Nabe et Roussel

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Nabe et Roussel est une étude signée Rafael Goldoni, publiée en juin 2011 sur alainzannini.com, le site des lecteurs de Marc-Édouard Nabe.

Marc-Édouard Nabe fit avec son père une croisière en Afrique, en 1968, à bord de l’Ancerville. Le Lyncée lui fit-il penser à ce séjour lorsque, une dizaine d’années plus tard, vers vingt ans, alors qu’il était encore « cet intact garçon » (Au régal des vermines p.47), il commença à lire « en toute candeur » Impressions d’Afrique, un des plus grands romans du XXème, siècle, de Raymond Roussel ? Le Lyncée est le nom du bateau qui fait naufrage dans ce roman et dont les passagers deviennent les otages de Talou VII, empereur du Ponukélé-Drelchkaf, et se voient contraints de se constituer en troupe afin d’amuser les Noirs qui les retiennent, pour retarder leur exécution en leur offrant le fameux « Gala des Incomparables ». Des blancs qui distraient des Noirs en leur proposant de fabuleux numéros (les acrobaties spectaculaires des frères Boucharessas, le tireur Balbet qui écale un œuf avec les balles de son fusil, la machine à bottes de La Billaudère-Maisonnial pour s’entraîner en escrime, l’orchestre thermodynamique du chimiste Bex, Ludovic, fameux chanteur à voix quadruple…) voilà qui ne pouvait que séduire Marc-Édouard Nabe… On remarquera cette « science des noms imaginaires » propre à Roussel dont Nabe propose une édifiante liste dans les Petits Riens : « Noms de personnages de Raymond Roussel : Martignon ; Fuxier ; Trézel ; Kléossem ; Cournaleux ; Gunvère ; Jerjeck ; Talou VII ; Zéoug et Leidjé ; Stéphane Alcott » véritable effusion onomastique à sens multiples.
Ce dernier roman, « cirque sublime que personne ne pratique (…) bible inépuisable » (Zigzags « Dénigration du clown » p.178) et la personnalité même de Raymond Roussel ont fortement infusé dans l’attitude artistico-littéraire de Marc-Édouard Nabe. L’élégance vestimentaire nabienne — dont il est question dès l’autoportrait du Régal — consistait à « radicaliser » son allure en ne donnant pas l’impression d’être un artiste au sens dépenaillé et hirsute du mot. Elle lui a été inspirée par Raymond Roussel dont le procédé « vicieux », qui consiste à se vêtir avec le maximum d’élégance, transforme apparemment en « homme de droite » un pur artiste ne voulant pas passer pour un trublion. Roussel, comme les grands burlesques, est « la preuve de l’allure comme expression totale de la philosophie : et cette intelligence, vous le savez, me subjugue. » (Zigzags « Le Burlesque et la mort » p.99). Raymond Roussel, avant la guerre de 1914, ne portait que trois fois une cravate, un pardessus quinze fois, ses faux cols une fois ! Renonçant à ce rythme effréné après 1918, il plaisantait : « J’ai battu avant-guerre des records d’élégance, je bats maintenant des records d’inélégance ! ». Cette élégance suprême, très au-delà du dandysme qui ne fait que la mettre narcissiquement en scène en la cultivant pour elle seule, permet de réaliser ce tour de passe-passe consistant à faire disparaître l’artiste aux yeux de tous. Et c’est ce qui a laissé la possibilité à cet écrivain à la fortune démesurée de travailler en cachette. Or, qu’a fait Marc-Édouard Nabe si ce n’est travailler capricorniènement dans l’ombre, dans la nuit, comme son cher anarchiste Alexandre Marius Jacob, durant les quatre années d’écriture de L’Homme qui arrêta d’écrire ?
Nabe et Roussel sont nés sous le signe du Capricorne ; on sait que les natifs de ce signe, sous le masque du dandy impeccable et tiré à quatre épingles, cachent une passion bouillonnante. Ainsi, il arriva à Roussel, dont la discrétion et la réserve étaient maximales, de quitter une assemblée car l’un des convives avait tenu des propos malencontreux à l’égard de Jules Verne, écrivain pour lequel il nourrissait une passion totale, absolue, fanatique. Les Capricornes peuvent appartenir à deux grandes familles opposées en termes de caractère : les sérieux ou les excentriques dont Roussel fait indiscutablement partie. Nabe a su tirer profit du sens même des excès de son co-capricornaire ; c’est pourquoi il a pu noter : « Roussel est tellement loin de moi que j’apprends beaucoup avec lui. » (Nabe’s Dream, p.275.). Mais cet éloignement n’est pas si sensible quand on considère la vraie-fausse naïveté et le rapport à la gloire des deux écrivains. En 1896, à dix-neuf ans, Raymond Roussel éprouva un sentiment extatique de gloire universelle. La puissance de sa découverte créative et la certitude de son génie étaient telles qu’il crut que de véritables rayons lumineux émanaient de lui et seraient visibles même à travers les volets de sa chambre ! Nabe commente cette expérience lucide de l’extase mue par une force de création supérieure ainsi : « quand des tarés comme nous ouvrons ensuite la fenêtre, on s’aperçoit que rien n’a changé, pire, que le reste du monde semble moins lumineux encore » (Inch’Allah, p.2433) ce qui constitue une irréparable souffrance « pour les enfants gâtés de notre sorte à qui tout sourit » (Ibid p.2433). Récapitulons : qu’est-ce qui différencie tant Marc-Édouard Nabe de Raymond Roussel ? Peut-être pas grand chose au fond, car il y a chez Roussel une puissance créatrice ultramoderne — celle qui a bluffé Marcel Duchamp lui-même lorsqu’il assista à une représentation d’Impressions d’Afrique en 1912 — et un classicisme poétique sublimement maniaque à la François Coppée. On sait depuis « Noises douces à Marcel Duchamp », dans les Zigzags, jusqu’à ce qu’ il en dit dans L’Homme qui arrêta d’écrire, en quelle estime artistique Nabe tient le créateur du Grand Verre dont il goûte l’intelligence assassine… Et alors qu’on pourrait croire Nabe à des années lumières de celui qui reste comme la tête de Turc de Rimbaud, son pastiché-pour-toujours, on lit page 346 dans Alain Zannini : « François Coppée (pas entièrement nul poète parnassien dont Rimbaud s’est bien foutu de la gueule, zutiquement) » . Preuve que Nabe n’est pas totalement indifférent, et c’est ce qui est surprenant, à cette admiration revendiquée de Roussel. Leurs différences, Nabe les a exploitées au mieux mais pas seulement artistiquement… Il semble s’être servi des écueils, de la rançon du génie roussellien, de ses ornières mêmes… Comme Nabe a beaucoup lu et réfléchi sur ce Fou royal aux maniaqueries effrayantes, celui-ci est devenu de moins en moins mystérieux pour lui, on ne peut pas en douter. A sa façon, Nabe est aussi un inventeur maniaque et difficile de machines romanesques codées voire, cryptées… En effet, depuis Le Bonheur jusqu’à L’Homme en passant par Je suis mort, ses romans sont truffés de références cachées, sont conçus parfois comme des rébus chers à Roussel qui élaborait des homophones emboitables pour se lancer dans des trouvailles rhétoriques d’une inventivité inégalée artistiquement. Il existe à ce titre un Zigzag inédit, dont on connaît le titre : « Raie-Mont-Roue-Sel » qui doit à la fois traiter de la poétique de ce génie et fournir les visions inouïes de Nabe à son sujet…
Un court texte de Roussel, écrit en 1904, La Meule dédiée à Verax, Cavalier blanc de L’Apocalypse de Jean, comporte en acrostiche le passage suivant : « je repasse d’Orcet. » Grasset d’Orcet (1828-1900), archéologue, épigraphe, qui découvrit l’ésotérisme aux côtés d’Eliphas Lévi, écrivit plusieurs traités sur la langue des oiseaux. Cette langue paternelle, utilisant l’homophonie, que manie si bien Roussel, et dont Nabe écrivait dans « Dénigration du clown » (Zigzags p.179) qu’elle tenait de « la maçonnerie et de la prestidigitation » ! Avec Roussel, on est donc très au-delà, très en amont plutôt, de l’avant-garde, il en est même l’unique représentant dans son genre ! Ce mégalomane incomparable est resté fasciné, rappelons-le, par une forme de classicisme, certes, mais celui qu’il a mis en œuvre demeure imaginaire, surnaturel, irrécupérable, à l’image de cette demoiselle ou hie qui réalise, en fonction des aléas directionnels du vent, une mosaïque avec des dents dans Locus Solus ; bel exemple d’allégorie concrète, à la fois lyrique et irrésistiblement drôle.
Roussel n’a pas commis d’ « expériences littéraires » au sens oulipien ou néo-romanesque de l’expression, comme le crurent surréalistes, structuralistes, universitaires fourvoyés, mais il a vécu et orchestré, lui, pianiste virtuose, une véritable extase littéraire au service d’une incroyable opération hermético-artistique dont son génie lui permit d’en être le centre. En fait, la suprême avant-garde, à laquelle appartient Roussel, procède de la Tradition Primordiale et de la langue des oiseaux, donc de l’art d’Hermès : véritable véhicule de la Connaissance, alchimie langagière johannique et gnostique dans laquelle tout est codé, crypté mais qui peut se lire avec les clefs du double sens. La patience et l’étude peuvent dévoiler les extensions des champs sémantiques des inventions rousseliennes… Or, Nabe est un écrivain johannique depuis Alain Zannini. Il a fait du Verbe la chair même de sa littérature quand il a entrepris dostoïevskyènement la transfiguration artistique et gnostique de son moi et de son temps. Depuis Je suis mort, voire depuis Le Bonheur, Nabe crypte ses romans, leur confère des polysémies tourbillonnantes. Et comme pour signaler un sens caché, la présence de Roussel se fait discrète mais significative dans Alain Zannini, et ses ouvrages, évoqués cocassement, envoient les signaux de son influente égide : « Laure écoutait France Culture, mais en mangeant des sardines à l’huile avec son café, quand ce n’était pas du maquereau dépecé à pleines mains à sept heures et quart ou du « sgombro » dont je retrouvais les boites éventrées sur mes Raymond Roussel ! » (p. 720)
Ce qui sous-tend l’œuvre rousselienne et sa poétique, c’est donc la langue des oiseaux, cette diplomatique johannite dont usent les initiés. Or, depuis la préface du Vingt-septième livre, on sait que Nabe a aussi lu Eliphas Lévi qui dans son Dogme de la Haute Magie avait écrit, montrant qu’il avait compris le secret de Dante : « L’épopée de Dante est johannite et gnostique » ce qui n’a pas échappé à Nabe pour la mise au point de sa transposition de La Divine Comédie dans L’Homme qui arrêta d’écrire. Dante et Roussel ont été eux aussi des initiés ayant recours à cette langue ésotérique à l’œuvre également dans L’Evangile de Jean, celui des initiés, sur lequel a tant écrit Paul le Cour, celui du principe verbal dont Nabe commente les traductions dans Alain Zannini… Pour Nabe, comme pour Roussel, tout langage est un rébus qu’il faut savoir déchiffrer : c’est au sein même de ce déchiffrement que l’ésotérisme rejoint les jeux langagiers de l’enfance. Nabe avait indiqué que la raison du suicide du narrateur de Je suis mort se dissimulait dans le corps même du texte et qu’il était possible de l’élucider à la manière d’un rébus, empoussiéré de soleils… La logique de Raymond Roussel se met au service de sa propre imagination hors-normes et peut-être même d’un projet extraordinaire qui l’aurait uni à Alfred Jarry, Maurice Leblanc, Gaston Leroux et Willy pour diffuser, dans le secret de l’adeptat, l’enseignement alchimique de Fulcanelli, l’auteur du Mystère des cathédrales, et des Demeures philosophales.
C’est du moins ce que nous révèle Richard Kaithzine dans son surprenant ouvrage La Langue des oiseaux qui nous fait voir double dans la langue de Roussel. A propos de double, comment imaginer que le premier roman en vers de Roussel, cette fameuse Doublure, ait pu ne pas passionner Nabe au plus haut degré… C’est durant la rédaction de ce roman que Roussel éprouva cette extatique sensation de gloire… L’intrigue de La Doublure met en scène un comédien, Georges Lenoir, qui double un acteur célèbre. Roberte de Blou (anagramme de double) est amoureuse de Georges et ils s’enfuiront pour une hallucinante escapade amoureuse dans le tumulte labyrinthique du carnaval de Nice… Vouée à l’anonymat, cette doublure ne connaîtra pas la gloire à laquelle Roussel se croyait prédestiné. L’itinéraire des personnages dans la ville de Nice fait écho à des noms de rues parisiennes et marseillaises et donne des indications sur les lieux où Roussel et Fulcanelli pouvaient se rencontrer, selon Kaithzine…
Nice est bien le seul lieu visité par Roussel dont il se soit servi pour situer l’action d’un de ses romans, car si Roussel fut un grand voyageur que son immense fortune a pu emporter où bon lui semblait, on sait que ses voyages ne l’inspirèrent jamais car chez lui, l’imagination était tout ! Trop artistiquement intellectuel, Roussel n’a jamais été un touriste voyageur mais un pèlerin admiratif et fanatique, notamment de Pierre Loti. En 1920, Roussel fait le tour du monde sur les traces du commandant Viaud, périple réel dont il ne tirera rien pour ses propres ouvrages, mais à Papeete, il envoie des fleurs à Loti, cueillies le premier octobre au bord du ruisseau de Fatoua… Cet envoi de fleurs manifeste bien le fétichisme littéraire de Roussel : la fleur est devenue l’enjeu du pèlerinage, à la fois relique et preuve du voyage à l’ autre bout du monde… Son fanatisme littéraire le pousse même à obtenir des photos dédicacées de personnages rencontrés par Pierre Loti. A Tahiti, il pose, en costume et cravate sombres, chapeau feutre à la main, devant la tombe d’un enfant de Rararhu, l’héroïne du Mariage de Loti. En 1926-1927, Raymond refait à 50 ans un pèlerinage en hommage à Loti : « Me voici à Constantinople, écrit-il à Charlotte Dufrène sur une carte postale représentant l’intérieur de Sainte-Sophie, et j’ai déjà cueilli une plante sur la tombe de… tu sais qui », il s’agit bien-sûr d’Azyiadé. Roussel, comme Loti, a poussé la subjectivité du voyageur jusqu’à l’hallucination simple, « l’exotisme de pacotille jusqu’à l’authenticité » écrit Marc-Édouard Nabe dans Visage de Turc en pleurs. Raymond Roussel voyagera dans son camping-car de luxe, traversant des paysages transitoires sans les voir et n’émergeant de son appartement roulant que pour se faire prendre en photo au bord de la Mer Morte à un café, avec son interprète Armen, à Jérusalem « sur la pierre que Jésus avait montée au ciel, au mont Olivier » (note de Roussel au verso d’une photographie), à Damas, à la porte de la mosquée Emévié avec une petite fille…
Dans un entretien récent, Marc-Édouard Nabe a clairement exprimé, sans citer Raymond Roussel, combien leur façon de pèleriner est semblable : « je voyage toujours pour des raisons précises et littéraires. Je fais des pèlerinages… » (Entretien avec David Abiker – 4 janvier 2011) On peut très facilement imaginer les lieux où Marc-Édouard Nabe s’est rendu à des fins mystico-poétiques sur les traces de l’auteur de La Seine, accomplissant à son tour le pèlerinage de Roussel dans les contrées traversées par Pierre Loti : Constantinople, Tahiti, Jérusalem…
Les impressions de voyages de Roussel sont restées lettres mortes, le fric des impressions lui a permis de s’autoéditer ; autre écueil que Nabe a transformé en victoire avec L’Homme qui arrêta d’écrire dont le narrateur conservait sur lui les Impressions d’Afrique comme un talisman le menant vers l’idée de l’anti-édition. Pour se faire éditer, Roussel payait tous les frais (le fric des Impressions d’Afrique) auprès d’un éditeur dont le renom flattait pour une part son orgueil légitime : Alphonse Lemerre, l’éditeur de Banville, Leconte de Lisle, Heredia, Coppée… Marc-Édouard Nabe, lui, s’est anti-édité, ne confiant sa création littéraire à aucune maison d’édition. Peut-on imaginer Marc-Édouard Nabe s’autoéditant (chez Gallimard) ? Nabe a opté depuis L’Homme qui arrêta d’écrire pour un système extrêmement bien ficelé — et qui venge Roussel à travers le temps — pour régler leur compte aux éditeurs, libraires et autres parasites du livre afin de percevoir directement le fric des impressions qui revient, grâce à ce procédé, à l’artiste… Cette forme de reprise individuelle à la manière de Marius Jacob, l’anarchiste travailleur de la nuit qui a inspiré Nabe, permet à l’artiste de recouvrer une liberté totale dans sa création…
Raymond Roussel se cache toujours quelque part dans l’œuvre de Nabe ; Impressions d’Afrique est cité dès le Régal, c’est Roussel lui-même, « jeune élégant moustachu, doublure au théâtre tout proche » qui indique au personnage principal du Bonheur où se trouve la maison de Nietszche à Nice que Roussel connaissait parfaitement pour avoir assisté avec sa mère plusieurs années de suite à son célèbre carnaval : spectacle, on le sait, qu’il utilisera de façon délirante en décrivant les costumes avec une minutie d’une précision sans équivalent à la fin de La Doublure et dans le texte-genèse Têtes de carton du carnaval de Nice…
Nabe écrira-t-il un jour, de façon détournée, un grimoire à la manière du Comment j’ai écrit certains de mes livres que Roussel avait écrit pour lancer ses lecteurs, selon Nabe, sur la fausse piste du procédé… Ou s’agira-t-il du Comment j’aurais dû écrire certains de mes livres, annoncé dans un des alléchants Petits Riens qui pourrait livrer quelques clés ou fausses pistes pour décoder, décrypter certains de ses romans comme Alain Zannini ou L’Homme. Dans « Dénigration du clown », Nabe observe que le clown Whirlig « constitue une projection de Raymond Roussel » dont « l’écriture décryptante, auto-désallégorisante » relève de l’hermétisme ésotérique et, rappelons le mot de Nabe, de la « prestidigitation » verbale.
C’est dans la partie intitulée Résurrection de Alain Zannini que Laure laisse négligemment traîner ses boîtes de sardines sur les Raymond Roussel du narrateur… Evoquer Raymond Roussel dans une partie intitulée Résurrection, voilà qui rappelle un des ouvrages attendus de Nabe : ce fameux Résurrection de Raymond Roussel annoncé dans les listes des ouvrages en chantier figurant dans L’Âge du Christ, Visage de Turc en pleurs ou Petits Riens sur presque tout.
Raymond Roussel n’est pas mort à Palerme puisqu’il ressuscite chaque fois sous la plume de Nabe, montrant ainsi à quel point sa folie littéraire demeure vigoureusement efficace pour un écrivain du XXIème siècle qui radicalise les coups de génie de son co-capricornaire jusque dans l’innovation éditoriale…
Un des Coups d’épée dans l’eau à venir nous proposera sans doute la retranscription de la conférence de Nabe prononcée à Dakar le 20 décembre 2006 au lycée Seydina Limamou-Laye sur ce sublime chef-d’œuvre publié en 1912 : Impressions d’Afrique. Nabe devait porter une subliminale étoile au front lorsqu’il fit dans la poussière du soleil de Dakar cette conférence, réalisant ainsi le désir de se confronter à l’imagination géographique rousselienne : où se trouve Ejur, le Tez, l’empire du Ponukélé ? Alors que Jean Ferry avait déduit que la place des Trophés d’Ejur se trouvait à 300 kilomètres à l’Est de Porto-Novo, Nabe, lui, a choisi d’être le pèlerin de la littérature de Raymond Roussel sur les lieux mêmes de ce continent noir comme l’innocence. Aujourd’hui encore, le Verbe nabien demeure le Locus Solus de la littérature de Raymond Roussel qu’il ressuscite et anime comme les personnages du chapitre IV de ce roman, grâce aux actions combinées de la résurrectine et du vitalium mis au point par Martial Canterel.