Louis Massignon

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Louis Massignon

Louis Massignon est un islamologue né le 25 juillet 1883 à Nogent-sur-Marne et mort le 31 octobre 1962 à Suresnes.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Marc-Édouard Nabe se passionne pour Louis Massignon à partir de 1988, en travaillant sur son livre sur la Turquie (Visage de Turc en pleurs, 1992). Il en communique le goût à François Angelier et François L’Yvonnet qui s’incrusteront jusque dans la famille de Massignon pour développer leurs carrières d’exégètes officiels de l’islamologue.

En septembre 1992, il publie un article dans Question de, « Et Massignon s’offrit à la chaise » :

« Massignon est là, tout entier avec son allure d’espion mystique partout en mission spéciale, chargé de transmettre les microfilms de la Vérité dans tous les coins du monde. Amant du Christ, il répond, pour Lui, de toutes les trahisons imaginables. Doux comme un ange, pointu comme la pointe de l’épingle sur laquelle on ne sait jamais exactement combien on peut en mettre. La face ensablée par la poussière des travaux, le regard d’une petite fille martyrisée, Massignon portait quelque chose de plus que lui-même, quelque chose de lourd, obtenu à la force de l’âme sans avoir rien demandé : la Grâce.[1] »

Le même mois, Nabe publie chez Gallimard, dans la collection « L’Infini » (dirigée par Philippe Sollers), Visage de Turc en pleurs, et dans lequel il évoque Massignon :

« De La Salette à Bagdad, Massignon a recherché les témoins de Dieu par la douleur du super-Amour. Que ce soit Marie-Antoinette ou Gandhi : les mystiques en sang sont-ils les seuls signes de l’éternité dans le temps ? Peu importe que ces figures apotropéennes appartiennent au christianisme ou pas. J’ai toujours admiré les explorateurs de zone douteuse, les trifouilleurs de frontières. Il y a en effet une électivité spirituelle entre le christianisme et l’islam, Hallâj en fera la fatale expérience. Massignon aussi.[2] »

Il en fait de même en 2003, dans son roman sur la guerre américaine en Irak, Printemps de feu :

« Très simple boîte recouverte d’un tissu vert en feutrine avec des inscriptions dorées sur tout le tour : voici le cercueil de Hussein Mansour al-Hallâj : je rêve ! Au mur, quelques photos de la Kaaba de La Mecque, mais aucune du professeur Massignon... Pourtant, Hallâj lui doit tout. Comment ne pas y penser, ici et maintenant ?
Mon cher Massignon a poussé l’humilité jusqu’à ne laisser aucune trace de ses incessants passages ici, alors que sans lui, Mansur al-Hallâj, figure cruciale de l’islam, serait inconnu. Des types comme Massignon, il y en a un tous les mille ans. Qui serait encore capable de consacrer toute sa vie à un poète persan martyrisé au Xe siècle ?... Plus assez de foi en soi pour ça. Un massignonien ne pouvait pas ne pas venir ici, un jour ou l’autre.[3] »

Massignon, avec Jean Genet, fait partie de ces penseurs du monde arabe qui ont préparé Nabe à mieux comprendre et à pouvoir analyser en profondeur et en vérité tout ce qui s’est passé dans l’actualité depuis le 11-Septembre. Sans eux, entre autres, pas de Lueur d’espoir ni de Printemps de feu ni de J’enfonce le clou ni de Patience, ni de Porcs.

Citations

  • « Et puis sur la Palestine ! Là, Massignon explose d’intelligence offensive... Dès 1948, il relie Gandhi, toujours, à la soif de justice surhumaine qui explique la guerre en Terre sainte ! Les Israéliens ne sont pas assez gandhistes, l’ONU pas assez spirituelle et charitable, les colons de Nazareth ne respectent pas assez l’authenticité abrahamique de l’islam ni celle de la chrétienté. C’est le matérialisme et le mépris de l’eschatologie qui font de Massignon un anti sioniste terrifiant. L’originalité de la pensée sémitique se perd dans l’exploitation politique du colonialisme israélien. “Le salut du monde dépend de plus en plus d’Israël, du caractère qu’il imprime à son retour au pays ; il n’y pourra rester que s’il accepte, avec un contrôle international suprême, d’y vivre à égalité, avec les musulmans et avec les chrétiens qui sont tous nés natifs de Nazareth, de par le fiat de l’Annonciation...” (1948) La Terre sainte est pour lui le paradis des personnes déplacées qui pourraient venir de partout, la patrie des apatrides, pas seulement des Juifs. Un lieu saint supranational pour brebis galeuses. C’est le même respect idéal de l’hospitalité sacrée qui pousse Massignon à défendre l’Algérie avec la même force dans les années 60. Le tome III regorge de passages que Vergès, Siné ou Jean Genet auraient pu faire claquer au vent de l’époque comme des drapeaux. Un mystique comme Massignon n’a attendu personne pour faire de l’anticolonialisme militant et attaquer le cynisme administratif des pieds-noirs... » (Kamikaze, 2000, pp. 3664-3665)

Intégration littéraire

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, « Et Massignon s’offrit à la chaise », Question de n°90, Albin Michel, 1992.
  2. Marc-Édouard Nabe, Visage de Turc en pleurs, Gallimard, coll. L’Infini, 1992, pp. 103-104.
  3. Marc-Édouard Nabe, Printemps de feu, Éditions du Rocher, 2003, pp. 157-158.