My wiki:Éphéméride/2 octobre

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1619 : Naissance de Gédéon Tallemant des Réaux, écrivain français (voir Éphéméride du 10 novembre, mais ce n’est pas suffisant pour savoir qui il était, et pourquoi il fut « référence majeure de Louis-Ferdinand Céline ». D’abord, Tallemant des Réaux était un protestant, de La Rochelle, et d’une famille de banquiers huguenots… D’ailleurs, ce n’est pas la seule admiration protestante de Céline, il y avait aussi Barbusse, Ramuz, Loti, Agrippa d’Aubigné, Shakespeare, Byron… Comme le lui disait le professeur Montandon, auteur de Comment reconnaître le Juif ? Nouvelles Éditions Françaises, c’est-à-dire Denoël, 1940, en venant le voir à Montmartre : « Céline, vous devriez vous convertir au protestantisme ». « Pourquoi pas ? » avait répondu l'auteur qui travaillait à ce moment-là aux Beaux Draps… Ensuite, Tallemant était un voyeur sarcastique comme les aimait Céline. Un espion de salons, un peu comme le sera Saint-Simon, son successeur dans un genre voisin, c'est-à-dire qu'il va choper des anecdotes dans les endroits où pourrissent en direct ses contemporains les plus méprisables ou les plus amusants à observer. Tallemant le fera dans un style cru où regorgent les détails graveleux mais qui sont exacts sur tel ou tel personnage très important qui fait respirer ses flatulences à ses voisins de table ; ou bien sur un autre hyperconnu qui aime, pour rester dans le même sujet, prouter dans la bouche ouverte de ses copains qui dorment… Vivant sous le règne d’Henri IV puis de son fils Louis XIII, et au début de celui de son fils encore, Louis XIV, Tallemant a donc écrit ses Historiettes qui ravissent les amateurs de littérature vraie et qui donnent la vraie dimension du Grand Siècle qui était aussi pourri que les autres. La majorité de ces 323 miniatures biographiques de gens en vue en action, genre unique et très moderne dans sa fragmentation poétique, n'a pas été publiée, encore une fois comme Saint-Simon, de son vivant, mais oubliée pendant deux siècles, faisant resurgir avec fraîcheur les turpitudes d'une société, comme toujours de toute éternité, absolument immonde. Il a fallu attendre 1834, et l’éditeur Monmerqué, pour qu’elles paraissent, et encore bien caviardées pour ne pas trop choquer le bourgeois du XIXe siècle, et pourtant il a été choqué. Certains ont même remis en question la véracité de ce témoignage historique et littéraire d'un type collectant pendant cinquante ans les saloperies des cercles de la vie culturelle de son époque. Véritable encyclopédie à vocation totalisante sur tout ce qui se vivait et se racontait sur les multiples scènes sociales qu'il explorait, dans ses Historiettes, Tallemant dénonçait tous ces déjà bourgeois qui baisaient les maîtresses des ducs ; ces arrivistes qui ne pensaient qu’au fric ; ces cocus qui acceptaient de l'être par intérêt... C'était tellement énorme de lire ça sur ce XVIIe siècle qui avait été verni comme une image sainte, qu'on a estimé que le manuscrit était un faux, une sorte de pastiche, un à la-manière-de, ou alors on mettait ça sur le dos de l’auteur, disant qu'il avait tout inventé tellement Tallemant était un « déréglé ». Ce n'était pas possible que Louis XIII, qui avait fait massacrer les protestants huguenots à Montauban, soit un idiot dont le hobby était de couper les barbes, et un pédé qui branlait ses courtisans en public, et qui ne pouvait pas supporter les chattes de femmes, disant qu'elles sentaient la morue... Non, ce n'était possible que Henri IV ait été un baiseur de vierges qui lorsqu'il découvrit, par exemple, que l'une d'elles ne l'était pas, sifflait, et quand la jeune fille s'en étonnait le roi lui répondait « Je siffle pour appeler ceux qui se sont frayés le même chemin que moi » ; ou encore que le poète Malherbe, qui était un copain de Tallemant, soit tellement lent pour écrire que lorsqu'il avait proposé à un veuf de rédiger une ode en souvenir de sa femme défunte, le temps qu'il la lui apporte, le veuf s'était déjà remarié… Tallemant a bien connu aussi La Fontaine qui était rêveur « tellement rêveur » que comme disait sa femme « Ça fait trois semaines qu'il a oublié qu'il était marié… », et comme madame La Fontaine avait envie d'être baisée, et qu’elle allait voir ailleurs et qu’on le rapportait à son La Fontaine de mari qui ne s'en offusquait pas, celui-ci disait : « Que les autres s'occupent de ma femme, ils finiront par faire comme moi, ils s'en lasseront ! » Les Historiettes sont une mine de traits plus marrants les uns que les autres. Un type très laid en rencontre un autre, encore plus laid, et sans lui dire pourquoi, il lui saute au cou : « Il y a si longtemps que je vous cherchais ! » Il y aussi l’historiette du noble dont le masochisme était de se faire chasser comme un cerf dans sa forêt par ses serfs justement : les paysans en chasse à courre de leur maître ; et celle du militaire qui, lorsqu'il capturait des prisonniers, les faisait tuer par son fils âgé à peine de dix ans… Avec les noms et tout ! Et quel punchliner, ce Gédéon ! Cascade de mini-portraits : « Il est toujours propre, quoique vieux » ; « Il était devenu fort sourd et pétait partout, à table même, sans s'en apercevoir » ; « Quoiqu'il fût de bonne naissance, il ne passait pas pourtant pour un homme de qualité » ; « Ils se marièrent mais c'était mettre un rien avec un autre rien » ; « L'abbé de Carrouges, en se promenant le long d'un étang, rêvait combien il faudrait de sucre et de citrons pour en faire de la limonade » ; « Et quand je lui dis adieu, elle me baisa si fort au milieu de la bouche, que ce baiser me fit une profonde plaie au cœur »... Comment Céline aurait pu ne pas aimer ça ? Il y a un peu de Léautaud aussi en Tallemant, dans le côté entomologiste cruel et sans tabou. Il en faut des mecs comme ça, car comme le disait en 1960, à la télévision, Max-Pol Fouchet, très bon introducteur de l'œuvre de Tallemant des Réaux : « Quel plaisir on éprouve à le lire ! Ah, pourquoi n'avons-nous pas aujourd'hui un Tallemant des Réaux ? Il est vrai qu'il faudrait le lire dans 150 ans ! »).
1869 : Naissance du révolutionnaire anti-colonialiste et guide spirituel Mohandas Karamchand Gandhi (évoqué par Nabe dans L’Âge du Christ, « Les cendres de Gandhi » — L’Éternité n°2, mars 1997, repris dans Oui, 1998 —, Printemps de feu, Aux Rats des pâquerettes).
1890 : Naissance de l'acteur Groucho Marx.
1906 : Naissance de Robert Vattier, comédien français. A immortalisé « Monsieur Brun », le Lyonnais de la trilogie pagnolesques, sauf que Vattier n'était pas lyonnais mais breton, passons… Sans lui, il manquerait quelque chose aux chefs d'œuvres marseillais. Vattier n'était pas seulement un faire-valoir mais un contrepoint aux tirades très écrites de Raimu (César) et Fernand Charpin (Panisse) face à la faconde baroque desquels il fallait un raisonneur pointilleux et plein de bon sens comme Monsieur Brun que Robert Vattier a magnifiquement incarné. Ça, c'était dans les années 30, mais dans les années 50, Pagnol ne l'a pas oublié et a employé Vattier dans Manon des sources (1952) et dans L'Élixir du révérend père Gaucher (1954). Très bonne idée d'en faire là le curé comme il l’était déjà dans La femme du boulanger (1938). Son côté raisonneur, comme je le disais, qui pouvait aller jusqu'à la moralisation, avait frappé un réalisateur belge Ray Goossens qui demanda à Vattier de doubler les dessins animés (pas terribles) qu'il avait tirés des aventures de Tintin : ainsi la voix du professeur Tournesol qu'on entend dans ces téléfilms, c’est celle de Robert Vattier ! Mais Vattier avait encore une autre corde à son petit arc : acteur de théâtre ! Il aura participé à d'excellents Labiche parfaitement adaptés à la télé : Célimare le bien-aimé (1964) où il est Colombot, et surtout Ôtez votre fille, s'il vous plaît (1961) où il a le premier rôle, campant un Montdoublard plus faux que nature. Un seul regret pour Nabe, c'est de ne pas être allé voir au Nouveau Carré Silvia Monfort en 1978, La Nouvelle Colonie (La nuova colonia, 1926), l'un de derniers « mythes » de Luigi Pirandello, dans laquelle Robert Vattier était Tobba, le vieux voyou de l’île déserte et volcanique sur laquelle des désaxés en mal de rédemption avaient voulu créer une utopique « colonie » malgré les tremblements de terre. Et on se dit, en voyant ce Tobba, béret sur la tête, chapelet à la main, pestant sur son fauteuil roulant, avec son perroquet sur le dossier : « Dire que c’était Monsieur Brun ! »
1925 : Surgissement sur scène de la danseuse américaine Joséphine Baker, 19 ans, toute nue avec seulement un pagne en plumes, et dansant le charleston dans la Revue nègre, au Théâtre des Champs-Élysées (Paris) dirigé par monsieur Daven qui cherchait depuis longtemps à refaire scandale chez lui avec un nouveau spectacle après les Ballets Suédois. C'est à New York qu'il avait rencontré Madame Reagan qui avait eu l'idée de composer une troupe entièrement de Noirs, et qui a recruté cette Joséphine Baker, totalement inconnue, et lui a offert 250 dollars par semaine pour aller en France. « OK ! » la troupe arrive en bateau le 15 septembre et dès le 2 octobre, le rideau s’ouvre sur la Première. Dans la salle comble, Robert Desnos, Francis Picabia et Blaise Cendrars… On ne sait pas ce qui a tant choqué : la quasi-nudité de Joséphine ou bien le fait que dans le tableau qu'elle dynamisait de son énergie, elle se moquait, par la danse, de la moquerie des Noirs par les Blancs. Elle s’autocaricaturait en quelque sorte, se montrant comme vue à travers le regard des colons dans l'âme qui étaient censés s’amuser de sa « simiesque sauvagerie ». Et en même temps, hélas, même si elle voyait bien la différence en France avec la ségrégation américaine, elle participait au confortement des Européens racistes (pléonasme) dans leurs préjugés par une sorte de bananianisation, pour ne pas dire de bananisation. Pourquoi « bananisation » ? Parce que les fameuses bananes que Joséphine a par la suite accrochées à sa taille et qui l’ont rendue célèbre (elles n'étaient pas là à l'origine en 1925 : il lui a fallu une année, en 1926, et aux Folies Bergères, pour oser troquer les plumes pour le régime) ont fait d'elle une complice du fantasme colonialiste blancot, car il était clair qu'ainsi elle devenait un objet érotique. Ses attributs fruitiers rappelaient bien sûr des godes multiples qu’elle se serait mis en ceinture, ou mieux : des pénis-trophées qu'une telle « cannibale sexuelle » aurait arrachés à ses conquêtes, blanches bien sûr (ou plutôt jaunes)… Il ne fallait pas être dupe de la vogue de l'Art nègre dans le Paris des années 20 ! Une ferveur qui puait l’appropriation, même par les plus grands artistes du temps dont il faut être aussi conscient du génie que du cannibalisme justement : Picasso, Matisse, Léger, en peinture, et Stravinsky en musique dont l'énorme oreille goulue avala les ragtimes dès 1919... Tiens, l’année où Proust a eu son Goncourt pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs, alors que deux ans après, en 1921, c'est un Martiniquais qui l’obtint avec un « véritable roman nègre » (c'était marqué sous le titre), Batouala. À propos de Proust, rappelons ce mot bien raciste et très drôle de Robert de Flers, un des plus grands potes d’enfance de Marcel, eh oui ! académicien français et critique au Figaro, qui osa écrire devant les trémoussements de Joséphine : « C'est un lamentable exhibitionnisme transatlantique qui semble nous faire remonter au singe en moins de temps que nous n’avons mis à en descendre ».
1958 : Naissance d’Alain Soral (évoqué par Nabe dans L’Homme qui arrêta d’écrire, Patience 1, Patience 2, Les Porcs 1, Aux Rats des pâquerettes, Les Porcs 2).
1961 : Art Blakey enregistre en une journée avec les Jazz Messengers l'album Mosaic.
1968 : Mort de Marcel Duchamp.
1984 : Apprenant sa situation de sans domicile fixe, le Professeur Choron décide de loger Sam Woodyard dans les locaux de Hara-Kiri.
1985 : Mort de l'acteur Rock Hudson (évoquée par Nabe dans Tohu-Bohu, 1993).
1987 : Nabe goûte pour la seule fois à la cocaïne proposée par Jean-Edern Hallier.
1988 : Nabe et Hélène se rendent chez Claude Nougaro.
2006 : Publication aux éditions Léo Scheer des Morceaux choisis de Nabe.
2018 : Audience du procès intenté par Raffaël Énault à Marc-Édouard Nabe au TGI de Paris (place de Clichy) en l’absence des deux protagonistes.