Henri-Georges Clouzot

Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Henri-Georges Clouzot

Henri-Georges Clouzot est un réalisateur, scénariste et dialoguiste né le 20 novembre 1907 à Niort et mort le 12 janvier 1977 à Paris.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Henri-Georges Clouzot est l’un des réalisateurs français préférés de Marc-Édouard Nabe. Il l’a découvert par L’Assassin habite au 21, Miquette et sa mère, Les Espions (affiche, Siné...) La Vérité avec Brigitte Bardot (dont il parlera avec l’actrice). Et bien sûr Le Mystère Picasso, 1955, dont il est inutile de préciser ici ce qu’il apporta comme jubilation et enseignement sur le cinéma, la peinture et deux maîtres les pratiquant à ce niveau, au jeune Nabe. Clouzot apparaîtra çà et là dans le Journal de Nabe, mais c’est dans L’Imbécile de Paris de Frédéric Pajak (« Tout est mis en scène chez toi, tu es le Clouzot de la vie ![1] ») qu’il écrira un long texte général sur l’auteur du Corbeau à l’occasion d’une rétrospective intégrale de Clouzot à Paris en 1991, et dans laquelle il découvrira un court métrage méconnu, Retour de Jean (le meilleur film sur la Résistance et la Collaboration selon lui).

L’enthousiasme de Nabe pour Clouzot donna l’idée à Alain Kruger, alors directeur du magazine de cinéma Première, d’envoyer Nabe chez la veuve du metteur en scène pour écrire un long article sur le film inachevé de son mari : L’Enfer, avec Romy Schneider. En 1994, bien avant que les rushes du film soient diffusés et commercialisés, ce fut Nabe qui vit, un des premiers, les images retrouvées. Comme avec pas mal de veuves de grands artistes, Marc-Édouard Nabe s’entendit très bien avec Inès qui le reçut dans l’appartement même de Clouzot et lui confia bien des anecdotes...

Clouzot et sa dernière femme, Inès

Citations

Nabe sur Clouzot

  • « Un jour, à la fin de cet art typiquement XXe siècle, on comptera sur les doigts d’une main ceux qui se sont vraiment servis d’une caméra pour inventer un autre monde. Celui de Henri-Georges Clouzot apparaîtra alors comme l’un des plus cohérents, bien fermé sur sa propre richesse de sons, de signes, de codes. Chaque film est solidement construit sur un système de convention très personnelles. On appelle ça un style. Clouzot multiplie ses propres clichés saignement adaptés à ses intrigues cauchemardesques jusqu’à ce que tout devienne du Clouzot, dans les moindres détails : des bribes de dialogues apparemment sans importance aux coups de théâtre (ou plutôt coups de cinéma) qui entraînent le spectateur au paroxysme de la jouissance nerveuse. Et tout ça sans hitchcockerie téléphonée. Clouzot ne fait que traverser le genre policier, en le salissant de préférence. Lui, il disait qu’il faisait des “comédies de meurtres”.
Plus on en voit, plus on se régale. Je ne demande pas à tout le monde d’être inconditionnel de Clouzot comme moi, mais je mets au défi quiconque a vu Le Salaire de la peur ou La Vérité de les oublier. Il y a des images qui ne passent pas. Charles Vanel empoissé dans le pétrole, Pierre Fresnay en flic-curé chestertonien, Paul Meurisse noyé dans sa baignoire, Véra Clouzot se débattant au milieu des plumes de son oreiller comme un ange fou, ou Picasso torse nu, dans le noir, peignant.
En effet, Henri-Georges Clouzot est un virtuose, mais un virtuose de l’émotion. Il la lance en l’air, l’effraie, joue à cache-cache avec elle, l’humilie, la séduit, la violente, la retourne et pour finir la baise. Car Clouzot est un grand baiseur de l’émotion : c’est son vice. » (« Clouzot est un génie », L’Imbécile de Paris n°3, 5 octobre 1991)
  • « Clouzot a l’oreille absolue. Pour un musicien, c’est un avantage considérable ; pour un mélomane, c’est l’enfer. Il peut apprendre par coeur le Requiem de Verdi en trois jours, mais le moindre coup de marteau un peu trop fort le cloue sur place. Selon l’intention de sa jalousie, le spectateur entendra la voix intérieure de Marcel sur plusieurs registres entremêlés. Tout ça sur fond de musique concrète particulièrement harmonisée à des effets d’optiques biscornus. Visuellement, le film ne sera pas moins angoissant. Des héros de Kafka projetés dans un décor de Vasarely ! Clouzot est un cinéaste cinétique. Comme le précédent Mystère Picasso et La Prisonnière suivante, L’Enfer sera un film sur la peinture. À chaque image-choc, on passe du noir et blanc de la vie “normale” aux couleurs kaléidoscopiques de la “paranoïa”. Une locomotive pousse un cri strident, et on voit Odette étranglée dans du papier-bonbon ; on voit le visage de Marcel qui s’étire comme un paysage ; on voit l’eau du lac devenir rouge sang sous le coup de la colère… Les gros plans seront lourds de conséquence sur le pauvre esprit du mari détraqué. Clouzot est capable de photographier un sac en crocodile jusqu’a ce qu’il se retransforme en crocodile pour bouffer tout entière celle qui se risque à fouiller dedans. » (« La vérité sur L’Enfer », Première, mars 1994)
  • « Clouzot est un vrai méchant, c’est-à-dire quelqu’un qui va au fond des choses sans craindre de se salir. Il va chercher la Vérité au fond du puits, et il la remontre, nue, pleine de vase, cadavérisée, pour lui faire du bouche-à-bouche… La vérité, c’est une transgression. Quand on touche à ça, tout se renverse. Rien n’est plus noble, rien n’est plus propre, rien n’est plus sain, et celui qui cherche et finit par trouver la vérité est immédiatement désigné par tous les menteurs du monde comme un ignoble, un sale, un malsain. Le mal est son sujet, Clouzot est le roi du mal. Les intellectuels qui ne considèrent pas Clouzot aussi important dans ce domaine que Jean Genet ou Georges Bataille sont à plaindre. » (« Clouzot est un génie », L’Imbécile de Paris n°3, 5 octobre 1991)
  • « Pour bien comprendre un artiste, il faut le prendre à l’envers. En 1968, H.-G. Clouzot tourne son ultime film : La Prisonnière. Tous ses films précédents y sont. Et pourtant on est loin de la grisaille, de la flicaille, de la racaille angoissantes du Corbeau ou du suspense sordide et des dépravations dégueulasses des Diaboliques. Les gloseurs s’usent vite à vouloir rattraper un styliste. Ceux qui croyaient Clouzot confiné dans un cinéma éternellement d’après-guerre, vieillot et noirâtre, ont dû se surprendre eux-mêmes de découvrir avec La Prisonnière un film plus nouvelle vague que la nouvelle vague, tout en couleurs superbes, plus subtil et mieux monté que les meilleurs godardages du temps. [...] Relégué par les grotesques staliniens des Cahiers du cinéma dans un goulag de papas ringards et douteux, Clouzot montre qu’il a tout compris des “modernes”, et selon l’imparable technique de son ami Picasso, il masque les jeunots sur leur propre terrain. La Prisonnière rajoute ce qui, décidément, manque à Une femme mariée de Godard. Tout ce que le jeune Suisse protestant cherchait, le vieux Français catholique l’a trouvé. On pâlit devant certains plans. Il y a là-dedans des trouvailles visuelles et une utilisation critique de l’univers inepte du pop art et de son époque qui annoncent les manipulations esthétiques de la pub et du clip par les cinéastes pour adolescents aujourd’hui. Tout ça plus ce qu’aucun d’eux n’aura jamais parce qu’ils la méprisent trop : la psychologie ! La si négligée psychologie cruciale à tout art ! Haïe, à juste titre, à cause du romantisme lourdingue attaché aux noms des pires vieillards de la littérature du XIXe, la psychologie était foutue si de vrais artistes n’avaient su la régénérer. Clouzot est l’un de ceux-là. Son intelligence psychologique très soignée fait de tous ses films des symphonies de sentiments jouées par des personnages instrumentaux, symphonies qui montent de plan en plan jusqu’à la tension suprême où tout ce qu’on a ressenti se confirme sur la cime irrespirable d’un drame à hauts risques. Clouzot a une conception de chef d’orchestre. C’est le Karajan du cinéma. » (« Clouzot est un génie », L’Imbécile de Paris n°3, 5 octobre 1991)
  • « L’Assassin habite au 21 (si glauque, si drôle). Le Corbeau (immense). Quai des Orfèvres (parfait). Manon (c’est pas beau ?). Miquette et sa mère (je ne vois pas en quoi c’est raté). Le Salaire de la peur (à tomber par terre). Les Diaboliques (s’il n’y en avait pas d’autres aussi bons, ce serait le meilleur). Le Mystère Picasso (j’envie ceux qui ne l’ont pas encore jamais vu). Les Espions (totalement inoubliable). La Vérité (toujours très vrai). La Prisonnière (insoutenablement génial). Quelqu’un qui n’a fait que des chefs-d’œuvres, vous appelez ça comment ? » (« Clouzot est un génie », L’Imbécile de Paris n°3, 5 octobre 1991)

Intégration littéraire

Notes et références