My wiki:Éphéméride/13 septembre

Sauter à la navigation Sauter à la recherche

1541 : Jean Calvin quitte Strasbourg pour Genève. Et ce n'est pas la première fois ! Il ne faut pas oublier que Calvin était français. Après avoir pas mal erré, il se retrouve à Strasbourg en 1536 pour éduquer les masses connement cathos (pléonasme), mais après ce premier séjour strasbourgeois insatisfaisant, il part à la fin de l'année se réfugier à Genève où il rencontre Guillaume Farel (le réformateur préféré de Nabe). Calvin ne pensait qu’y passer mais Farel le retient là, il a besoin de lui pour évangéliser les Suisses encore rétifs à la vraie révolution réformiste. Calvin est un type froid, distant, et ingrat (il doit presque tout à Farel, et ce n'est pas rien), alors Farel l'insulte carrément, lui prédit les pires malédictions divines s'il manque à son devoir de l'épauler dans sa mission. Calvin fait dans son froc et obéit au grand Guillaume et les deux foutent une merde pas possible dans le canton genevois. Début 1537, Farel et Calvin passent devant le Conseil municipal pour présenter leurs Articles concernant l'organisation de l'église et du culte à Genève. Acceptés ! Calvin rédige dans la foulée un catéchisme piqué sur celui de Martin Luther, mais ça se gâte : le Conseil commence à regarder de deux mauvais yeux ces énergumènes illuminés, d'autant plus illuminés qu'ils sont super déterminés. S’ils sont mal vus, c’est avant tout parce qu'ils sont français, et la xénophobie anti-française n'est pas un mythe en Suisse. Tous les problèmes théologiques sont solutionnés par ce tandem de prétentiards : l’eucharistie, le baptême, la confession… Justement, l’eucharistie ! Berne, d’où Genève tire ses ordres, impose l'emploi du pain azyme. L'arrière-goût catholique de cette hostie juive fait gerber Calvin et Farel qui sont ultra contre ; ils exigent un synode à Zurich, mais le Conseil leur ordonne d'utiliser l'azyme pour la Pâques de 1537. Ils boudent la cène, puis la boycottent. Total : le lendemain, le Conseil genevois expulse les deux pasteurs. Ils vont à Zurich : on les envoie chier ; ils se retrouvent à Bâle ; puis à Neuchâtel pour Farel, tandis que Calvin retourne à Strasbourg rejoindre des potes français. On est en 1538. C'est lors de ce second séjour à Strasbourg que Calvin fera son trou en dirigeant une ancienne église dominicaine appelée Temple-Neuf. Il y fait culte comble (500 personnes à chaque fois), il prêche, il chante, il écrit, il catéchise, il commente les épîtres. Il se marie même, le con, en août 1540 avec Idelette de Bure, veuve de Jean Stordeur, un anabaptiste belge que Calvin avait converti et qui avait déjà deux enfants. Comme Calvin commence à devenir une petite star à Strasbourg, Genève-la-snob lui fait des appels du pied. Les Suisses traitent très mal les exilés chez eux, mais s'ils s'en vont, ils les regrettent, ou du moins, ils leur en veulent. Genève propose d’abord à Pierre Viret, un sacré réformateur lui aussi, de faire le job, mais il refuse. Calvin est approché sérieusement, mais il refuse aussi : pour lui, Genève, c'est une croix sur laquelle il serait idiot d'aller se faire recrucifier : « Je préférerais mourir cent fois que de retourner à cette croix sur laquelle je périssais mille fois chaque jour. » Quelle meilleure définition de la Suisse ? Et pourtant, on y retourne et on y reste… Et c'est là que Calvin, ce 13 septembre, prend la route de Strasbourg vers Genève (391 km via l’A35 et l’A1 = 4 h, 09 minutes).
1803 : Naissance de Grandville, dessinateur, caricaturiste et illustrateur français. N’a rien compris à La Fontaine puisqu'il dessine des corps d'hommes normaux, habillés comme à son époque (Louis-Philippe), avec simplement des têtes d'animaux correspondant aux personnages des Fables alors que dans l'esprit de celui dont Jean Giraudoux a su comprendre le caractère qui a créé ces merveilleux poèmes de lucidité sur la vie (« La Fontaine vivait dans une espèce d'extase laïque avec tous les caractères de l'extase : le bien-être, la tiédeur, l'oubli des maux, et une insensibilité complète à la présence d'amis ou d'importuns. »), les animaux restent des animaux. Ils n'ont qu'un seul attribut de l'Homme, et par commodité poétique, c'est le langage.
1874 : Naissance de Arnold Schönberg, compositeur juif autrichien, viennois même. A inventé le dodécaphonisme, système de composition musicale mettant au même niveau les douze notes de la gamme, sans chouchoute, ce qui noie la notion même de tonalité. Il y tenait, Schönberg, à ses 12 sons sur la palette chromatique ! C'est d'autant plus drôle d’avoir été obsédé ainsi par le chiffre 12, alors qu'il était par ailleurs atteint de triskaidekaphobie, c'est-à-dire de la phobie du chiffre 13. Il est d’ailleurs mort à 76 ans, et il le sentait car il avait calculé 7 + 6 = 13. C'est aussi par triskaïdékaphobie qu'il a enlevé une lettre au prénom Aaron pour intituler son opéra Moïse et Aron (1932-1957) dont le titre, avec deux « a » à Aaron, aurait fait 13 lettres. Opéra inachevé mais certainement la pièce maîtresse de son œuvre (surtout dans la version de Michael Boder donnée au Jahrhunderthalle Bochum en 2009). Parti de La nuit transfigurée, composée en 1899 (la version Boulez en grand orchestre de cordes est indépassable), d'un wagnérisme très beau, très intéressant, puisqu'il s'agit d'une revisitation judaïque inconsciente du romantisme de Wagner l'antisémite, puis après s'être égaré dans un Pelléas et Mélisande (1905) qui ne pouvait pas rivaliser avec celui de Debussy, Schönberg s’est un peu mieux trouvé dans ses Cinq pièces pour orchestre (1909) qui sont super expressionnistes mais un peu chaotiques, et son Pierrot lunaire (1912) qui est très bien mais ça ne vaut pas l’Histoire du soldat. Schönberg n'a fait que progresser au fur et à mesure qu'il se détachait lui-même de ses propres procédés qu'au début d'ailleurs Stravinsky a beaucoup rejetés et qu'il a fini par adopter, mais après la mort de son seul réel rival au XXe siècle. Tous les deux étaient voisins en exil à Los Angeles dans les années 40, en plein essor du bebop, mais la différence entre eux, c’est que Stravinsky, ayant toujours une longueur d'avance, s'était déplacé une fois au Birdland de New York pour écouter Charlie Parker, alors que Schönberg, non. Peut-être la musique de Parker n'était-elle pas assez avancée pour lui, il aurait fallu qu'il attende Anthony Braxton pour que le jazz l'intéresse, qui sait ? En tous cas, en Amérique, Schönberg a été malheureux : alors qu’avant-guerre il était copain avec toute la viennoiserie de son époque (Kokoschka a fait son portrait et lui-même a tâté du pinceau), il s’est retrouvé seul en Yankie, plus ou moins rejeté, traversant des difficultés de compositeur quasi maudit réduit à faire le prof. Pour lui, être aux États-Unis, où il avait pourtant pris la nationalité américaine, c'était pire que d’être en Allemagne ou en Autriche. Ayant pris conscience de sa judéité au moment de l'antisémitisme nazi, il en sera torturé jusqu’à composer après la guerre, en 1947, une cantate intitulée Un survivant de Varsovie, censée rendre compte en 7 minutes de toute l'horreur de la persécution des Juifs par les nazis, mais non, c’est faible, il n'y a qu'un Milan Kundera, écrivain lui aussi faible, pour l’avoir vantée au monde entier d'une façon grotesque : « Un survivant de Varsovie est le plus grand monument que la musique ait dédié à l'Holocauste. Toute l'essence existentielle du drame des Juifs du XXe siècle y est gardée vivante. Dans toute son affreuse grandeur, son horrible beauté. » Blabla. Encore le mauvais goût de Kundera ! Alors que sur la question, c'est évidemment l'opéra, j'y reviens, Moïse et Aron qui règle le problème, et dans quelle ampleur, du Veau d’or à Mattsee ! Le voici, le monument que la musique a dédié, et pas seulement à l'Holocauste, à toute la Bible. Pour finir cette entrée, signalons que, dans l'œuvre de Schönberg, il y a une autre petite pièce, un peu plus longue (quinze minutes) que son Survivant, et qui n'est rien d'autre qu'une… Ode à Napoléon Bonaparte (1942). En voilà un, de chef d'œuvre de Schönberg. Inspiré par Byron, George Washington et Winston Churchill. D'ailleurs, il suffit de le suivre sur la partition et on a tout compris : on dirait des tableaux de Kandinsky en mouvement. À un moment donné, ça ne se voit pas parce que c'est atonal mais il a mixé La Marseillaise et la Cinquième Symphonie de Beethoven ! Le dialogue entre les violons, la voix et le piano est époustouflant de clarté, de violence, de grandeur et de grinçant tragique… Comme quoi, la bataille d'Austerlitz (pour ne pas dire la victoire de Wellington) avait davantage inspiré Schönberg que le ghetto de Varsovie. À méditer.
1910 : Naissance de « Chu » Berry, saxophoniste de jazz noir américain. Un des pionniers du genre velu, grommeleux, grumeleux, chauffeur, rentre-dedans, sauf que dans les années 30, il n'était pas le premier, mais le deuxième. Le gros « Chu », qu'on avait appelé comme ça parce qu'il avait des moustaches à la Fu-Manchu, avait d'abord joué du saxo alto, mais quand il a entendu Coleman Hawkins en direct, il fallut le ramasser parce qu'il était tombé par terre, et il passa au ténor. Ça devint son meilleur disciple, et même par anticipation, puisqu’il grava un Body and Soul en 1938, un an avant la version mythique, historique et inégalable d’Hawkins en 1939. Chu Berry jouait sur un saxophone en argent, et sa sonorité est déconcertante par son classicisme, il aurait très bien pu interpréter la Rapsodie pour orchestre et saxophone de Claude Debussy. Il n’avait finalement pas un son très jazz, mais une bonne découpe, et des audaces harmoniques dont Parker et Gillespie sauront se souvenir. Il fut la vedette de l'orchestre de Cab Calloway jusqu'à ce qu'un jour de 1941, en prenant la route après un concert, il se planta en voiture à l’âge de 31 ans... Hawkins, ce roublard Scorpion, le piqua une dernière fois après sa mort, en lui faisant ce compliment empoisonné : « Chu était presque le meilleur ».
1933 : Publication par Denoël et Steele de la pièce de théâtre de Louis-Ferdinand Céline, L'Église.
1948 : Charlie Chaplin commence à dicter le scénario de son film Les Feux de la Rampe.
1983 : Aux Éditions Denoël, Nabe discute avec Philippe Sollers et Gérard Bourgadier du manuscrit d’Au régal des vermines.
1988 : Nabe déjeune avec Jean-Claude Guillebaud.
1989 : L’Idiot international publie le texte de Nabe, « Anne Sinclair reçoit Jésus-Christ ».
2003 : Diffusion de l’émission de Thierry Ardisson, Tout le monde en parle, où Nabe présente son roman, Printemps de feu, face à Frédéric Beigbeder qui l’attaque sur ses positions en faveur de l’Orient.
2021 : Mort de George Wein, producteur américain blanc de jazz, organisateur de festivals dans le monde entier, pianiste à l'occasion et pour se faire plaisir. Rencontré plusieurs fois par Nabe avec son père à Nice à Paris, à Antibes, un peu partout… Toujours affable et souriant.
2022 : Suicide assisté à Rolle du cinéaste Jean-Luc Godard (évoqué par Nabe dans Nabe's News — « Godard, son dernier Rolle », numéro 33, 12 juin 2023).