Paraskevi Zannini

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Paraskevi Zannini

Paraskevi Zannini, née Karavassili Sarafoglou, est née à Constantinople (Empire ottoman) le 13 avril 1896 et morte en 1991 à Vallauris. C’est la grand-mère paternelle de Marc-Édouard Nabe.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Paraskevi avec Alain Zannini

Mère de Marcel Zannini, Paraskevi, d’origine grecque orthodoxe, entre dans la littérature de Marc-Édouard Nabe en 1988 dans son premier roman, Le Bonheur (édité par Denoël), aux côtés de sa fille Odette (sœur de Marcel), qui toute sa vie se sera occupée d’elle :

« Paraskévi était une très vieille sorcière à qui il ne manquait que le balai. Tout droit sortie des mille et une nuits blanches. Carabosse macédonienne des méchancetés infernales. Sa hargne touchait au génie. C’était un délire carnivore et florissant, fertilisé sans répit par une mémoire d’abondance. On eût juré une pièce d’artillerie qui ressassait des vieux boulets. Personne ne pouvait tenir cinq minutes sous ce permanent pilonnage grandiose de toutes les crasses personnelles. Calmement, dans les ronces burlesques de son accent, Paraskévi débitait ses rondelles d’horreur avec la précision qu’elle mettait à tricoter au crochet ou à trier les arêtes d’un énorme loup. Sous ses volées de piques on se sentait en quelques instants criblé de flèches. Rien n’est plus haïssable que son sourire et ses petits gloussements narquois de vieille hyène satisfaite des cadavres qui l’entourent : elle se lèche d’avance les babines des saloperies qu’elle va sortir. Mais sa haine extrême, elle la réservait à tous ceux qui n’étaient pas de son sang. Oncles, brus, gendres, cousins par alliance étaient voués à une gémonie irréversible exprimée avec talent dans des crépitements hystériques et grinçants de vieille machine à écrire en feu. Elle ressemblait dans ces moments-là à un vieil arbre possédé par la foudre. Les belles-filles étaient ses bêtes noires. Elles sont irrémédiablement traînées dans un flot vénéneux de raciales imprécations. Tout ce qui s’amène saloperistiquement avec ses bocaux de globules étrangers est honni, banni à mort. Elle doit voir les beaux-frères, belles-sœurs, belles-filles, belles-petites-filles (tout ce qui est beau) comme autant de monstres contaminatoires. Ah ! Sa pétoire à mots méchants n’est pas rouillée ! La misère l’a bien huilée avec le temps. Elle attend de voir crever toutes les galaxies avant de s’en aller. “Je suis née dans un pays de patience”, dit-elle en narguant les jeunes imbéciles de la quarantaine avec leur cancer grotesque ou leur myocarde fragile, leur scorant ses 90 balais dans leurs gueules de bitards.[1] »
Paraskevi Zannini, Sam Woodyard et Marcel Zannini

En 1991, on la retrouve dans le premier tome du journal intime Nabe’s Dream (elle y sera dans les tomes suivants), puis en 1992, dans Visage de Turc en pleurs, récit de voyage en Turquie publié par Gallimard dans la collection L’Infini, et qui est dédié à Paraskevi. Enfin, en 2002, dans le roman Alain Zannini, Paraskevi sera à l’origine d’un gimmick récurrent du roman, « comme disait sa grand-mère » (« Entre deux baises, son amant, fan de l’Argentine, lui jouait du bandonéon... “Bande-au-néant”, disait ma grand-mère[2] », « Voilà comment est né mon roman éponyme (“En peau de Nîmes” comme disait ma grand-mère)[3] »), inspiré de sa déformation des mots par ses origines gréco-turques.

À noter, Evanghèlia, la logeuse de Marc-Édouard Nabe à Patmos, le surnomme « Sarafoglou ».

Citations

Paraskevi sur Nabe

  • « Malseillais ! »

Nabe sur Paraskevi

  •  « Mardi 13 novembre [1984]. — [...] Marcel l’a emmené ce week-end chez Odette, à Golfe-Juan ! Encore une rencontre au sommet ! Un vrai couple s’est formé : Mémé/Sam ! Il ne tarit pas d’éloge sur la vieille Paraskévi ! Il paraît qu’il l’aidait à remettre sa petite veste en laine,, s’allongeait sur son lit, échangeait des gestes complices ! “Satin doll”, il l’appelle... Deux swingueurs de cet acabit ensemble ! » (Nabe’s Dream, 1991, p. 683)
  • « Dimanche 31 mars 1985. — [...] Mon père a même raconté à l’Endormeur qu’il avait emmené un jour Byas chez sa mère ! Oui, chez Paraskévi, ici présente ! Presque morte ! Elle lui a fait un pot-au-feu extra. Ma grand-mère ne devait pas oublier le musicien : chaque fois qu’elle croisait un Noir ensemble, elle l’apostrophait : “Alors, il était bon mon pot-au-feu ?” » (Tohu-Bohu, 1993, p. 963)
  • « Samedi 13 avril 1985. — Anniversaire de ma grand-mère. Quatre-vingt-neuf ans de méchanceté ! Grande colère contre ma tante qui, après tout ce que cette vieille salope lui a fait, ose encore lui organiser un petit repas d’amour. Je l’enguirlande comme un sapin de Noël. Et puis on se rabiboche autour de l’irresistible personnalité infâme, sadique, élisabéthaine, de ma mémé pourrie. » (Tohu-Bohu, 1993, p. 968)
  • « Madame Valisa plaça devant la baignoire un petit escabeau bleu pâle comme pour une duchesse fragile grimpant dans son fiacre rococo.
— ALLEZ-Y, MÉMÉ ! gueulait Madame Valisa.
— Sûlement...
— Attend, Maman ! Mets ton pied sur l’escargot !
— ALLEZ-Y, C’EST BIEN ! L’AUTRE MAINTENANT !
— Tiens-toi à mon bras, Maman...
— Hop !
C’était bien l’Himalaya. Tout doucement avec des serviettes utilisées comme des cordes pour déballer un piano, elles la glissèrent dans l’eau. Comme elle jouait vicieusement les poids morts, ça éclaboussa jusqu’aux cow-boys imprimés du papier peint. De la mousse partout. Dardanelle avait les chignons enneigés. C’est qu’elle vidait à chaque fois une bouteille et demie de bain moussant, et du meilleur, le plus envahissant, une vraie hermine d’extincteur, de quoi maîtriser tous les incendies du pays niçois ! Sels, onguents, laits rares, savons d’ambre, shampooings urfs, boules de coco, paillettes de lavande : la baignoire à mémé accueillait les meilleurs produits en poubelle de délicatesse. Toujours pour lui rapeler la Turquie à Paraskévi, les bains et hammāms des grands bourgeois de Pera, l’indolence des viandes polies...
Madame Valisa commençait à frotter avec tout un attirail de petites brosses douces, du gant de crin dans le sens du poil aux éponges énormes qui vont dans tous les coins !... Dans le chaudron de la sorcière, Dardanelle versait et versait des quantité astronomiques d’étranges poudres, des fioles globales de toutes les couleurs qui pétillaient bouillantes dans la marmite. Ça fumait bientôt londoniennement. Par la petite fenêtre de dehors on n’aurait pu voir qu’une brume rose en ébullition, des masses saccadées dans une gangue pulpeuse de brouillard de bulles...
Lorsque Madame Valisa estima la reine décrassée, elle entreprit avec Dardanelle de dissiper la mousse.
— Il faut la retrouver Valisa ! commençait à s’inquiéter Dardanelle.
La baignoire n’était plus qu’une énorme colline moussue, un mont-blanc compact d’œufs en neige où la grand-mère avait disparu. La femme d’État lançait son bras poilu à travers la masse, à la façon d’un suspicieux gendarme perçant de son épée le foin d’une charrette. Tentative sans résultat.
— Ne vous inquiétez pas, Médême, on va la retrouver, c’est pas possible...
Dardanelle plissait déjà son visage vers le bas de panique. Elle s’exerçait à pleurer...
— Maman ! Maman ! Si tu es là réponds-nous !
La mousse demeurait silencieuse. Aucun vongo ne vint faciliter les recherches. Soudain Madame Valisa désigna quelque chose au flanc de cette montagne...
— Là, là, Médême ! Le nez ! Son nez !
En effet, crevant une petite pente cotonneuse, l’énorme nez de Paraskévi apparut. Dardanelle joignit ses mains crispées dans une prière de reconnaissance. Par le nez on dégagea le reste. Sa fille l’engueula : “On t’avait perdue dans la mousse, Maman ! Pourquoi tu répondais pas ? C’est bizarre !”
— Je me suis endolmie... » (Chapitre « Les Boulettes », Le Bonheur, 1988, pp. 27-28)

Intégration littéraire

Portraits

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Le Bonheur, Denoël, 1988, pp. 20-21.
  2. Marc-Édouard Nabe, Alain Zannini, Éditions du Rocher, 2002, p. 254.
  3. Marc-Édouard Nabe, Alain Zannini, Éditions du Rocher, 2002, p. 345.