Nuage

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Couverture de Nuage, 1993

Nuage est un essai sur Django Reinhardt écrit par Marc-Édouard Nabe, publié au Dilettante en juin 1993.

Résumé

Publié à l'occasion des quarante ans de la mort de Django Reinhardt, le livre revient sur le parcours du guitariste. Différent encore de l’écriture de celui sur Albert Ayler (La Marseillaise, 1989), Nuage se présente comme une analyse rigoureuse, et presque sèche, de la personnalité et du style de Django, cela pour faire contraste avec l’imagerie traditionnelle du gypsie incontrôlable, illettré et désordonné. En 70 pages, Nabe qui s’est renseigné auprès de nombreux témoins ayant connu, vu jouer ou étudié Django (Alain Antonnietto, Roger Paraboschi, et son propre père, entre autres) truffe son hommage d’informations inédites sur le compositeur de Nuages qui n’ont pas été remarquées. La découverte, au moment de l’écriture du livre, d’un film bref et précieux montrant Django Reinhardt en train de jouer en 1937 à Londres, avec des plans sur sa fameuse main gauche atrophiée, ont permis à Nabe de faire une description technique et poétique du jeu de guitare du génie manouche. En revanche, sa critique acerbe du violoniste Stéphane Grappelli a fait s’éloigner de son livre bien des amateurs du Hot-Club de France, mais Nabe reste sur sa ligne, qui est plutôt noire, de défense d’un jazz strictement américain (Django Reinhardt étant une exception). La fin de l’ouvrage, narrant la mort de Django à 43 ans, fut jugée si bouleversante que le chanteur Pierre Barouh en a donné une version musicale (voir Adaptations).

La couverture du livre est une gouache originale du peintre François Boisrond. Renseigné par Nabe sur l’origine du « tube » de Django, Nuages, expliqué dans le livre, Boisrond a composé une seule image partagée en deux (quatrième et première de couverture) où l’on voit des Indiens qui, après avoir incendié la roulotte de Django (épisode réel mais transformé dans le monde du western qu’appréciait le guitariste), s’en servent pour lancer des nuages de messages dont l’un, plus massif (et pluvieux), surplombera le guitariste en train de jouer.

Couverture de Nuage

Incipit

La semaine dernière, je suis allé à Liberchies, dans le Hainaut, un petit village belge, briqué, tout rouge et silencieux, pas loin de l’effrayant Charleroi. Sur la place, l’église où le petit Jean-Baptiste Reinhardt a été baptisé. Ça se couvrait. Je suis sorti du village, comme dans un film d’André Delvaux. Sous de gras nuages gris, une petite dizaine de belles vaches noires et blanche, dans un pré tout vert, mastiquaient placidement en me regardant prier. Au bord du pré, planté dans l’herbe mouillée, un écriteau :

DJANGO REINHARDT

EST NÉ ICI

LE 23 JANVIER 1910.

Django Reinhardt n’est pas un artiste maudit. Ça arrive à des génies très bien. Tout de suite, il a eu du succès. La musique de Django répond à la jouissance qu’elle provoque. Elle n’est agressive que dans la jubilation, crispante dans sa joie folle de tout féconder sur son passage.
Émerveillé, Djando réinventait le monde là où les autres se contentent de le découvrir. S’il avait toujours l’air si sérieux, c’est qu’il réfléchissait comment renvoyer sur tous une lumière qu’il était le seul à oser regarder en face. Django était un bien-heureux. L’extase rend lucide. Surpris par tout, y compris par lui-même, il se promenait, plein de sensations, comme un nuage gorgé de pluie.

[...]

Accueil critique

Avis positifs

Francis Couvreux, dans Études tsiganes, évoque un « style tour à tour expressif et métaphorique » et affirme que « ceux qui aiment la musique de Django aimeront cette belle histoire racontée avec talent »[1].

Le Parisien, sous la plume de Richard Robert, apprécie ce « texte de fan »[2].

Pour Thierry Coljon, dans le quotidien belge Le Soir, « Le petit livre de Nabe est un excellent incitant pour les nouvelles générations à réécouter l'oeuvre discographique du manouche »[3].

Avis négatifs

Le Bulletin du Hot Club de France n'apprécie pas le livre, en particulier les critiques de l'écrivain envers le violoniste Stéphane Grappelli, et affirme qu'il « semble qu’il ne puisse avancer un compliment avouer une admiration, sans éprouver le besoin de compenser par quelques coups de pied vengeurs »[4].

Fluide glacial évoque l'ouvrage, lui préférant Nuage d'Emmanuel Jouanne[5].

Échos

  • Une « lecture musicale » de Nuage a été organisée le 9 juin 2001 à Voisins-le-Bretonneux, dans le cadre de la seconde édition du festival « Le Temps des musiques ». Le Parisien, qui rapporte l’information, ajoute : « C'est le livre d'un amoureux de Django Reinhardt. Marc-Edouard Nabe évoque en quelques dates, anecdotes et analyses musicales, ce guitariste, jazzmann, être humain lumineux et profond. Un récit plein de poésie et de force. »[6]
  • En janvier 2010, dans un portrait de Django Reinhardt publié dans le quotidien suisse 24 heures pour le centenaire de sa naissance, la description de la main droite du guitariste est un extrait de Nuage[7]. L'article est également reproduit dans la Tribune de Genève[8].

Adaptation

Le groupe Nuages de Swing, créé par le guitariste Laurent Courtois, a monté en 2009 un spectacle d'une heure autour de la lecture de Nuage, effectuée par Laurent Berger. Le spectacle a été présenté au Django Festival d'Oslo et à celui de Liberchies en Belgique (ville de naissance de Django Reinhardt)[9]. Le spectacle a connu depuis plusieurs représentations[10].

Le chanteur Pierre Barouh (auteur-compositeur, et interprète en 1966 de la chanson du film de Claude Lelouch Un homme et une femme), à la demande de Dominique Cravic, chef d’orchestre du groupe les Primitifs du Futur, récitera La Dernière Rumba de Django, dernière page de Nuage de Nabe, sur la mort du grand musicien manouche. Sa prestation, incluse dans des concerts des Primitifs du futur, fera l’objet d’un enregistrement dans le disque Tribal Musette, publié en avril 2008. En 2017, dans le premier tome des Porcs, Marc-Édouard Nabe raconte un concert donné en fin avril 2006 par les Primitifs du Futur et à la fin duquel Barouh monte sur scène pour lire la dernière page de Nuage[11].

Éditions

  • Marc-Édouard Nabe, Nuage, Le Dilettante, 1993, 69 p. ISBN : 2905344687
    • rééd. Le Dilettante, 2009, 69 p. ISBN : 9782842631697

Lien externe

  • Nuage sur le site de l'éditeur Le Dilettante

Notes et références

  1. Francis Couvreux, « “Nuages” de Marc-Edouard Nabe », Études tsiganes, juillet 1993, p. 164.
  2. Richard Robert, « Django Reinhardt : la vie sur un nuage », Le Parisien, 24 juillet 1993.
  3. Thierry Coljon, « Intouchable, sur son nuage », Le Soir, 15 août 1993, p. 7.
  4. « Nuage, par Marc-Édouard Nabe (éditions Le Dilettante) », Bulletin du Hot-Club de France, novembre 1993.
  5. « Nabe », Fluide glacial, novembre 1993.
  6.  »Le temps des musiques à Saint-Quentin », Le Parisien (Yvelines), 9 juin 2001, p. 10.
  7. « Cet exploit technique ne doit pas faire oublier sa prodigieuse main droite, comme l'écrit Marc-Edouard dans son livre Nuage : “La souplesse de la main droite, lorsqu'elle fait trembler un accord ou bien fouette un tempo, n'est comparable qu'à celle de la patte du jaguar le plus fulgurant.” » : Boris Senff, « Django, le Gitan séculaire », 24 heures, 23 janvier 2010, p. 39.
  8. Boris Senff, « Django le gitan a sa place », La Tribune de Genève, 23 janvier 2010, p. 29.
  9. « Marc-Édouard Nabe, “Nuage” (Le Dilettante) », Mondomix, avril 2009.
  10. « Hommage à Django Reinhardt à la bibliothèque », Le Progrès (Lyon), 21 mars 2010, p. 11. : Marie-Noëlle Gallot, « Un nuage emporte cinquante personnes à la édiathèque [sic] », Le Progrès (Lyon), 15 mai 2011, p. 17.
  11. Marc-Édouard Nabe, Chapitre XCVI « Salim et Nassima sur mon nuage », Les Porcs, anti-édition, 2017, pp. 301-303