Antonin Artaud

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Antonin Artaud, 1926

Antonin Artaud est un écrivain né le 4 septembre 1896 à Marseille et mort le 4 mars 1948 à Ivry-sur-Seine.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Marc-Édouard Nabe évoque Antonin Artaud dans son journal intime. En 1986, dans Zigzags, Nabe publie un texte sur Artaud, « L’artichaut d’Artaud »[1].

Lors d’une rencontre avec le cinéaste français Claude Autant-Lara, celui-ci dit à Nabe le jeudi 20 mars 1986 sur Artaud, qu’il n’était « “pas très grand, bizarre, et pas facile à manoeuvrer.” » Nabe rajoute dans son journal : « il me confirme qu’il n’a jamais eu une ambition d’acteur poussée, la comédie n’était pour lui que lucrative. » (Tohu-Bohu, 1993, pp. 1520-1521).

En janvier 1987, après deux ans de boycott médiatique, Nabe est invité par Michel Polac dans Droit de réponse, où il fait entendre la voix d’Artaud[2].

À la fin de l’émission, Nabe précisera dans son Journal qu’« une attachée de presse vient vite m’arracher le volume d’Artaud. Maintenant que j’en ai fait la pub, les Gallimard ne jugent pas utile de me l’offrir !... Ils ne sont pas fous ! » (Inch’Allah, 1996, p. 2005).

Le jeudi 25 février 1988, lors d’un cocktail où il avait été invité par les céliniens Frédéric et Nicole Vitoux, Nabe est présenté au père Laval qui lui dit :

« – Ah ! C’est vous qui écrivez des livres si... vivants !...
J’apprécie le choix de l’épithète !... Moi aussi je le reconnais : c’est bien le Laval à qui Artaud a écrit en 48 pour le remercier d’avoir soutenu son émission Pour en finir avec le jugement de Dieu ?... Comme le Temps est petit ! Oui ! C’est Laval qui avait donné l’absolution radiophonique au Mômo déchaîné. Tout le monde le lui a reproché... 1948 ! Des poètes, des acteurs soit, mais un dominicain, non ! Wladimir Porché écarlata de fureur et interdit la diffusion de Pour en finir. Je félicite Laval, quarante ans plus tard, pour avoir applaudi quand Artaud disait que si Dieu était un être, alors c’est de la merde. “Enfin, le langage vrai d’un homme qui souffre !” » (Inch’Allah, 1996, p. 2476)

En 1993, Nabe reviendra sur Artaud, d’abord dans son journal sur sa conception du théâtre dans un passage très intéressant, puis oralement dans une interview initiée par Dominique Rabourdin dans le cadre d’une « Théma surréalisme » diffusée sur Arte, où l’auteur de « L’artichaut d’Artaud » dira entre autres :

« Artaud, c’est quelqu’un qui avance dans le langage avec une machette, comme dans une jungle, qui coupe les lianes et qui a vraiment donné sa vie pour ça. » 

Enfin, en 2017, c’est d’un « message révolutionnaire » d’Antonin Artaud que Nabe tire l’exergue des Porcs : « L’artiste qui n’a pas ausculté le cœur de son époque, l’artiste qui ignore qu’il est un bouc émissaire, que son devoir est d’aimanter, d’attirer, de faire tomber sur ses épaules les colères errantes de l’époque pour la décharger de son mal-être psychologique, celui-là n’est pas un artiste ».

En juillet 2019, Marc-Édouard Nabe, de passage à Rodez, se fait filmer par Alexandra au café Broussy, le préféré d’Artaud, et fait un pèlerinage à ce qu’est devenu l’asile d’aliénés de Paraire... La courte vidéo constitue le « quatrième cadeau » de la journée Artaud que « Docteur Marty » a lancé sur le twitter de l’écrivain pour l’anniversaire du poète (4 septembre 2020).

Citations

Nabe sur Artaud

  • « Artaud a commencé à écrire pour dire qu’il n’y arrivait pas. Il finit par écrire pour dire qu’y parvenir ne sert à rien. L’Évêque de Rodez a emmené le poème à l’endroit exact où on pouvait désormais en faire n’importe quoi. Nos contemporains ne s’en sont pas privés !
Fatche ! Qu’ils ont donc mal saisi les triturations exténuantes du Roi-Inca ! Faut-il qu’ils soient sourds pour reformer dans de mièvres bégaiements les subtiles crispations de la scansion d’Artaud le Mômo, ces hiéroglyphes gutturaux si nerveux, si vrais et si tragiques.
J’ai toujours été fou de la voix d’Artaud. Il y en a qui le trouve trop théâtral, pas assez naturel, trop pompeux, grandiloquent, emphatique... Exactement toutes les qualités que je demande à un acteur. L’articulation, la déclamation, la diction, la scansion : voilà pour quoi, et par quoi, sont écrits les poèmes d’Artaud. On sait comment il faisait travailler ses “Filles”, comment il emmerdait Blin et Cuny pour que ça soit dit clairement, clairement comme un secret atterrant. » (Zigzags, 1986, p. 140)
  • « Samedi 21 janvier [1984]. — Retour à Thiverval. J’écoute les Radioscopies de Gaston Ferdière et de Xavier de Sade. Le psychiatre puant qui a commis les électrochocs sur le Mômo est intéressant malgré son pompiérisme d’avant-gardiste de salle de garde : je retire de ces évocations de l’extravagante démence d’Artaud à Rodez une grande envie de me replonger dans celui que j’ai toujours considéré, pour nos nombreuses affinités raciales et la pratique poétique de son écriture, comme ma mère littéraire. Je développerai un jour les maigres passages que je lui ai consacré dans mon encyclopédie et m’expliquerai sur cette marseillaise et maternelle figure de mon panthéon contemporain. » (Nabe’s Dream, 1991, p. 232)

  • « Seul Artaud peut physiquement faire penser au corps de Nietzsche. » (Nabe’s Dream, 1991, p. 583)

  • « Mardi 26 novembre 1985. — La théorie d’Artaud, voilà de l’excellence : seulement il faut avoir le génie, c’est rien le génie, un tout petit excès au bord de la bouche comme ça, ou au fond de l’œil... Sinon, ça ne sert à rien. Artaud d’ailleurs propose bien des failles dans ses systèmes, des appels à la trahison. La politique d’Artaud est une politique d’acteur, un orientalisme, une fureur à laquelle il ne manque que la pièce. Artaud était un grand poète, un acteur intéressant, mais ce n’était pas un dramaturge. Qui va écrire les pièces qu’exige sa vision ? Le théâtre de la cruauté n’a pas de répertoire : c’est là sa pire cruauté. Jean Genet lui-même a son continent tout exploré : il n’a pas besoin d’Artaud. Les autres, ils se tordent de douleur au Jugement dernier, je suppose... Les chorégraphies abstraites ; les partitions prétentieuses du drame abstrait ; le symbolisme atroce contre lequel se butait le Mômo ; les réductions, de version en version, des grands textes classiques déjà assez chiatiques comme ça ; le “happening” si démagogique ; le “Living” si vulgaire ; tous ces avatars-là, tous à jeter au vide-ordures sans ambages ! Moi je suis comme ça !
Artaud a remis le rite dans le théâtre, le corps dans son outrance d’être, quitte à mal jouer, puisque pour beaucoup “bien jouer” — comme bien écrire ou bien peindre — c’est dissoudre le comédien dans son rôle alors que moi je prétends qu’entre le personnage et le public, il faut toujours qu’il y ait l’acteur. L’aboutissement d’Artaud dans un bouquet d’échecs montre bien le danger du délire scénique aggravé par une indigence textuelle. La transe paroxystique n’est efficace qu’à l’intérieur d’une tradition, mis en valeur par une convention qu’elle détruit avec son consentement... C’est dans les mélanges, les anachronismes, les correspondances complices entre les formes révolutionnaires et les fonds baptismaux que l’extase peut se faire jouir elle-même... » (Tohu-Bohu, 1993, pp. 1359-1360)
  • « Dimanche 25 juin 1989. — Je parle longuement d’Artaud avec le vieux Boujut qui me raconte les dessous du fameux numéro de La Tour de feu (somme de témoignages cruciaux et de textes inédits dont la très rare dédicace des Nouvelles Révélations de l’Être à... Hitler en 1943 !) et se montre très dur envers les “récupérateurs” d’Artaud, y compris Sollers... Le plus intéressant est notre approfondissement de la question christique. La Tour de feu a été la seule revue à s’interroger sur l’aspect religieux d’Artaud, notamment par les souvenirs sérieux du docteur Jacques Latremolière et les lettres touffues où Artaud démontre que Jésus est venu sur terre pour effacer la chute d’Adam... » (Kamikaze, 2000, p. 3311)

  • « Artaud s’est envolé, Artaud s’est laissé exclure, délibérément à mon avis, du surréalisme pour pouvoir aller jusqu’au bout de sa propre aventure spirituelle et de sa propre aventure poétique. Enfin, on pourrait le lire, sur les textes, pièces en main : aucun poème de Breton ne tient à côté d’un vers d’Artaud, aussi éclaté soit-il, aussi délabré soit-il. Ça me semble indiscutable sur le plan rythmique, sur le plan poétique, il y a un véritable travail sur le langage. C’est une évidence de le dire. » (« Thema Surréalisme », Arte, 3 juillet 1993)

  • « [Artaud], pas du tout un fou qui écrit, qui éructe, et qui remplit des carnets comme ça avec un crayon usé... Comme Van Gogh d’ailleurs, qui était très appliqué dans sa palette, pas du tout désordonné, il savait exactement quelle couleur il fallait utiliser, le temps de séchage qu’il fallait, en une séance ou deux, pour arriver à produire ses sentiments de folie, si on peut dire, comme la bourgeoisie les appellent, et qui émanent des grandes œuvres tourmentées. » (« Nabe à Rodez », juillet 2019)

Intégration littéraire

Portraits

Portraits d’Antonin Artaud sur le site de Marc-Édouard Nabe

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, « L’artichaut d’Artaud », Zigzags, 1986, pp. 140-144.
  2. Droit de réponse, TF1, 31 janvier 1987, retranscrit dans Marc-Édouard Nabe, « Je ne suis pas fou ! », Coups d’épée dans l’eau, 1999, pp. 52-54.