Marquis de Sade

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Marquis de Sade

Donatien Alphonse François de Sade, dit Marquis de Sade, est un écrivain né le 2 juin 1740 à Paris et mort le 2 décembre 1814 à Saint-Maurice.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Nabe devant Les 120 journées de Sodome, 2015

Marc-Édouard Nabe réalise des portraits du marquis à partir de 1984 et, en décembre de la même année, publie un article sur Freud dans la revue Vertiges des lettres (codirigée par Siné), où il compare le psychanalyste au marquis de Sade :

« Qui encule Freud ? Mais le marquis de Sade, voyons ! Déjà Sade jadis avait réduit d’avance les prescriptions médiocres du toubib-bouddha à débiles babas. Que peut vous apprendre Freud quand vous avez lu Les Cent Vingt journées de Sodome ? À l’école des petites truffes de terminale on leur omet pas le docteur Freud en philo ! Par contre, je n’ai jamais vu un professeur réintégrer au programme le plus grand philosophe du XVIIIe siècle. Faut-il être con pour avoir ainsi plus peur d’un marquis que d’un docteur ![1] »

En janvier 1985, Nabe lui consacre quelques pages dans son premier livre, Au régal des vermines. En août 1989, dans L’Idiot international, Nabe publie un article sous forme de saynète, parodiant une émission d’Apostrophes : « Élisabeth Badinter ou les infortunes du féministe, par le marquis de Nabe »[2]. Diffusée le 4 août 1989, l’émission était consacré à Sade, et Élisabeth Badinter y avait comparé un passage des 120 journées de Sodome aux tortures des nazis :

« Vendredi 4 août 1989. — [...] Le soir, je regarde Apostrophes, un spécial Sade pour l’abolition des privilèges. Ah ! C’est trop beau... Encore mieux que ce que j’espérais pour écrire mon article. La Badinter glaçant tout le plateau en lisant solennellement un extrait des 180 (sic ! de sic !) Journées de Sodome et disant que ça lui rappelait les tortures des nazis ; Pauvert et Lebrun (toute en satin noir, directement sortie d’un portrait de “raconteuse”) dans leur numéro d’autofélicitation névrotique et de baise verbale mal déguisée ; le gros Marseillais Raymond Jean traité comme de la merde par Pauvert ; Thibault de Sade, le descendant fin de race, ironisant, sosie du portrait apocryphe du Marquis, et Pivot, plus faussement bêta que jamais !... Du pain bénit... Les psychologies étaient à fleur de peau ! Ah ! Ça me chauffe trop ! Je vais faire le pastiche de la fin de La Philosophie dans le boudoir avec Badinter en mère d’Eugénie flagellée, punie pour avoir traité Sade de nazi et cousue par Pauvert et sa bande sous la queue avide de Pivot !... On va s’amuser...[3] »

Le 16 août, le texte de Nabe est publié dans L’Idiot international :

Après sa grotesque prestation à Apostrophes vendredi soir, seul un pastiche pouvait réparer l’affront que cette snob inculte a fait à l’œuvre de Sade et à la Littérature en général :
Bernard Pivot. — Que pensez-vous de Sade ?
Jean-Jacques Pauvert. —. Sade, c’est mon Dieu.
Annie Lebrun. — Sade, c’est l’excès.
Raymond Jean. — C’est un écrivain.
Thibault de Sade. — C’est mon pépé !
Élisabeth Badinter. — Je suis désolé, Sade est un nazi !
Thibault de Sade. — Amalgame !
Élisabeth Badinter. — Vous ne pouvez pas m’empêcher de lire Sade au premier degré.
Annie Lebrun. — Si !
Jean-Jacques Pauvert. — Déshabillons-là !
Bernard Pivot. — Ah ! Qu’elle est laide, je bande.
Élisabeth Badinter. — Vous pouvez faire de moi ce que vous vouez, je suis désolée : Sade est un nazi !
Thibault de Sade. — Taisez-vous, friponne, nous allons vous donner la leçon que vous méritez.
Raymond Jean. — Ne m’oubliez pas !
Jean-Jacques Pauvert. — Éloignez-vous vieux croûton, vous n’avez rien compris. Sade, c’est la liberté.
Élisabeth Badinter. — La Liberté c’est de pouvoir dire non.
Jean-Jacques Pauvert. — Je vais te faire passer le goût des formule ! (Il la fouette avec un martinet à aiguilles.)
Bernard Pivot. — Mais regardez ! Regardez comme je bande ! [...] [4] »

Toujours dans L’Idiot Nabe publie un encart « Sade contre Télérama » (repris dans Non) et bien sûr dans son journal intime les références à Sade abondent. Mais c’est dans sa Lettre au juge (Adieu n°2, octobre 2018) que Nabe reviendra sur les positions du marquis contre la justice de son temps.

Citations

Nabe sur Sade

  • « L’écriture infatigable de Sade est l’une des plus précieuses de la Littérature française : on attend en fait comment il va faire swinguer tout ça. C’est ce qui est excitant. C’est littérairement que Sade est bandant. » (Au régal des vermines, 2012 (1985), p. 40)
  • « La Philosophie dans le boudoir est la première œuvre de Sade à faire lire. C’est le lieu le plus frais que je connaisse : un petit jardin aux plantes carnivores soufflée par un vent de bonheur parfumé. Baises et sophismes rebondissent sur une pelouse de gaieté et de philosophie. Après lui, on peut passer à Juliette puis aux Cent vingt. Avec ça, la vie n’a plus rien à voir avec l’existence : on respire dans la musique de la liberté vraie, on roucoule de scandales... » (Nabe’s Dream, 1991, p. 232)
  • « Pasolini est un cinéaste de la Renaissance, le prolongement de l’italianité quattrocentesque dans la décadence moderne. Il suffit d’admirer sa science architectonique et les tissus de ses gros plan pour voir, persuadé, en lui le Piero della Francesca du dépotoir. Je n’ai pas vu tous ses films mais Salò était celui qui me manquait le plus. Je me souviens des cris à l’hérésie que les sadologues avaient poussèrent à sa sortie. Sadien chevronné, je ne partage pas ces pointilleux reproches, touchant à l’incertitude de la recomposition, l’impossibilité de représentation, les oublis, la minimisation, les contresens et surtout la transposition fasciste. Ils se sont tous donnés à leurs poussifs gémissements de freudiennes commères, tous ces intellectuels soixante-huitards, sadologistes pédants, confus fumeux… J’ai horreur des gloses sadiennes et des décortiquages de puceaux dissimulant leurs troubles sous des nids d’analyses… C’est encore la cohorte des sous-freudeux qui viennent en écrevisse au marquis, alors que sans Freud Sade leur devient odieusement inexplicable ou même plat et sans intérêt. C’est justement parce que je n’ai jamais eu besoin de Freud pour voir Sade que je ne reproche pas à Pasolini d’avoir eu besoin de Sade pour se voir lui-même. Pasolini a choisi Les Cent vingt journées (il aurait pu jeter son dévolu sur Juliette) parce qu’il savait d’avance que leurs réalisations étaient impossibles : il n’a pas refait Les Cent vingt journées de Sodome, pas plus que Les Mille et Une Nuits, mais il en a rendu la parfaite ambiance, il a improvisé sur un standard universel et définitif. C’est Parker chorussant sur une belle balade (Lover Man par exemple), pas plus, pas moins. » (Nabe’s Dream, 1991, pp. 228-229)
  • « Vous allez me dire qu‘il n‘y a rien de personnel dans votre décision et que vous ne faites qu‘appliquer la Loi ! Cette déresponsabilisation des juges, le marquis de Sade, autre condamné, censuré (et emprisonné) en son temps l‘avait déjà noté : “Si vous répondez comme les sots : ce n‘est pas moi qui juge, c‘est la loi, alors vous mécontentez tout le monde, alors vous ne ferez que des platitudes et vous vous rendrez insensiblement, vous et vos lois, en horreur à tout ce qui respire.” Gloire à celui qui a mis en scène, et dans de si scabreuses mais si réalistes postures, de hauts magistrats, des présidents, des juges pour montrer qu‘ils pouvaient être eux aussi empoignés par les mêmes passions qu‘ils répriment chez d‘autres !
Sade... Voilà encore ce qu‘il pensait de ses juges : “Ces sept ou huit tignasses poudrées à blanc, à qui je dois mes malheurs, revenant, l‘un de coucher avec une honnête fille qu‘il débauche, celui-ci avec la femme de son ami, cet autre s‘échappant tout honteux d‘une rue borgne, car il serait bien fâché qu‘on découvrît ce qu‘il vient de faire, celui-là d‘un taudis souvent encore bien plus infâme – il me semble, dis-je, les voir tout chargés de luxure et de crimes s‘attabler autour des pièces de mon procès, et là, le chef s‘écriant dans l‘enthousiasme du patriotisme et de l‘amour des lois.”
Et voici ce qu‘il fait dire de lui par eux au sujet de son affaire : “Comment, ventrebleu ! mes confrères, ce petit avorton qui n‘est ni président ni maître aux comptes a voulu jouir comme un conseiller de grand-chambre ? Ce petit gentilhomme campagnard a voulu s‘ingérer à croire qu‘il lui était permis de nous ressembler ? Quoi ! sans hermine et sans mortier, il s‘est fourré dans la cervelle qu‘il y avait une nature pour lui comme pour nous, comme si la nature pouvait être analysée, violée, bafouée par d‘autres que les interprètes de ses lois, et comme s‘il pouvait y avoir d‘autres lois que les nôtres ! De la prison, morbleu ! de la prison, messieurs ! Il n‘y a que cela dans le monde : oui, six ou sept ans d‘une chambre bien close à ce petit impudent-là...”
Car vous vous souvenez de “l’affaire à Marseille”, rue d‘Aubagne, où Sade avait offert des bonbons à la cantharide aphrodisiaque à des prostituées. Le 3 septembre 1772, Sade a été condamné à mort par un juge marseillais “du chef de sodomie et d‘empoisonnement sur des prostituées”, puis l‘année d‘après, ç‘a été transformé en une “admonestation” au Marquis à qui on enjoignit juste de “mettre un peu plus de décence dans sa conduite” et qui fut condamné à verser seulement 50 livres et à ne plus paraître à Marseille pendant trois ans... Je vous le dis en vérité : même les juges du parlement de Provence sous l‘Ancien Régime étaient plus cléments ! Et même, pour revenir à mon modeste cas, dans une autre affaire, le juge des référés, monsieur Rondeau, m‘a condamné, le 10 février 2017, à 1 euro symbolique à cause de mes écrits sur le plaignant, et à retirer du manuscrit d‘un livre de mille pages trois petits paragraphes. Vous mesurez la différence de traitement entre Paris et Marseille ? » (« Lettre au juge », Adieu n°2, 2018, pp. 156-157)

Intégration littéraire

Portraits

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, « Billet doux n°3 », Vertiges des lettres n°5, décembre 1984, repris en 1998 dans Oui sous le titre « La vie sans Freud ».
  2. Marc-Édouard Nabe, « Élisabeth Badinter ou les infortunes du féministe, par le marquis de Nabe », L’Idiot international n°14, 16 août 1989
  3. Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Éditions du Rocher, 2000, p. 3368.
  4. Marc-Édouard Nabe, « Élisabeth Badinter ou les infortunes du féministe, par le marquis de Nabe », L’Idiot international n°14, 16 août 1989, repris dans Non, Éditions du Rocher, 1998, pp. 84-88.