Pornabe, la meilleure jeunesse

Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Pornabe, la meilleure jeunesse est une étude signée « Trafalgar » publiée sur son blog le 5 août 2019 et repris dans le numéro 22 de Nabe’s News le 2 septembre, et portant sur Pornabe, quatrième numéro du magazine de Nabe, Patience.

Le dernier numéro de la revue de Marc-Édouard Nabe, Patience, est la première œuvre de l’artiste interdite aux mineurs. On pourrait même croire qu’elle est interdite tout court, tellement tout le monde se complait dans le silence depuis sa sortie au début de l’été. Pas un journaliste ne hurle au scandale, pas une #MeToo ne balance son « porc »… Même les fans se taisent ; tant pis pour les pisse-froids !
Marc-Édouard Nabe n’est pas du genre à se cacher pour faire le coup de la panne. D’ailleurs, en panne, l’a-t-il jamais été ? Inspiration : le mot est faible pour un artiste qui a donné les pleins pouvoirs à son sexe. Attention, Nabe ne s’est pas lancé dans le porno ! C’est sa propre vie qui, photographiée dans le feu de l’action, prend une tournure pornographique. Chaque acte de Nabe possède un sens profond, une cohérence ; on le sait depuis le temps. Pornabe n’échappe pas à la règle. C’est un chapitre de plus dans l’œuvre du fabuleux diariste. Quand Nabe pénètre le… cœur d’une femme, c’est elle qui entre, au vu et au su de tous, dans sa littérature. Depuis Hélène, « la déesse aux yeux pers » du Journal intime ou du Régal des Vermines, les femmes de l’artiste ont toujours joué un rôle majeur dans l’œuvre de Nabe. Avec Patience 4 intitulé Pornabe, l’artiste enrôle carrément sa muse comme co-auteur de son art.
En immortalisant le cul – le sien, celui de sa « meuf » Alexandra, et celui qu’ils partagent – et en le publiant, Nabe se livre tout entier, comme on devrait toujours s’y attendre. Cent-cinquante photos et selfies, sans esthétisme ni mise en scène, le tout sur papier bible, ou presque – ou mieux ! La qualité du tirage (120 euros le numéro), c’est ce qu’on voudrait pour une version illustrée de l’œuvre de Sade… ou pour l’Évangile ! Le grand format magazine, le graphisme impeccable, la couverture, la quatrième : tout claque visuellement, un peu comme une bifle !

Nabe anti-édite ses couilles au rayon X
Du cul, du vrai, il y en a donc à chaque double page de la revue. C’est important de considérer la page de gauche avec celle de droite, de « lire » chaque photo à la lumière de l’éditorial, de prendre la mesure de chaque ébat photographié dans notre époque castratrice. Comme un uppercut, une queue partie du bas qui se redresse prépare toujours un gros coup. Pornabe est un coup artistique et politique justement. À force de photographier sa semence, Nabe a peut-être donné naissance à un genre nouveau : le pamphlet illustré. Aujourd’hui, tous les beaufs du showbiz et toutes les starlettes font des sextapes ou au moins des photos de charme. À croire qu’on les a forcés. Parfois, quelques photos volées finissent sur Internet. Nabe, c’est de son plein gré qu’il met sa queue dans la gueule de la société. Pas sûr qu’elle soit bien consentante, mais bon… Autrefois, le professeur Choron, cofondateur de Hara-Kiri, trempait son engin dans le champagne en public ; Nabe trempe le sien dans une Alexandra radieuse et tire son coup à quelques centaines d’exemplaires…
Qu’un couple se dévoile entièrement, en pleine action coïtale, c’est très précieux comme pièce à conviction. Surtout pour un écrivain ! Nabe pense à la postérité et il en jouit d’avance. Que sait-on aujourd’hui de la bite de Nietzsche, de celle de Freud ou de Pasolini ? Quid de la chatte de Gala, de Camille Claudel ou de Simone de Beauvoir ?
Chacun appréciera ou non la virulence de l’éditorial qui s’en prend aux féministes en pointant leur égalitarisme forcené et leur misogynie que Nabe prétend pire que celle des hommes: « C’est la revanche des thons ! » À l’aune des images, primordiales dans chaque numéro de Patience, Nabe rappelle qu’il est aussi peintre et que ses influences sont multiples: Soutine, Courbet, Modigliani, entre autres. Dans Pornabe pourtant, l’allusion n’est pas voulue. L’Art se charge lui-même d’établir un lien métaphysique entre tous ces clichés qui forment une œuvre et les grands maîtres de la peinture.

« La goutte de foutre qui déborde de l’autobiographie »
Dans son texte anti-pharisiennes aux accents mauriaciens, Nabe s’en prend à celles et ceux que sa volonté de puissance terrifie : « La véritable obscénité, c’est d’accuser n’importe quel type de sexisme et de machisme, voire de viol, dès qu’il lève pas même le petit doigt (ni la queue !), mais seulement une paupière sur une femme… Quelle hypocrisie : pourquoi les femmes alors se maquillent-elles ? S’habillent-elles sexys, se chaussent-elles haut, bref, s’apprêtent-elles, en gros ? Pour elles ? Pour leurs mères ? Pour leurs enfants ? Leurs chats, chiens ? Non, uniquement pour les hommes qu’elles ne cherchent qu’à faire bander le plus possible et surtout mieux que leurs voisines qu’elles haïssent à mort ! ». Bon, il arrive aussi que des femmes haïssent les hommes à mort et s’habillent sexy pour les voisines qu’elles convoitent, non ?
Pas question pour Nabe de faire dans la demi-mesure. Quand il se convertit au protestantisme dans une paroisse lausannoise, il le crie tout haut, ou plutôt vers tout Là-haut, via sa gazette en ligne, Nabe’s News. Lorsqu’il fait l’éloge en peinture de Rimbaud, d’Oscar Wilde et de Rainer W. Fassbinder, il leur consacre une exposition virtuelle toute entière, Grands Pédés. Quand il veut s’exprimer sur un sujet d’actualité comme les Gilets jaunes, il écrit et publie sans tarder Aux Rats des Pâquerettes, un livre drôle et impitoyable… Il était normal qu’aux féministes vindicatives et à l’hystérie générale il réponde par une œuvre éminemment sexuelle, brute, hyperréaliste. Dans les Éclats de Nabe publiés sur YouTube, on pouvait déjà le voir tel qu’il apparait à tous, à toute heure, sans artifice. En dégainant son iPhone pour prendre des photos, à l’arrache, de sa vie au lit, Nabe s’en prend aux puritains mais il commet aussi l’acte anti-hommes-de-lettres ultime. Ce n’est plus L’Homme qui arrêta d’écrire mais L’Homme qui n’en a plus rien à foutre de rien. Pourtant, Nabe tient toujours au papier, au charnel que l’on peut palper pour de vrai. Pornhub dans l’historique, ça le fait pas ; Pornabe sur l’étagère, ça c’est moderne !
Avec Patience, Nabe prend l’époque à bras-le-corps, et désigne la société comme le véritable tyran, bien plus que l’État – cette structure si souvent surestimée… Ce nouvel opus est un moyen de plus, avec la vente de ses tableaux, de financer son système d’anti-édition, et notamment le prochain tome de sa fresque sur le complotisme, Les Porcs. On peut aussi y voir un hommage à ce qu’il aime sans doute par-dessus tout au monde : les femmes et le sexe. «Alexandra est exceptionnelle (…). Son corps respire l’intelligence et la beauté ». Scandaleusement juste.
De la patience, il en faudra encore pour prendre la mesure de l’œuvre de Nabe et pour que d’autres analysent chaque scène de son œuvre et de sa vie comme d’un Jardin des délices. Paradoxalement, en assumant son corps vieilli de sexagénaire, Nabe s’offre une seconde jeunesse, la meilleure : celle de la liberté.