Thérèse de Lisieux

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Thérèse de Lisieux

Marie-Françoise Thérèse Martin, dite Thérèse de Lisieux, est une religieuse carmélite et sainte catholique née le 2 janvier 1873 à Alençon et morte le 30 septembre 1897 à Lisieux.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Dans Kamikaze, Marc-Édouard Nabe évoque pour la première fois Thérèse de Lisieux à travers le film d’Alain Cavalier, Thérèse :

« Mardi 21 mars 1989. — [...]  La télé diffuse le fameux Thérèse d’Alain Cavalier : c’est un film composé de “tableaux” posés comme pour des pubs. Très intéressant. L’actrice est formidable. Mais trop froid pour moi. Trop dépouillé, sobre... La nouvelle mode pour faire passer la foi c’est de la montrer sous un jour réaliste, sec et maigre... L’excès des effusions extatiques surnaturelles, ça ferait trop penser à l’intégrisme fanatique, l’anti-rushdisme “intolérant”... Thérèse de Lisieux, la vraie, n’en reste pas moins une des pin-up de mon bordel mystique que je reluque depuis longtemps. Il faudra un de ces jours que je “monte” avec elle...[1] »

C’est donc pendant sa période d’exploration du catholicisme que Marc-Édouard Nabe travaille sur Thérèse de Lisieux dont la personnalité fougueuse, excessive et non exempte d’orgueil fou et d’ambition frôlant l’hérésie, a captivé l’écrivain de L'Âge du Christ (1992). C'est dans ce livre surtout qu’il développera sa passion pour la Lexovienne... L’aspect « technique » des conceptions théologiques de Thérèse (qui l’ont d'ailleurs faite Docteur de l’Église) est un des aspects qui a le plus intéressé Nabe, laissant sur le côté l’imagerie sulpicienne de la sainte bien trop mise en avant à son goût dans le monde depuis sa sanctification. Les pièces de théâtre qu’elle écrivait, notamment sur Jeanne d’Arc, et dans lesquelles elle se gardait le premier rôle, ainsi que ses notations psychosomatiques sur Jésus et sur sa propre âme, tout cela s'harmonise en effet, pour Nabe, parfaitement avec des percées mystiques vers Dieu et le Ciel qui ne pouvaient qu’harponner l’auteur de Léon Bloy devant l’Éternel (1990).

Toujours en 1992, dans Petits Riens sur presque tout, Nabe redessine à l’encre de Chine sur une page une « Étoffe ayant touché à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ».

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Se déplaçant toujours sur les terrains de ses préoccupations spirituelles et littéraires, comme on sait, il n’est pas étonnant de retrouver Nabe à Lisieux où il s’est rendu plusieurs fois, notamment avec des femmes (par exemple, du train qui les ramenaient de Deauville, il montrera à l'actrice Fanny Bastien la basilique bénie par Pie XII), et particulièrement Laura Antonietto, sa maîtresse des années 1990 (séjour, en 1995, où Laura et Nabe dormiront même dans le Carmel, et qu’il transposera avec tout l'érotisme nécessaire dans son roman Alain Zannini). Nabe participera également aux commémorations autour des reliques de la sainte (chapitre « Laura à Lisieux », Alain Zannini, 2002 pp. 379-398).

Thérèse de Lisieux est aussi une source d’inspiration pour l’exposition à Aix-en-Provence, en juillet 2013, pour laquelle Nabe réalise une série de portraits dont certains représentent Thérèse déguisée en Jeanne d’Arc.

La même année, dans la même ville, Nabe retrouvera Thérèse à travers les reliques cette fois de ses parents, Zélie et Louis Martin, exposées dans l’église principale de la ville provençale à l’initiative du père Gilles-Marie Lecomte. Pour le remercier de cette monstration, l’écrivain-peintre offrira au prêtre l’un de ses portraits de Thérèse.

En 2015, dans un Éclat, Nabe revient sur les reliques de parents de Thérèse, ainsi que sur l’extrémisme de la sainte qui n’est pas sans lui rappeler celui des terroristes islamistes dont il se plaisait, à l’époque, à expliquer les actions mystiques, punitives et sacrificielles.

Citations

Nabe sur Thérèse

  • « C’est facile pour un grand malade de se retourner vers Dieu, qu’est-ce qu’il a d’autre à faire ? Plonger en pleine santé, en pleine possession de ses moyens, heureux et fier ! Quitte à en être malade par la suite, comme sainte Thérèse, la phtisique de Lisieux, qu’on ne peut pas soupçonner d’être en mal de souffrance, et dont la joie de croire fut croissante. La lumière est la même, de son entrée au Carmel les bras en croix, à sa sortie, les pieds devant. À l'agonie, elle se considérait comme “un petit loup gris” que la maladie empêche de regagner la grande forêt de la mort. Ça n’allait pas assez vite. Quand elle toussait, elle se comparait à une locomotive qui arrive en gare du ciel. [...]
Tout est bon pour arriver à ses fins : mourir. Thérèse est pressée d’en finir, davantage avec la vie qu’avec elle-même. Elle trouve que c’est encore une perte de temps et d’énergie que de se nier soi-même, de n’être rien. Inutile de se détruire, son Bien-Aimé s’en charge bien. Elle ne voit pas l’intérêt de se faire souffrir, la souffrance, toute la souffrance lui est accordée pour elle seule, elle vide les réservoirs ! Les cilices, c’est pour ses sœurs, pour se gratter un peu, elle, elle prend l’agonie à bras-le-corps. Thérèse ne veut pas s’en sortir, elle est trop impatiente ! Comme elle réussit à convaincre son père de la faire entrer au Carmel à quinze ans, elle séduit suffisamment Jésus pour qu’Il lui permette d’entrer prématurément dans la mort paradisiaque. Les prières de ses sœurs ne servent à rien, elle les détourne sur d’autres souffrants, vilaine substitutrice zélée ! Elle galope plus vite que sa phtisie. Pendant son agonie, Thérèse n’arrête pas de déconner. Elle fait des jeux de mots, elle charrie les médecins, elle provoque les carmélites et ironise sur son sort. Au point que les bonnes sœurs à son chevet sont obligées de s’éclipser au bout d’un moment : elles pissent dans leurs culottes à l’écouter raconter ce qui va se passer après sa mort. Le Paradis vu par la jeune poitrinaire agonisante, c’est un cirque hilarant. Les bien portantes sont mortes de rire en attendant la mort de la malade. C’est qu’elle est gaie comme un pinson depuis qu’elle sait qu’elle va mourir ! [...]
Je suis amoureux de cette petite capricorne aux yeux pers. Depuis sa petite enfance aux “Buissonnets”, où elle s’entraîna jusqu’à la folie au maniement de la métaphore florale, jusqu’à sa mort crachée à la face du globe comme par défi, tous les documents ─ et Dieu sait si j’en ai épluchés ─ montrent une vraie femme qui devient de photos en photos plus belle par la force de sa détermination à ne vivre que pour l’amour de la mort. Thérèse est sexuellement obsédée par le Christ, c’est clair. Elle a rendu à Jésus toute Sa sensualité, tout le trouble diabolique d’un sexe qui lui a fait l’amour vingt-quatre ans sur vingt-quatre. Le regard de sainte Thérèse est plus obscènement lascif que celui de la plus provocante des pétasses de Penthouse. Elle fume d’amour ! C’est le désir qui l’a consumée, pas la tuberculose. Elle est morte de trop baiser avec son crucifix. Tout chrétien devrait l’en aimer davantage. Cette petite folle de Dieu m’excite. Elle est sexy comme une vache normande, mais je l’aime. À trois ans, à huit ans, à treize ans, à vingt ans, à vingt-quatre ans, son visage se durcit dans l’amour, comme passé par le feu, céramique du plus bel émail ! Il n’y a guère que morte qu’elle a l’air apaisée, et encore ! On retrouve toujours son fameux sourire énigmatiquement tendu, très déterminé à voir en face la Face de son Bien-Aimé. Un sourire à faire tirer la gueule à la Joconde. Un sourire qui répondra, toute sa courte et grandiose vie, à celui que la Vierge lui adressa à la Pentecôte de ses dix ans. Mais c’est son regard surtout qui me poursuit, ses yeux qui ont l’air d’avoir tout compris. Fanatique, au plus beau sens d’un terme si dévoyé aujourd’hui, Thérèse l’est au plus haut point. Elle semble se rire qu’on puisse le lui reprocher. En visite à Rome, elle est venue secouer le pape pour qu’il la fasse carmélite au plus vite, elle dévale le Colisée pour embrasser, au centre de l’arène, le sol où tant de martyrs ont versé leur sang pour son Jésus. Car, pour Thérèse, Jésus n’appartient qu’à elle. Pas très partageuse, elle Le rêve en Époux fidèle, alors que rien que dans sa famille, Il s’est tapé ses quatre sœurs ! Thérèse ─ dite “la grande biquette” ─ Lui pardonne, car elle sait bien qu’au fond, Il la préfère aux autres, comme son père, le pauvre Martin, son “petit roi”, qui avait un tel faible pour sa “petite reine” qu’il devient fou en la voyant lui échapper pour le désert de Dieu où les filles se cachent de tous les hommes pour en épouser un seul, invisible. Ses sœurs n’ont pas su Le faire jouir ! Elle, si ! Quand son papa ─ brave petite bête ─ lui propose un pèlerinage à Jérusalem, sur les lieux saints mêmes de l’agonie de son Homme, Thérèse refuse : le voyage retarderait de trois mois son entrée au Carmel. Ce n’est pas l’endroit où Jésus est mort qui l’intéresse, c’est celui où Il vit ! [...]
Pour vivre, Il vit. Il palpite, Il bande dès que Thérèse devient Sa petite épouse. Elle est son “bébé” et Il est son “Voleur” qui va la rapter pour toujours. Ils vont vivre enfin leur amour fou au ciel, Thérèse s’amusera, avec les anges, à jeter des fleurs sur les hommes, pendant que son Époux Jésus sera parti au “travail” : sauver les hommes ! Quel boulot ! Heureusement, quand Il rentre le soir, harassé par toutes ces souffrances à transfigurer, tous ces péchés à expier, Il retrouve sa “Thérésita” pleine de “joueries” qui Lui a préparé de bons petits plats présentés sur une belle table fleurie, et ils soupent tous les deux en amoureux avant d’aller se faire des baisers qui font “pit !” sur un nuage… Quelle belle vie attend là-haut la petite Thérèse ! Plus une femme est sainte, plus elle est femme (Léon Bloy). Ce n’est pas seulement parce qu’elle a croisé les regards libidineux des jeunes Italiens lors de son pèlerinage à Rome qu’elle a compris le sexe. C’est Jésus qui a fait d’elle une vraie femme. Plus vierge que la Vierge, car elle n’a même pas eu besoin de faire un enfant ! Son Bien-Aimé lui a suffi pour connaître l’amour, le grand, le fou ! De sa cellule, sœur Thérèse voit tout, sent tout, comprend tout, aime tout, jouit de tout. En se concentrant deux minutes, elle sauve le guillotiné Pranzani de l’enfer. En deux caresses à son Bien-Aimé, elle Le persuade d’attirer sa dernière sœur au Carmel. En quelques lettres, elle remplit, à sa place, la mission d’un pauvre père paumé en Chine. Je m’étonne que Louis Massignon n’ait pas accordé plus de place dans son œuvre à la figure de cette apôtre de la substitution, l’une des premières de ce siècle pragmatique qui, en pleine “mort de Dieu” a osé mettre la sainte Face sur la table, et vivre la souffrance comme un amour joyeux. Peut-être un peu trop joyeux pour Massignon, qui devait mal goûter les puérilités sublimes de la petite nonne exaltée. Pour Thérèse, la carmélite est sur terre pour communier avec la souffrance du monde extérieur qu’elle et qui l’ignore. La vie ultra-austère au milieu des autres dragonnes étriquées, Thérèse, l’orgueilleuse Normande qui n’était pas entrée au couvent pour devenir une simple sœur, mais une simple sainte, ne l’accepta pas de gaieté de cœur : Souffrons sans amertume, c’est-à-dire sans courage. Thérèse saute sur la moindre occasion de souffrir parce que la souffrance, elle la transforme ! Elle la transfigure en joie pure. Elle reçoit des ondes de douleurs de ceux qui sont dehors, à la vie libre, et elle les prend sur elle pour les rendre au Christ à qui elles appartiennent. Lui qui, depuis deux mille ans, a tant besoin de malheurs qu’Il en crève ! » (L’Âge du Christ, 1992, pp. 25-29
  • « J’aurais aimé être là, il y a cent ans, dans le chauffoir du Carmel de Lisieux où les sœurs donnaient leurs “récréations pieuses”. C’est la petite Thérèse, bien sûr, qui écrivait les pièces et interprétait les rôles principaux : la Vierge, et surtout Jeanne d’Arc. La sainteté rejoint parfois la fiction. Dans une de ses Jeanne d’Arc ─ contemporaine de celles de Péguy (né cinq jours après elle) ─ Thérèse manqua cramer vraiment sur le bûcher en carton du décor qui prit feu. Il faut la voir en photo, mi-sérieuse, mi-filoute, déguisée don quichottesquement en Pucelle de patronage, dans son armure de papier d’argent, une épée de bois pour enfant à la main. La plus crédible Jeanne de tous les temps. Enfoncée, la Falconnetti ! » (L’Âge du Christ, 1992, p. 47)
  • « Oui, j’étais fou de sainte Thérèse. Avec Billie Holiday, Simone Weil et Charlotte Corday, c’était la femme que j’admirais le plus. (...) Tout pour Thérèse ! (...) Thérèse enseigne l’excès : elle encourage les femmes (et les hommes) à ne recourir qu’au paroxysme, dans toute situation. Son amour pour Jésus-Christ est totalement sexuel. Thérèse viole Jésus tous les soirs dans sa cellule. Elle le veut, comme homme, dans son lit, dans son sexe de pucelle... Depuis son enfance, elle le draguait et finalement elle réussit à le séduire au point qu’Il l’épouse ! C’est la patronne des maîtresses femmes ! La brise-ménage impitoyable ! Jésus-Christ était tranquille avec sa mère, il se laissait clouer peinard pour le salut des hommes, il avait même un très bon pote, Jean, et un moins bon, Judas... Marie était toujours là pour lui repasser son pagne, lui recoudre ses plaies aux poignets, lui rafistoler sa couronne d’épines, et voilà que Thérèse s’amène : une gosse du Calvados, pas très belle, pas très sexy, mais qui en veut. Elle tombe raide en voyant le Jésus de Marie : son corps surtout la fait mouiller à mort. En quelques mois, elle va pleurer à Rome dans la robe du pape, envoyer son père à l’asile et écraser ses grandes sœurs comme des blattes, et la voilà au carmel de Lisieux, mariée avec le dieu de sa vie ! [...]
Même les “pièces de théâtre” sont passionnantes, car il y a toujours des trouvailles métaphysiques dans les pires mièvreries de cette dingue de vingt-quatre ans qui voulait river son clou à Jeanne d’Arc tout en crachant ses poumons dans ses draps de branleuse... Pour Claudel, le comble de la récompense apocalyptique, c’est Thérèse. Il pensait que par la bouche d’une de ses sœurs (Pauline alias sœur Agnès), qu’il avait rencontrée, la Petite Sainte lui avait promis qu’au paradis elle le laisserait tenir dans sa main gauche un pan de son scapulaire ! Ah ! Jean-Paul II a eu raison de la distinguer trente-troisième docteur de l’Eglise : Thérèse est un génie théologique. Fulgor doctrinae ! Elle ouvre le ciel avec sa pince-monseigneur. C’est une voleuse de feu ! Oui, une Prométhéenne insoupçonnée ! Une Nietzschette à l’envers ! Je ne connais pas de plus forte énergie mise dans la vision théologique des choses chez une femme. Thérèse d’Avila, c’est bien, mais Thérèse de Lisieux, c’est mieux. Il n’y a que cette plouc mystique pour sortir la fameuse “boutade” : Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre, qui au passage pousse très loin l’idée du renversement de l’espace-temps dans la mort, avec, ce qui ne gâche rien, une belle échappée “houdiniste” de la morale... L’évasion mais aussi le vol sont les métaphores préférées de Thérésita... Elle se compare à une grappe de raisin dont Jésus a envie et que personne ne lui donne : il va falloir qu’Il la vole ! Jésus le voleur et Thérèse la volée... Et quel orgueil splendide ! Elle, qui se dit “religieuse carmélite indigne”, et qui se présente comme “un petit oiseau avec son duvet”, a, pour souligner qu’elle n’est pas un aigle, cette formule d’une modestie mégalomaniaque que je révère : Je n’ai de l’aigle que l’œil et le cœur... [...]
Thérèse a pris le problème de la sainteté à bras-le-corps, comme les premiers chrétiens, les apôtres, les martyrs, mais l’a solutionné là, ici, hier, en Normandie, il y a à peine cent ans, dans cette ville soufflée depuis comme par un cyclone d’obstination amoureuse. [...]
Quatre lieux à Lisieux : 1) les “Buissonnets”, la maison d’enfance de Thérèse, pleine de ses joujoux, intacte villa à pleurer de tendresse petite-bourgeoise. 2) la cathédrale, la vieille, celle où elle allait à la messe avec sa famille avant de devenir carmélite. Plus haut, 3) la basilique, énorme gâteau pseudo-byzantin, construite après sa mort et inaugurée dans les années vingt par le futur Pie XII. Et surtout, 4) le carmel ! En plein centre-ville... Du lavoir à sa chambrette, vous arpenterez tous les coins que la sainte hanta... La petite église est magnifique : y vêprer bouleverse... Le plus impressionnant demeure la longue chevelure blonde de la petite Thérèse Martin, sacrifiée pour entrer dans les ordres. Un vrai scalp en vitrine [...]
Le lendemain, [...] déplacement des reliques de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face... Ça n’avait lieu qu’à l’anniversaire de sa mort. Les prêtres sortaient du carmel le coffre des ossements de Thérèse et les montaient à la basilique, puis ils les en redescendaient. Sans ameuter un populo de Tour de France ou de concours de camemberts, la cérémonie attirait pas mal de monde. Les Lexoviens en profitaient pour faire un peu de gym, car la côte est ardue. Les reliques, dans leur belle boîte en or, posée sur une sorte de charrette de condamné à mort ! Plusieurs curés en robes (de basse couture) poussaient, pendant que les fidèles et les sœurs accompagnaient la montée macabre par des chants... La musique était cucul, mais les paroles toutes tirées des poèmes de sainte Thérèse étaient splendides. Celle qui chantait le mieux, c’était Sylvie, la rossignol de Lisieux ! Une vraie artiste de cristal qui sopranait tous les ans... (...) Derrière sa grosse guitare, Sylvie se cachait : seul dépassait son chignon... Ce n’était pas Django, mais elle touchait sa bille (...). Peu à peu la foule grossissait, de mètre en mètre. Ah ! si le Golgotha avait pu être aussi joyeux ! C’était une montée au calvaire, mais sans les sarcasmes et les crachats. On disait à l’époque que Mitterrand avait exigé de voir les reliques de sainte Thérèse... Oui ! Ce cadavre ambulant avait souillé de sa présence les os les plus vivants de la chrétienté française ! On lui a apporté les reliques à domicile, à Paris, rue Frédéric-le-Play, il est juste descendu reluquer la sainte sur le trottoir. Il a peut-être tripatouillé dans le coffre, sorti un os, léché un cubitus, croqué un radius... Ça n’aurait tenu qu’à moi, je lui aurais refusé cette faveur, tout cancéreux qu’il fût [...]
— Tenez, prenez mon mouchoir..., ai-je dit en le tendant au Noir qui pleurait de joie à côté de moi sur la montée de Lisieux pendant que les curés poussaient le chariot.
En plus, ça me dégageait les mains, car ils avaient besoin de renfort. J’ai participé avec les prêtres en chasuble à l’ascension des reliques de ma Thérésinette ! (...) Pourquoi pas ? C’était interdit aux civils ? Fainéants de civils ! Ils m’ont trouvé bien aimable de prêter main forte à la gloire montante de la petite reine du carmel, les ecclésiastiques transpirants... Le coffre bringuebalait sous les cahots. On y mettait tout notre cœur... Les drapeaux volaient au vent... Un fin crachin de fin d’octobre chialait d’émotion, les Normands chantaient, Sylvie rossignolait à qui mieux-mieux, plus fort que les autres, moi je poussais les os, toujours plus exalté, j’aurais voulu que ça dure des siècles cette élévation des sacrés T-Bones (“T” pour Thérèse) !... Avec Sylvie, et sa guitare ! Sans la voir, sauf le chignon ! Les cordes de sa guitare vibraient dans son chant ! Tout pour les tibias théologiques de la charrette du fantôme d’amour ! Dans la montée de Lisieux, sa voix, sa guitare... » (Alain Zannini, 2002, pp. 392-398)
  • « On aimait bien se retrouver au Royal Pereire avec Moix, Blanrue, Soral et quelquefois Julien John en cette fin d’été 2005… Quelquefois, il n’y avait pas Moix, il était parti pour Lisieux avec une starfuckeuse passer une nuit au Carmel pour être à pied d’œuvre le lendemain matin afin de pousser les reliques de sainte Thérèse, exactement comme je l’avais fait dix ans avant lui… » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 256)
  • « Le fond, Yves allait peut-être avoir l’occasion d’en expérimenter le goût depuis que sa fille Justine, douze ans, qui avait exprimé le souhait de faire sa première communion. Elle était en pleine crise mystique, la petite ! Depuis notre voyage en Mauritanie, elle avait bien grandi, surtout dans sa tête. Elle était devenue complètement dingue de Thérèse de Lisieux. Elle ne pensait qu’à la grande Lexovienne de la petite voie de l’Amour. Elle n’était pas loin de tanner Yves et Virginie pour entrer dans les ordres. Ils avaient transigé pour une communion solennelle à Saint-Sulpice. On se retrouva donc avec Audrey dans l’église pour la cérémonie. Yves n’avait pas invité Nadia, peut-être son côté “berbère” gênait-il le rapatrié. Justine rayonnait avec ses copines, tout en blanc. Quand ce fut son tour de recevoir la communion, l’aînée des Loffredo sembla soulevée par deux anges qui avaient l’air de l’emmener directement à Lisieux. Sa sœur, la petite Maxine, n’en perdit pas une plume. J’imaginais Yves finir comme le père Martin, vieillard barbu aphasique devenu fou sur son fauteuil roulant après avoir mal encaissé les kidnappings successifs de ses filles par le Seigneur du Carmel !… » (Les Porcs tome 1, 2017, p. 819)

Intégration littéraire

Portraits

Portraits de Thérèse de Lisieux sur le site de Marc-Édouard Nabe

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, pp. 3150-3151.