My wiki:Éphéméride/18 septembre

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1910 : Naissance de Fernand Sardou, acteur et chanteur (« Aujourd’hui peut-être… ») français. A joué dans un sacré paquet de navets de sous-réalisateurs (Jean Delannoy ; André Berthomieu ; Gilles Grangier ; Roger Richebé ; Jean Boyer ; Jean Girault ; Jean Renoir...), mais aussi chez Henri Verneuil, Le Fruit défendu (1952) et Marcel Pagnol, Manon des sources (1952 ), et surtout en 1954 dans Les Lettres de mon moulin du même Pagnol (sketches L'élixir du révérend père Gaucher et Le curé de Cucugnan). Et Clouzot vint ! Voilà Fernand Sardou, habitué aux rôles de bonshommes bonhommes portés par leur faconde et leur humour provençaux, qui se retrouve dans le grand film kafkaïen, le seul d'ailleurs (meilleur que Le Procès d'Orson Welles), Les Espions (1957, affiche : Siné). Pour Henri-Georges Clouzot, dont le critère pour le casting était de ne prendre que les gens qui avaient des accents (à part Gérard Séty) et de les mélanger, de les perdre même dans son labyrinthe cinématographique de virtuose, Sardou arrive à être inquiétant… Faire flipper le spectateur en contre-employant un Fernand Sardou, c'est une prouesse ! Rencontré par Nabe en 1968 à Bandol, au bar mythique Chez Suzy, avec son père. Sardou venait de tourner ce pourquoi il aura éternellement la déférence des amateurs de cinéma et de l’art dramatique, c'est-à-dire le remake du Curé de Cucugnan par Pagnol lui-même, en moyen métrage, et où Fernand immortalise le curé de l'histoire, et son fameux sermon… D'ailleurs, c'est un peu un sermon dans lequel Fernand s'était lancé chez Suzy au sujet de son propre fils Michel, devant celui de Marcel, Alain. Nabe s'en souvient très bien.
1921 : Naissance de Guy Tréjan, acteur français de théâtre et de cinéma à la voix de nez grave. Stature de bourgeois pas drôle (dans La Vérité d'Henri-Georges Clouzot, 1960) ou bien irrésistible (dans Pouic-Pouic de Jean Girault, 1963). Mais là où Tréjan est très bon, c'est au théâtre. Peter Brook ne s’y est pas trompé en en faisant un personnage tchékhovien dans La Cerisaie (1983). Et François Perrier en pirandellisant totalement Guy Tréjan dans Chacun sa vérité (1983). Dans les deux cas, on dirait que l'acteur avait été pensé par l'auteur avant de l'avoir été par le metteur en scène. Bravo aussi à Bernard Sobel, qui a projeté Tréjan dans La Ville de Paul Claudel (1986), pièce méconnue à tort. Jorge Lavelli l’a même employé dans du Thomas Bernhard... On ne se lassait pas de la diction faussement empesée, créant des reflets de profondeur, en particulier dans les monologues que Tréjan maîtrisait parfaitement (dans Siegfried de Giraudoux comme dans d'autres Pirandello). Nabe regrette de ne pas avoir assisté en 1998 aux Confessions d’un solitaire d'après Jean-Jacques Rousseau que Tréjan disait, et plus encore ­— mais là, c'était impossible — en 1953, dans la reprise de Félix d'Henri Bernstein, que Nabe a analysé dans sa préface à son théâtre (si peu lue hélas) La Jungle de Bernstein. Jamais rencontré par Nabe mais croisé furtivement dans l'immeuble des Batignolles où habitait sa secrétaire dans les années 80, Fabienne Manescau, immeuble qui logeait également une dame qu'apparemment Guy Tréjan venait visiter.
1936 : Sortie du film Le Roman d'un tricheur, réalisé par Sacha Guitry.
1939 : Suicide de l’écrivain, peintre, dramaturge, photographe polonais Stanislaw Witkiewicz, en se tranchant la gorge dans un champ polésien d’Ukraine où il s’était réfugié. Suicide en deux temps. D’abord le 1er septembre 1939, dès qu’il apprend l’envahissement de sa Pologne par les Nazis, il se barre à l’Est. Ensuite, quand le 17 septembre, il apprend que ce sont les Soviétiques qui font pareil, de l’autre côté, il se supprime le lendemain. Logique ! Il n'y a peut-être pas de suicide plus politique que celui-là dans l'histoire de la littérature. Encore une fois, celui de Stefan Zweig en 1942, persuadé que l'Allemagne allait gagner la guerre, est ridicule. En total accord avec sa vision d’artiste ironique et désespéré, « Witkacy » s'est tué pour deux raisons qui n'ont rien de personnel ni de sentimental, c'est encore plus beau, il est resté dans le champ (c'est le cas de le dire) politique. C'est la plus violente réponse au pacte germano-soviétique de Ribbentrop et Molotov. Dommage que Witkiewicz n'ait pas tenu jusqu'en 41 où les rapports de force entre Staline et Hitler s’inverseront… Lui seul aurait pu écrire un récit insensé de Stalingrad, il a préféré mourir avant, pas pour son pays mais à la place de son pays broyé entre les deux armées envahisseuses, les renvoyant en quelque sorte dos-à-dos, tout en les prenant sur son dos. C’est d’un nietzschéisme fou ! C'est un sacrifice digne d’un Grec de l'Antiquité. Qui dit mieux chez les réacs patriotiques souverainistes minables français qui donnent des leçons, et d'Histoire en plus, sans jamais accepter d'en recevoir ?
1957 : Sortie aux États-Unis du film Les Amants de Salzbourg, réalisé par Douglas Sirk.
1970 : Mort de Jimi Hendrix, dans la chambre de sa copine Monika, au Samarkand Hotel (Londres), étouffé dans son « propre » vomi, après absorption abusive dans la nuit de comprimés de Vesparax (barbiturique) arrosés d'alcool. Mais, symboliquement, qu’a donc vomi Jimi ce matin-là ? À lire dans un futur texte de Nabe.
1972 : Georges Simenon, à Lausanne, décide d’arrêter d’écrire des romans, après en avoir donné 192 au monde en cinquante ans.
1985 : Sortie en France du film Ran, réalisé par Akira Kurosawa, inspiré par Le Roi Lear de William Shakespeare.
1988 : Nabe relit ses Petits Riens sur presque tout et remarque qu’ils concernent surtout la religion, les médias et les femmes.
1989 : Nabe et Hélène emménagent rue de la Convention (Paris, 15e).
2018 : Mort de Marceline Loridan-Ivens, documentariste juive polonaise française, femme du cinéaste Joris Ivens, grande copine de Simone Veil avec laquelle elle fut déportée dans le même convoi 71 du 13 avril 1944 pour Auschwitz/Birkenau, précisément celui où se trouvait également son père, mais aussi Ginette Kolinka et Anne-Lise Stern que Marc-Édouard Nabe a rencontrée avec Philippe Sollers (voir Éphéméride du 6 mai). Après la guerre, Marceline devient communiste et, par anticolonialisme, porteuse de valises pour l'Algérie du FLN. Également militante anti-Vietnam et pro-Chinoise période hard Mao, elle se fera taper sur ses doigts d'ancienne déportée qui, dans certains contextes, aurait dû se les mordre avant de parler. En dehors de ça, la Loridan reste un des plus solides témoins de la Shoah, par sa vigueur, sa mémoire, sa jeunesse jusqu'au bout, son authenticité, son non-conformisme et sa grande gueule. Comme Simone et Ginette d’ailleurs, Marceline savait parfaitement parler de ce qui s'était passé dans les camps et hors fantasmes. Elle est très bonne dans toutes les prestations télévisées de sa dernière époque qu'il faut écouter précisément, mais aussi dans sa participation inoubliable dans le film Chronique d'un été (1961) du génie Jean Rouch (hélas disparu) et du tâcheron Edgar Morin (hélas toujours là) : la séquence où elle dit qu'elle ne pourrait pas se marier avec un Noir, devant un Noir, avant de lui montrer son numéro de matricule tatoué sur le bras à Auschwitz est un des grands moments du cinéma des années 60, mieux que la Nouvelle vague, et sur le plan du racisme et de l'antiracisme, ça écrase tous les larmoiements qui suivront. Jamais rencontrée par l’auteur de Patience 3, et c’est vraiment dommage.