Encore moins noir !

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Encore moins noir ! est une étude signée « Olaf », intialement publiée en avril 2009 sur alainzannini.com, et portant sur le huitième tract de Marc-Édouard Nabe, Enfin nègre !.

« Vu ce qu’est devenu le monde, j’estime qu’aujourd’hui ce qui est révolutionnaire, c’est de continuer à dire ce qu’on disait il y a vingt ans. »
Le Vingt-septième Livre

A peine le dernier tract de Nabe est-il entre les mains de ses lecteurs que naissent sur leurs visages toutes les pâleurs du désarroi. Trente minutes ! C’est le temps qu’il leur faut avant qu’ils s’alpaguent sur le thème du racisme et son négatif anti- ou qu’ils trouvent une différence de ton si dérangeante qu’ils se demandent s’ils sont en train de lire le bon auteur ! Impossible ! Nabe ne banderait pas ? Pour une fois que tous aspergent tout le monde de leur semence rapide, c’est forcément un autre ! D’autres auto-intronisés « colleurs de tracts » essaient de faire monter la mayonnaise. Ce tract sent le souffre ! C’est un défi, un test… l’épreuve !... Alors même que le monde entier est passé en quelques semaines du Priape « négrophile » au boudin pas très clair, le courage (!) affiché par les réactifs sanguins et candides alarmés parait déjà bien terne. Au milieu, les mielleux chipoteurs papotent avec très peu d’entrain sur la « mollesse » et puis sur la « posture » de leur écrivain décevant et favori. Qu’a donc Marc-Édouard Nabe ? Et pourquoi, après tant d’années d’enthousiasme ravageur et de détestation farouche, le voilà sans extase devant l’élection du premier président Noir des Etats-Unis d’Amérique ?
Il y a pourtant de quoi ranger sa trique quand on s’est cassé le cul… L’appel de l’auteur au lecteur, ce n’est certainement pas pour vérifier s’il est prêt à braver toutes les hostilités urbaines pour coller sur les murs des villes un texte prétendument suicidaire. Non ! S’il y’a une perche tendue, c’est sur la mise en perspective qui seule permet de comprendre. On ne pouvait pas mieux dire sans le dire : « Lisez-moi au lieu de parler dans le vide, vous verrez que je ne jouis pas parce qu’un jour je m’y suis laissé tomber ».
Il n’y a aucune honte à bouder l’ode internationale à Barack Obama, surtout quand on fut l’un des seuls à rejoindre Harlem dans sa liesse pour l’élection du premier maire Noir de l’histoire de New York, en novembre 1989. C’est dans L’Idiot International que Nabe laisse éclater sa joie. Toujours plus noir ! Enfin ! Ce n’est pas le premier à ravir le poste de maire aux Etats-Unis (un certain Washington prit Chicago en 1983) mais du moins celui-là obtenait New York, capitale du Monde Occidental et future Grande Babylone où Nabe fut conçu. Dans ce texte, repris dans Non (à l’Amérique Blanche bien sûr), il voit un facteur d’espérance pour l’Amérique Noire ; range tous ses doutes de fanatique pour enfin exulter d’extase. Peu importe si le maire de New York est un Noir qui s’est dilué pour accéder au poste, c’est un premier pas en avant : celui de la Victoire des Nègres sur les Blancs. Vingt ans avant Enfin Nègre !, Nabe est du côté des superlatifs de la victoire : l’accession de David Dinkins est ce jour là plus importante que l’écroulement du mur de Berlin, alors si proche. Enfin Nègre ! fait revenir ce cri comme un écho : cette fois-ci ce sont toutes les couleurs du Monde qui explosent en larmes, éclatent de joie et voient l’élection de Barack Obama comme la consécration suprême dépassant tous les autres évènements. Nabe préfère tacler le poste acquis par l’Américain.
L’élection de Dinkins par rapport à celle d’Obama, c’est une avancée pour deux reculs. Si l’idéologie qu’incarne le président nouveau est le blanchiment de l’Amérique par un Noir, c’est parce que son pays est aussi incapable d’avouer ses erreurs que de les comprendre et d’en retenir les leçons. Comme dans le fantasme d’un enfant fautif, le seul moyen de conjurer l’ineffaçable est de retourner dans le temps pour agir autrement. C’est un film passé au ralenti et en arrière : on voit les mouvements se refaire à l’envers, en plus visibles. Bush est passé par l’Afghanistan pour envahir l’Irak, et le retrait des troupes annoncé par Obama ne servira qu’à les faire retourner en terre afghane. Au même moment, c’est l’icône symbolique du mal qui revient à l’affiche : comme au lendemain de l’effondrement des tours, le but affiché par les U.S. est toujours de capturer Ben Laden. Cet abruti d’Hawaïen en est resté là dit Nabe, mais il pourrait aussi bien dire qu’il y revient ! La voix du nouveau président sur la rengaine Bushiste réveille le discours suranné dans les oreilles lassées. Les années Bush vont s’effacer pour tout refaire plus discrètement pendant qu’Obama éblouira le monde de son sourire. C’est le truc de Mandrake de ce Barack : faire dévier les regards qui ne verront que du feu dans l’embrasement U.S. Sans s’en apercevoir, c’est Philippe Val qui en France prophétise : Avec Obama, c’est le XXIe siècle qui commence, ce qui veut dire : « Avec Obama, nous allons pouvoir réécrire le début du XXIe siècle ». Pour raboter le trop visible inacceptable, la machine à voyager dans le temps qu’est Obama va se charger de corriger l’Histoire.
Enfin Nègre !
Toujours plus noir

Avec Enfin Nègre ! Nabe révèle la caricature blafarde qu’est l’accession d’Obama face à ce qu’incarnerait la victoire d’un vrai Noir : Comment croire en un Noir Américain qui se fout du jazz et qui est incapable d’en ressentir le swing ? Son espérance en 89, c’était : un jour, le président des USA sera noir, et je l’espère très noir ! C’était aux Noirs de s’y mettre, en extrayant de l’Amérique la substance essentielle de ce qu’elle a donné de mieux : le Jazz. Nabe espérait en Dinkins une fissure dans l’Amérique blanchâtre, un Oncle Tom déguisé en Oncle Sam pour exciser la Déesse Usure. Mais en se laissant tomber dans un fauteuil d’espoir, il n’a fait que se heurter au sol : si en 89, grâce aux Noirs s’esquissait l’espérance de redécouvrir l’Amérique, trois ans plus tard dans Petits Riens sur presque tout, il la verrait bien recouverte. Il faut dire que depuis, Dinkins a lamentablement planté son mandat : rien d’autre qu’un chaos informe n’est né de son élection, si ce n’est le plateau d’argent offert au plus Blanc que Blanc Giuliani, et l’occasion d’appliquer l’expérimentation d’un programme de tolérance zéro sur la ville, parfaite esquisse du futur Bush et de la guerre contre le terrorisme. La victoire d’Obama qui suit est l’idéale fusion d’une illusion démagogique et d’un ultralibéralisme d’époque.
Le pétard mouillé David Dinkins n’était déjà pas bien noir, mais Obama, s’il est enfin nègre, est encore moins noir ! A une époque où le spectaculaire est arrivé à sa maturation, il n’est plus nécessaire de s’épuiser dans trop d’efforts pour endormir le Monde. Quelques artifices permettent d’établir le symbole, et créer le concept revient à imposer son existence. C’est là tout le génie de notre civilisation mourante. Sans la moindre racine Nègre, il était évidemment impossible de ne pas reculer une fois de plus dans l’espérance placée par Nabe dans le vrai Noir Américain : au lieu d’exciser la Déesse Usure, Obama en est le pantin qui tapine autour d’Oncle Sam pour lui prendre la main alors que c’était sa place qu’il fallait prendre ! Mais le Kenyan de sang mêlé au presque anagramme Yankee a lacaniennement pris les commandes de sa machine obamaniaque.
Si Nabe exhume les racines familiales d’Obama, ce n’est pas gratuitement comme on a pu l’entendre, c’est pour expliquer pourquoi il correspond parfaitement à ce dont les Etats-Unis avaient besoin pour donner l’illusion au monde de leur rachat. Le nouveau Messie américain est un pur produit du plus complexe complexe de métissage. Parti de nulle part et se répétant tous les jours Yes I Can, il lui fallait porter le lourd fardeau de (ré)conciliation entre ses deux familles, quitte à porter le poids des contradictions refoulées par l’acceptation du compromis. Son origine Kenyane (un des rares pays d’Afrique qui ne présente aucune espèce d’intérêt) en dit beaucoup sur la méthode. En collaborant avec les U.S.A. contre l’islamisme Somalien, l’ex-colonie anglaise s’est adoubée valet américain d’Afrique comme la France Sarkozyste s’est renforcée valet américain d’Europe. Pourquoi, sinon, dire que la Centrafrique est encore pire ? Le valet du valet, vous pensez bien… Les comparaisons d’avec les collabeurs et collablacks sont tout sauf anodines : Enfin Nègre !, ou comment le pas nègre refoule son origine Noire au plus profond de lui pour devenir aussi américain qu’esclave... De Noir, ne reste à Obama que l’apparence…
La fin du XXe siècle a tant laissé dans les esprits l’image d’une Histoire accomplie que lorsqu’elle court devant leurs yeux, ils passent à côté sans la voir. Pour compenser l’absence, l’occidental préfère s’en créer une qui lui ressemble : en 2009, celui qui ne va pas bien sans en connaître la raison se rassure comme il peut en bricolant des rêves pour un bonheur virtuel qui ne demande aucun effort. La course au spectacle est devenue primordiale face à la course de la Vie. Dans un monde de confort où le réel se constitue de canapés branchés sur satellite et de fauteuils surconnectés, il n’est plus besoin ni de causes, ni d’idées, ni de luttes, puisque la souffrance de la Vie s’est substituée à la souffrance d’inanition. Rien n’est plus éloigné d’un homme vivant qu’un homme relié, qui ne peut dès lors plus saisir autrement que par concept la valeur du mot « nègre » ou celle du mot « esclave ». Par glissement sémantique, les mots sont devenus des fourre-tout très pratiques où toute communication ne donne que l’illusion de se comprendre : « La Crise », « Le Pouvoir d’Achat », « L’Insécurité » sont les nouveaux Dieux de notre époque comme le sont les nouvelles stars de la musique : tout a été vidé de son contenu. La sensation de faim perdure, et pousse à en vouloir encore et se gaver de récipients remplis de rien. « Le premier président Noir Américain » rejoint les autres Dieux dans la boîte à Kleenex remplie de jour en jour par la Déesse Usure de 1989 et le Dieu Trust d’aujourd’hui.
Voilà pourquoi le monde accepte sans broncher l’intronisation de ce président d’or en plaqué Noir. C’est une mécanique à double effet : la simplification opérée par l’éradication du sens au profit du symbole permet d’adapter le décor sans modifier aucune structure. Comme dans un magasin qui pare et déplace les rayons pendant les fêtes, l’observateur-consommateur noyé dans ses repères oublie que le contenu est identique. Désormais, il n’y a plus qu’à claquer des doigts pour combler l’illusoire fantasme de construction d’Histoire ! Mais le plus impressionnant, c’est la préservation des tabous impliqués dans le changement. Le racisme historique américain avait tous les prétextes pour exclure les Noirs de leur champ politique, mais le concept « Noir » intégré au système par les racistes mêmes leur permet d’accuser de racisme ceux qui tenteraient de dénoncer ce qui a la couleur et la forme sans la saveur ni le parfum. Les Noirs restent à la porte pendant que les racistes ont dévié les regards accusateurs maintenant que leur morale est devenue populairement intolérable.
En France, si Sarkozy se vexe parce qu’Obama a fait plus fort que lui, c’est parce qu’il sait que l’éclat creux spectaculaire est éphémère : Obama démode Sarko comme une collection de couturier écrase la précédente, et si Nabe parle de premier président juif français face au premier président noir américain, c’est bien parce qu’ils ne le sont ni l’un ni l’autre. Tout le monde a ri quand Ségolène Royal s’est vantée d’avoir été plagiée par Obama sur sa campagne, mais est-on certain qu’elle avait tort ? En basant sa stratégie sur la féminité (ne parlons pas de féminisme), Royal a produit le même effet qu’Obama avec sa couleur : toute critique est forcément raciste ou misogyne pendant que la teneur de leurs projets informes se voile dans le débat sensationnel. Poule, œuf, modernité politique, peu importe, les procédés sont les mêmes.
L’hystérie collective que décrit Nabe est dès lors si simple à comprendre : puisque plus rien n’est sérieux, quand il s’agit de saisir la valeur métaphysique d’un évènement, il n’y a plus personne. Les Noirs sont à la mode, placés partout, en stocks inépuisables pour combler la demande et pour se préserver d’inconvenants soupçons. Pour être tendance, il faut la Nègre Attitude ! Les Noirs qui tombent dans le panneau crient que la discrimination s’effrite mais ne voient pas qu’est plus vicieuse encore celle qui les sollicite. La liesse mondiale est une ivresse de masse qui a perdu toute sa raison.
L’asservissement mal maîtrisé d’un peuple porte toujours à conséquences néfastes pour le pouvoir. Par chance pour ce dernier, la démocratie a fait de l’occident la population la plus conne du monde. L’humiliation n’étant qu’un avilissement d’amour-propre, il suffisait d’offrir aux citoyens l’orgueil du choix pour qu’ils pavanent de suffisance. Rien ne rend plus malléable un être que lui donner ce qu’il croyait attendre. C’est l’entretien de la fierté d’avoir la liberté et l’intelligence qui empêche toutes les puces de parvenir dans les oreilles : si Personne ne semble trouver anormal que les néoconservateurs pro-Bush se soient métamorphosés en obamiens de la vingt-cinquième heure, c’est parce que dans leurs vanités d’ego dégueu, nombre sont persuadés que puisqu’ils ont raison depuis longtemps, ce sont ceux qui ont tort qui ont fini par entendre raison ! C’est d’ailleurs pour ça que le fantasme d’assassinat d’Obama est si présent dans les esprits : la victoire semble si subversive qu’elle appelle la vengeance ! Le plus drôle, c’est qu’en joker du dernier joker, il suffirait de le flinguer pour relancer la spirale populaire et flatter les narcisses en leur donnant raison. Obama est élu, et déjà aujourd’hui, le monde est passé à autre chose. Les feux d’artifices du spectacle se sont éteints. Tuer Obama au moment opportun reviendrait à la même chose que de l’élire. Rien de politique, mais du sensationnel, un buzz nouveau, qui s’effacerait encore quelques temps plus tard, jusqu’au suivant : c’est l’incessante berceuse des cons qui dorment.
Evidemment, ce n’est pas l’auteur de Rideau qui allait passer à côté des impostures cinglantes de notre civilisation. La victoire de Dinkins, c’était un parasitisme Noir dans le monde Blanc, une résistance d’espoir et un rêve à défendre. Celle d’Obama est intégrée intégralement. Il y’aurait beaucoup à dire sur les variation de Nabe autour de La lettre volée, le thème de Poe. Nombre d’indices se cachent partout dans ses écrits, en images d’Epinal, sous les yeux du lecteur qui souvent passe sans voir. Ici, seule la complémentarité de Toujours plus noir avec Enfin Nègre ! permettait de saisir ce manifeste à ne pas changer son discours en fonction du temps : en 1989, la pomme était déjà bien entamée par le ver qui la ronge, mais subsistaient encore des zones d’espoir. Aujourd’hui elle est pourrie jusqu’au trognon. Déjà à l’époque, l’imposture Obama se profile : Dinkins est modéré, et toute modération porte en elle les germes de la trahison ou de l’avortement, dit-il prophétiquement. Enfin Nègre ! est la suite logique…
Nabe ne se préoccupe pas de s’abaisser aux dérives sémantiques de notre époque parce qu’il n’accepte pas l’apathie générale de la médiocrité : il s’en distingue délibérément. Parce qu’il n’infantilise pas son lecteur, il refuse de lui parler dans sa novlangue, comme un père qui épargne son enfant de ses gouzi-gouzi d’adulte. Il le respecte en s’adressant à lui comme à une grande personne : il ne lui explique pas qu’on l’a amputé de son esprit critique, mais se donne en exemple d’homme vivant pour le secouer, et qu’il prenne conscience par lui-même de la réalité, en s’éveillant. Pas étonnant que ceux qui se refusent à comprendre, ou ceux qui attendent la parole Nabienne comme un caprice se rassurent entre eux dans la critique superficielle. Comme des enfants punis qui se gaussent en groupe pour conjurer l’évidence de leurs faiblesses !
Nabe sait que l’abrutissement des esprits n’est qu’une période, si longue soit-elle, qui aboutira nécessairement à la récupération par l’homme de la Vie au sens noble, comme il sait que cette révolution passera nécessairement par l’écroulement du monde occidental (la Vie est ailleurs). Dès lors, l’élection d’Obama ne pouvait lui apparaître autrement que comme une énième conséquence d’un monde en perte. Pas de quoi bander, en effet. Pas de quoi s’emporter non plus…