devant un coq à la chevelure blanche) que c’était lui qui m’avait donné rendez-vous dans ce café et que le Lutetia était aussi l’hôtel qui avait accueilli tous les déportés à la Libération, que Jean-Paul, sans même avoir écouté Moix, me tendit la main très chaleureusement. C’est tout juste s’il ne me fit pas la bise ! Ce que Moix ignorait, c’est que depuis qu’il avait flashé sur Alain Zannini, Enthoven me tenait en grande sympathie, se foutait complètement de ma réputation d’antisémite, et regrettait de ne pas être mon éditeur. Il me tutoya direct alors qu’il vouvoyait son auteur, pour ne pas dire son employé.
— Mais... vous vous tutoyez ? nous demanda le petit Moix tout bafouilleux.
Jean-Paul Enthoven éclata de rire : “Mais bien sûr ! Vous ne le saviez pas, Yann ?” » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 219)
  • « Le plus important pour Blanrue, c’était que le nom de Moix soit associé au sien, qu’importe si la préface le désavouait, lui et son projet. Il trouvait ça “excellent” que Yann se grille pour la postérité, mais il ne voyait pas, aveuglé par son amour pour Moix, que si c’était gerbant et ignoble de notre point de vue, c’était au contraire très bon pour Moix stratégiquement, pour relancer sa carrière : tous les Juifs intellos maintenant allaient le soutenir et le protéger ouvertement, pas seulement BHL et Enthoven. Ce dernier, éditeur de Yann chez Grasset, avait d’ailleurs envoyé à Blanrue une lettre de refus qui était plus noble que cette préface à la Moix, et qui l’aurait remplacée avantageusement.
— C’était ça, la bonne idée, dis-je à Paul-Éric, ne pas éditer chez Grasset, mais se servir de leur réaction pour présenter le livre.
Dans cette missive dégoûtée mais ironique, ce fin renard d’Enthoven mettait en garde la grasse pintade Blanrue contre les procès, et même me citait dans un passage qui l’avait fait grincer des dents : “Moïse si proche de Nabe (pour l’ordre alphabétique je suppose).” » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 483)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. « Les pantoufles de l’Apocalypse », article de Jean-Paul Enthoven dans le Nouvel Observateur, mars 1985.
  2. 12 octobre 1989, in Kamikaze, 2000, p. 3436.
  3. Jean-Paul Enthoven, « Je me souviens… », La règle du jeu, 15 janvier 2015
  4. « Sur Les Porcs : SMS de Jean-Paul Enthoven », Nabe’s News n°8, 26 novembre 2017, lire : http://www.nabesnews.com/sms-enthoven/
  5. Les Clochards Célestes, YouTube, 21 janvier 2020.
  6. Jean-Paul Enthoven, « Léon Bloy, prophète du pire », Le Point, 24 septembre 2017.
  7. Extrait d’un SMS de J.-P. Enthoven, 23 août 2017, voir Citations