Gen Paul

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Gen Paul

Eugène Paul, dit Gen Paul, est un peintre né 2 juillet 1895 et mort le 30 avril 1975.

Liens avec Marc-Édouard Nabe

Zanini par Gen Paul

Dans les années 1970, Gen Paul réalise, en le voyant à la télévision un portrait de Marcel Zannini, père de Marc-Édouard Nabe. C'est d'abord dans sa peinture que Marc-Édouard Nabe exprime son admiration pour Gen Paul, avant de l'intégrer dans sa littérature. En 1986, il rédige le texte « La jambe », qui est préface du livre de Carlo A. Marca, Gen Paul. Et bien sûr à cause de son amitié avec Louis-Ferdinand Céline, le peintre est présent dans les quatre tomes du journal intime, mais aussi dans Lucette (1995) :

« Serge entraîna Jean-François chez “Gégène”. Juste en face. Au 2, avenue Junot. C’était une maison d’ouvrier mal blanchie, avec courette et grille d’entrée. Jadis, elle faisait maisonnette de village, à la Vlaminck, puis elle s’était peu à peu utrillosée avec le temps. Au rez-de-chaussée, on tombait sur l’atelier du peintre...
— Là ! dit Serge en collant la tête de “Stèv” contre la vitre.
Oui, c’était là que tout se passait. L’anti-existentialsme avant la lettre et le néant ! Le contre-salon mondain des années 30-40 ! Ici, les dimanches matin, une poignée de véritables artistes détruisaient le monde que les couillons de la rive gauche croyaient refaire le samedi soir dans les leurs cafés à la mode.
Aujourd’hui, dans ce petit atelier vide, il ne restait qu’un chevalet de guingois et une palette-guéridon sur laquelle Gen Paul avait dû tripatouiller bien des pâtes ! Ce guéridon, énorme cratère encroûté par mille moussakas coagulées de couleurs compactes, était le seul vestige des cataclysmes expressionnistes. Un météore multicolore tombé d’une planète inconnue. La sienne étant devenue trop lourde, Gen Paul usait de tout comme palette : murs, fenêtres, chaises, tables, fauteuils... Les visiteurs eux-mêmes repartaient couverts de peinture. Gen Paul les “repeignait”. Quand ils prenaient congé, ils semblaient sortir d’un de ses tableaux plutôt que de son atelier.
Serge raconta à Stévenin qu’il avait dormi là, caché par Gen Paul, pendant trois semaines en 44 pour échapper au STO, au milieu des clowns dégoulinants, des violonistes gicleurs, des cyclistes hystériques : ça lui faisait peur la nuit, avec les lumières des phares qui passaient dehors et qui venaient éclairer ces monstres encore humides... Serge l’a vu vivre : pour Gen Paul, vivre c’était d’abord peindre, debout, avançant et reculant de sa toile au fond de l’atelier, comme la marée monte et descend, pinceau au clair... Clopinant-clopantant avec sa jambe de bois pour mieux voir concrètement de loin ce qui semblait si abstrait de près. Personne n’a jamais placé, dans un portrait ou dans un paysage, avec autant de précision et de violence à la fois, une roue de vélo, la bretelle d’un accordéon, deux doigts sur un manche de guitare, une narine... Ce n’était plus de la peinture, c’était de la boxe, et de la meilleure, de la boxe dansée.[1] »

Citations

Nabe sur Gen Paul

  • « Gen Paul fut une fleur que Céline butina, une fleur carnivore où le rapace trouva son fiel. Gen Paul, c'est la partie immergée de Mort à Crédit. Il fallait ce mur contre lequel Louis le Grand essayait son clairon. Un Mur muet pour lui renvoyer le son. Les céliniens n'aiment pas Gen Paul : ils prennent pour argent comptant la désillusion de Céline et le lâchage de “Caliban” : c'est ne pas saisir tout ce qu'il y avait d'inal­térable, au-delà des griefs et des brouilles, dans cette amitié magique, féconde, tumultueuse, perverse. Maman Soutine et Papa Gen Paul : on a tous vécu sous ces platanes. Il faudra bien un jour analyser ce qu'il y a de commun et de différent dans les peintures de ces deux parents. Tout ce qui sépare Rembrandt de Velasquez, et tout ce qui les dessert au même étage. Peut-être du côté de l'Espagne, dans ce coin bouillant du monde où les ferments cuisent sous le couvert des taureaux racés. Heber, Iber : ce qu'il y a de juif en Espagne a influencé la peinture de Gen Paul comme ce qu'il y a de français en Chardin s'est coagulé au pinceau de Soutine. Je crois me souvenir qu'il arrivait à Gen Paul de commencer les toiles de Soutine. Il les lui composait en deux coups de cuillère, qu'on en finisse, ça allait plus vite que de lui apprendre à dessiner. Jambe de Gen Paul, Soutine n'oubliait jamais de me caresser en repartant : ça lui portait bonheur, disait-il la main truffée d'échardes. » (« La jambe », préface à Gen Paul, 1986)

Intégration littéraire

Paysages

Notes et références

  1. Marc-Édouard Nabe, Lucette, Gallimard, 1995, pp. 261-262.