Glauque Story

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Glauque Story est un texte de Marc-Édouard Nabe sur l’affaire Bertrand Cantat publié dans le premier numéro de La Vérité en novembre 2003.

La scène se passe à Vilnius (en Lituanie), à l‘hôtel Domina Plaza, chambre 35. Il est minuit, ce 27 juillet 2003, Bertrand et Marie viennent de rentrer...

BERTRAND, s’affalant sur un fauteuil rouge. — Putain !
MARIE. — Pardon ?
BERTRAND.— Mais non ! Ce n‘est pas à toi que je m‘adresse... Qu‘est-ce que tu peux être susceptible ! Tu prends tout pour toi...
MARIE. — Excuse-moi, je suis dans mes mauvais jours...
BERTRAND. — Fume un pétard.
MARIE. — Je ne fais que ça depuis ce matin ! J‘ai l‘impression d‘être dans le coma.
BERTRAND. — Au fait, t‘as les amphét‘ ?
MARIE. — Lesquelles ? Celles que notre dealer nous a vendues tout à l‘heure ou bien celles que tu as apportées de Paris ?
BERTRAND. — Les nouvelles, voyons ! Tu sais bien que les autres, je n‘en ai plus... Avec ce que tu t‘avales depuis que je suis venu te rejoindre dans ce trou à rats !
MARIE. — D‘abord, je ne t‘ai jamais forcé à venir, mon amour ! Ensuite, je te ferai remarquer que tu en consommes au moins autant que moi...
BERTRAND. — Oh, ta gueule !
MARIE. — Qu‘est-ce que tu as ce soir, mon amour ? Tu as trop bu de vodka...
BERTRAND. — Il faut bien que je boive pour oublier.
MARIE. — Oublier quoi ?
BERTRAND. — Mais toute ta smala, tout ton cinéma... Si tu crois que c‘est facile pour un rocker de s‘intégrer dans ce milieu d‘hystéros...
MARIE. — Et tes copains musiciens, ils sont la fine fleur de la civilisation, peut-être ? De gros abrutis incultes qui gueulent n‘importe quoi et qui se prennent pour des « chanteurs »... Tu as bien fait d‘appeler ton groupe Noir désir, parce que Grise matière, ça n‘aurait pas été possible !
BERTRAND. — Nous, au moins, on vend des millions d‘albums, on est les phares de toute une génération. On est une conscience politique en lutte...
MARIE. — Parlons-en de tes combats, mon amour ! Pour les Sans-Papiers, contre Le Pen, contre Messier. Pour José Bové et les Palestiniens. Contre la guerre en Irak... C‘est tellement facile. Ah ! Pour avoir une bonne image de « pur » hors-système tout en étant dedans, qu‘est-ce que qu‘on ne ferait pas !
BERTRAND. — Je tiens à ma légende comme toi à la tienne... Tu n‘es pas plus « douce » que je ne suis « dur »...
MARIE. — Arrête de foutre des coups de boule à notre mythe !
BERTRAND. — Je me sens de moins en moins moi-même avec toi....
MARIE. — Rentre chez ta Hongroise si tu n‘es pas content !
BERTRAND. — Tu es jalouse !
MARIE. — Quelquefois, je me dégoûte... Et si on se suicidait tous les deux ? Là, maintenant ! Ce serait une fin romantique pour deux amants rebelles comme nous, non ?...
BERTRAND. — Je sais bien que je suis une merde, mais pas au point de foutre ma vie en l ‘air !
MARIE. — Quel lâche ! C‘est ça, le leader du plus grand groupe de rock français ? Une tantouze avec des bagouzes, oui !
BERTRAND. — Et toi, tu t‘es vue ?... Avec tes yeux de veau myope, ta voix rauque... Tes airs pseudo-mystérieux... Tu te prends quand même pas pour une star ! Tu ne fais aucune « entrée »...
MARIE. — Ce n‘est pas un crime !
BERTRAND. — Tu es l‘actrice intello dans toute son horreur... Tu n‘es pas Emmanuelle Béart, ni Sophie Marceau ! Tu ne seras jamais que la fifille à ton papa...
MARIE. — Touche pas à Papa !
BERTRAND. — Trintignangnan ?...
MARIE. — Il s‘est quand même tapé Brigitte Bardot !
BERTRAND. — Peut-être mais avec toi, il est au bord de l‘inceste, c‘est pas possible ! Moi, j‘étouffe. Entre ton père, ta mère, ton frère, ton fils... On dirait que tu vis en permanence sous perfusion de parents ! J‘ai l‘impression de baiser avec toute ta famille... En plus, faire un téléfilm sur Colette avec toi, c‘est idiot...Tu n‘as rien de Colette. C‘était une femme bien...
MARIE. — Moi aussi, je suis une femme « bien ». Je suis féministe !
BERTRAND. — Casser un ménage vieux de dix ans au moment où la femme vient d‘accoucher, c‘est féministe ça ?
MARIE. — C‘est l‘Amour ! La Passion ! La Fusion ! La Foudre !
BERTRAND. — Bof...
MARIE. — Tu ne comprends rien à l‘Amour, mon amour...
BERTRAND. — Arrête de m‘appeler ton « amour »... Tu n‘en penses pas un mot !
MARIE. — C‘est faux, je t‘aime beaucoup, Bertrand...
BERTRAND. — Y a pas que moi que tu aimes beaucoup ! Tous tes ex mecs, il faut que je les supporte encore. Ton portable n‘arrête pas de sonner...
MARIE, sortant son portable. — C‘est Sam !
BERTRAND. — Tu vois !
MARIE. — Il m‘envoie un texto, ce que c‘est mignon ! Regarde : « Bisous »...
BERTRAND. — « Bisous » ? De quoi il se mêle, ce pourri ? Je croyais qu‘il n‘y avait plus rien entre vous ?
MARIE. — Mais c‘est gentil, juste un bisou..
BERTRAND, lui filant une gifle. — Et ça, c‘est juste un bisou ?
MARIE. — Aïe ! Salaud ! Je le dirai à ma mère...
BERTRAND. — Je l‘encule, ta mère !
MARIE. — Retire ça !
BERTRAND. — Pas question. Si tu savais comment elle me fait chier ta mère avec ses grands airs de réalisatrice ratée. Une vraie conne, et méchante en plus !
MARIE, lui envoyant un coup de pied dans les testicules. — Touche pas à Maman !
BERTRAND, la poursuivant dans la chambre. — Aïe, salope ! Tu vas voir !
MARIE, renversant une lampe. — Attrape-moi !
BERTRAND, parvenant à la coincer, puis la jetant avec mépris contre le radiateur. — Dire que j‘ai quitté ma femme et mes gosses pour ça !
MARIE, se relevant. — Arrête ! Tu m‘excites!
BERTRAND. — Moi, il n‘y a qu‘une chose qui m‘excite, tu sais bien. Notre jeu...
MARIE. — Encore ?
BERTRAND, soudain plaintif. — Oui, s‘il te plaît, Marie...
MARIE, prenant entre ses doigts le menton de son amant. — Bon, d‘accord...
BERTRAND, chantonnant en souriant. — « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier qui rira aura une tapette ! »...
MARIE, le giflant. — Tu as ri ! C‘est toi !
BERTRAND. — D‘accord... « Je te tiens, tu me tiens par la barbi... »
MARIE, le regiflant. — Tu as ri !
BERTRAND. — Aïe ! Tu m‘as fait mal...
MARIE. — Chochotte ! J‘ai à peine frappé!...
BERTRAND. — Encore ! « Je te tiens, tu me... »
MARIE, le giflant encore. — Tu as ri !
BERTRAND. — Merde ! Marie ! Tu frappes trop fort. Regarde, j‘ai la joue toute rouge ! Arrête, tu vas me faire jouir !
MARIE, riant. — Tapette ! Tous les mêmes !
BERTRAND, la giflant violemment. — Cette fois, c‘est toi qui a ri, Marie !
MARIE, saignant un peu du nez. — Encore !
BERTRAND. — Non, ça suffit !
MARIE. — Vas-y. Encore une gifle, mon amour, la dernière !
BERTRAND. — La dernière, alors !
MARIE, riant aux éclats. — J‘ai ri ! J‘ai perdu... Je t‘aime !
BERTRAND, lui envoyant si fort un coup de poing en plein visage que Marie tombe, et cette fois ne se relève pas. — Voilà, tu as gagné ! Tu es contente maintenant ?

RIDEAU