Marc Dutroux

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Marc Dutroux

Marc Dutroux est un électricien, violeur et assassin de quatre fillettes et jeunes filles de 8 à 19 ans, né le 6 novembre 1956 à Ixelles (Belgique).

Liens avec Marc-Édouard Nabe

En février 1997, dans le premier numéro de L’Éternité, Marc-Édouard Nabe écrit, sur l’affaire Dutroux déclenchée six mois plus tôt, un long texte, illustré par Frédéric Pajak, et intitulé « Au nom du trou ». Nabe imagine la vie et la psychologie du violeur, ainsi que son mode opératoire. Après avoir convoqué à la fois Kafka, Dostoïevski, Sade, Simenon, Freud et Lacan pour analyser le personnage et son rapport à son nom, Nabe pousse l’hypothèse du réseau pédophile, qui alimentait déjà tous les fantasmes à l’époque, jusqu’à l’absurde (« C’est juste un employé. Il est débordé. On lui passe des commandes : “un petit garçon blond mort, s.v.p.” ; “deux filles de huit ans malades et déjà sodomisées, vite”. Les rapts, les caves, les vidéos : Dutroux ne sait plus où donner de la tête, et les clients s’impatientent, ils trépignent. Tout le gratin de l’Europe du Nord en réclame à cor et à cri, des corps qui crient. C’est le vice en hausse dans la bassesse de la “haute” des Pays-Bas.[1] »). Nabe développe l’idée selon laquelle la pédophilie et la psychose anti-pédophile sont une et même manière révélatrice de la société pour désexualiser les individus : « Il lui fallait un pédophile N°1 bien dégueulasse à souhait, un trou émissaire où chier sa trouille de l’amour comme dans une chiotte à la turque. C’est fait. Il n’y a plus qu’à tirer la chasse. Je viens de le faire en écrivant ce texte.[2] »

En 2004, dans son recueil d’articles, J’enfonce le clou, à l’occasion de l’ouverture du procès Dutroux en mars de la même année, Nabe, tenant compte de l’évolution de l’enquête et des révélations sur le personnage, écrit un second texte, « L’Ogre flou », où il s’attarde sur les personnalités des deux rescapées, Sabine et Lætitia, et, s’appuyant sur les déclarations de celles-ci, révèle les relations complexes des victimes avec leur bourreau :

« J’aime beaucoup Lætitia avec ses petites lunettes, ses cheveux blonds tirés en arrière, son piercing au menton, et surtout son franc sourire de lumière… Mais je dois avouer que Sabine, c’est la plus flamboyante ! Elle illumine tout le tribunal. Son petit foulard rose, ses grands yeux bleus, ses seins… C’est la Marylin Monroe d’Arlon ! C’est aussi la plus lucide. Elle n’a pas peur de Dutroux parce qu’elle sait qui il est. Quand elle le traite de “crapule”, on la croit en dessous de l’énormité de ce qu’on imagine qu’elle a vécu, mais c’est elle qui a raison, pas les fantasmes des médias. Dutroux lui disait : “Tout le mal que je peux te faire, c’est te faire l’amour”, mais elle l’appelle “Marc” quand même. Et avec un drôle d’air de défi ou le mépris total est légèrement, très légèrement teinté d’une étrange fierté : “J’étais sa femme, c’est lui qui l’a dit, "t’es ma nouvelle femme" et tout, qu’il me disait. Il inventait pleins de trucs !” [...] “Il me parlait toujours d’autres gens qui allaient venir mais c’était toujours lui qui me violait !”, dit Sabine d’un air si outragé qu’on a l’impression qu’elle le regrette presque.[3] »

Puis l’écrivain dégonfle définitivement les délires autour d’un réseau pédophile, notamment de la bourgeoise et royauté belges (« Le réseau, c’est très vendeur. Ça permet de nier l’humanité ou l’inhumanité, si on préfère, de Marc Dutroux. Il ne peut pas avoir été tout seul pour faire tout ça, donc il n’est pas seul.[4] »). Et plus loin : « Le peuple belge a fantasmé pendant toutes les années 90 allant jusqu’à imaginer industriels, financiers et archevêques passant commande à Dutroux de pré-pubères saignantes à point ! Pourquoi pas le roi de Belgique ? Il n’y a pas de complot. C’est toujours une bêtise de croire à un complot puisque la bêtise n’a pas besoin de complot pour faire des ravages. La saloperie non plus, d’ailleurs. C’est tacitement que les bêtes et les méchants se donnent la main pour que la chaîne du Mal ne soit pas rompue et qu’elle empêche les esprits libres de passer du côté du Bien.[5] » Enfin, Nabe termine « L’Ogre Flou » en plaçant symboliquement l’affaire Dutroux dans le cadre des contes de Grimm, Perrault, etc : « L’affaire Dutroux est un conte pour enfants que sont ces adultes qui voient des pédophiles partout.[6] »

Citations

Nabe sur Dutroux

  • « Marc Dutroux est un martyr de son nom. Un nom pareil, ça ne se porte pas, ça se remplit. Depuis qu’il est tout petit, il subit les vannes odieuses de ses petits camarades, les quolibets des profs cruels, les sarcasmes des jeunes femmes indraguables. Au début, Marc n’a rien fait, il est innocent. Très jeune, il s’aperçoit qu’il n’est pas encore né. Il reste dans le trou de son nom. Il sait qu’il ne vivra que pour ce calvaire : comment s’expulser soi-même d’un nom qui empêche de devenir un adulte, c’est-à-dire un hors-du-trou ? [...] Marc ne rencontre que des trous dans sa vie ? Tant pis, la vie paiera. Qui est le plus en vie ? Qui n’a jamais de problème de trou ? Qui est la preuve éclatante qu’il n’est plus dans le trou du néant de sa maman ? L’enfant ! Et particulièrement la fillette, victime toute désignée pour celui qui rêve de se venger de son nom sur ces trous ambulants que sont les femmes. C’est à ce moment-là, et pas à un autre, que Marc Dutroux devient un criminel. Il pense qu’en tuant des petites filles qui l’attirent parce qu’elles ont un petit trou comme lui, il les enverra toutes dans de grands trous où elles auront peur d’être toutes seules, comme lui a peur de l’être dans le sien. Sa vocation est toute trouvée : il tuera au nom du trou ! » (« Au nom du trou », L’Éternité n°1, février 1997)
  • « La pédophilie et l’antipédophilie sont là pour dévaginiser l’atmosphère. Le combat contre la pédophilie me rappelle celui contre l’extrême droite. Ceux qui se jettent dedans à corps perdu sont louches. L’homme a tellement peur du sexe qu’il se vide dans la psychose que suscite la pédophilie. Pendant que les parents sont occupés à surveiller si un adulte pervers ne sourit pas bizarrement à leur enfant, ils nient sa sexualité naissante. La pédophilie, ce n’est pas du sexe, c’est même le contraire, c’est de la chasteté qui tourne au crime par impuissance. Baiser des enfants, ce n’est pas baiser. Comme la plupart des adultes infantiles préfèrent ne pas baiser, ils se convertissent à la pédophilie pour penser à autre chose. Rajoutez-y ceux qui passent leur temps à lutter contre ce “fléau”, et vous comprendrez pourquoi aujourd’hui personne ne baise (comme on dit “personne ne bouge”) : c’est le hold-up du sexe ! » (« Au nom du trou », L’Éternité n°1, février 1997)
  •  « Le seul point commun que Dutroux a avec les parents des victimes mortes : s’accrocher à la thèse du réseau. Lui, dans l’intérêt de faire porter le chapeau à d’autres, et les parents dans celui faire payer aux plus hautes institutions les négligences invraisemblables de l’enquête. Cas unique ! La partie civile et la défense sont sur la même ligne... ​​[…] Dutroux étant un monstre, on est un monstre soi-même si on le pense seul dans sa perversité. Qui dit solitaire dit individualisme, qui dit individualisme dit fascisme, c’est très profond. Voir large, voir humain, voir victimes c’est voir réseau, c’est être de gauche finalement puisque le peuple serait la Victime suprême, manipulée par les patrons du Pouvoir. Alors que penser l’homme comme un Être seul aux commandes de son propre pouvoir, c’est forcément le créditer d’une dimension qui l’isole, qui le distingue, qui l’héroïse. C’est donc de droite. Peu à peu, la thèse du réseau va s’écrouler lentement. Déjà, plus personne n’y croit. Il va bien falloir revenir à l’essentiel : la bêtise des gendarmes et de la police en rivalité criminelle, la négligence des juges butés, le manque total de psychologie de toute une nation rigolarde et sinistre, la lenteur pathologique de l’instruction pour ne pas dire l’obstruction du dossier.. » (« L’Ogre flou », J’enfonce le clou, 2004, pp. 207-208)
  • « Dutroux est tout sauf un serial killer ou un détraqué sexuel banal. Son truc n’est ni l’acte isolé ni le réseau de pervers. Dutroux cherchait plutôt à créer une société secrète. Il a une perversion micro-sociale. Dutroux avait dit à sa femme que, pour ne plus perdre du temps à aller draguer les filles, il allait “les ramener à la maison, les installer avec nous”. C’est l’élaboration d’une “petite famille” que Dutroux a mise en place dans sa maison minable, et d’une façon enfantine sans doute. […] ​Quels codes incestueux a-t-il inventés et mis en place à son usage privé pour que les gamines puissent vivre si longtemps en sa compagnie ? Avoir compris qu’il leur a laissé croire qu’il était le seul à les protéger (comme un maquereau agit avec ses petites putes) d’un méchant “grand chef” imaginaire (Nihoul !), n’est pas une explication suffisante... » (« L’Ogre flou », J’enfonce le clou, 2004, p. 211)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, « Au nom du trou », L’Éternité n°1, février 1997, p. 11.
  2. Marc-Édouard Nabe, « Au nom du trou », L’Éternité n°1, février 1997, p. 11.
  3. Marc-Édouard Nabe, « L’Ogre flou », J’enfonce le clou, Éditions du Rocher, 2004, pp. 203-204.
  4. Marc-Édouard Nabe, « L’Ogre flou », J’enfonce le clou, Éditions du Rocher, 2004, p. 207.
  5. Marc-Édouard Nabe, « L’Ogre flou », J’enfonce le clou, Éditions du Rocher, 2004, p. 212.
  6. Marc-Édouard Nabe, « L’Ogre flou », J’enfonce le clou, Éditions du Rocher, 2004, p. 220.